La Neuvième Planète (1/2)

La Neuvième planète, une probabilité de plus en plus forte ce qui ne veut pas dire une certitude.

Je comprends bien l’engouement du public pour la nouvelle mais toujours hypothétique « Neuvième Planète » (rang qui était celui de Pluton jusqu’à ce qu’elle soit rétrogradée à la qualité de « planète-naine » en 2006). Il est inspiré par le goût du mystère et de l’étrange. L’existence potentielle de cet astre se trouve depuis très longtemps dans l’esprit des astronomes puisque très vite après la découverte de Neptune par Urbain Le Verrier en 1846, une perturbation avait été notée dans l’orbite de cette dernière. On a cru, un moment furtif, que Pluton était la réponse. Las ! Sa masse était insuffisante pour fournir une explication exhaustive. Ce fut ensuite dans les dernières dizaines d’années (depuis 1992) la découverte d’une série d’autres « objets » transneptuniens, localisés dans la ceinture de Kuiper, comme Sedna, Quaoar ou Eris…

A chaque fois, on nous a annoncé LA découverte qui aller « boucler » l’explication du système solaire et à chaque fois on a été déçu car chacun des astres décelés s’est avéré n’être qu’une planète-naine, du genre Pluton, dont la masse était insuffisante et l’orbite « anormale ». Petit à petit cependant un schéma nouveau se dessine qui suggère des probabilités de moins en moins flous pour les masses dont ils restent à préciser la localisation. De fait, les ellipses des planètes-naines de la Ceinture de Kuiper, s’étendant toutes du même côté du soleil, appellent une sorte de « contrepoids », invisible, nécessaire à leur équilibre instable. C’est ce qu’on « vu » deux chercheurs du CalTech, Mike Brown et Konstantin Batyguin, et ce sont des personnes dont la parole a du poids car Mike Brown, spécialiste des objets transnuptoniens, est le scientifique qui a convaincu ses pairs de la logique de la rétrogradation de Pluton, après qu’il ait découvert Eris.

Le premier problème pour aller plus loin c’est que ce contrepoids, étant très loin du soleil, on suppose entre 200 et 1200 « UA » alors que Pluton évolue entre 29 et 49 UA (1 UA égale la distance Terre / Soleil), se déplace très lentement sur une orbite extrêmement longue (on estime à 10.000 à 12.000 ans le temps nécessaire à la parcourir). Le deuxième problème c’est que la quantité de lumière reçue du Soleil à cette distance est extrêmement faible (juste un peu plus que celle d’une grosse étoile) et que la lumière réfléchie vers notre région centrale du système solaire est d’autant plus faible. Le troisième c’est que le volume de l’astre est relativement petit ; on parle d’une planète gazeuse (type Uranus) d’une quinzaine de masses terrestres. Comme les astronomes distinguent les planètes des étoiles par le mouvement relatif de leur image sur la voute céleste, la difficulté pour la repérer est énorme. Enfin il n’est pas du tout sûr qu’il n’y ait qu’un seul astre ; un petit nombre de masses d’une somme égale à cette unique planète et dont les orbites seraient situées du même « côté » du soleil, pourrait aussi « faire l’affaire ».

Alors ?

Nous avons besoin d’un coup de chance, l’occultation d’une étoile répertoriée par exemple, ou encore la détection entre deux clichés, du déplacement infime d’un point de lumière presqu’imperceptible. Ce n’est pas « gagné » mais, si nous n’avons pas ce coup de chance, « on y arrivera » quand même, petit à petit, en détectant les uns après les autres les objets relativement massifs restants de la Ceinture de Kuiper, jusqu’à ce que le schéma des orbites se complète de façon satisfaisante pour l’équilibre général des masses. Le pas le plus récent a été fait en Novembre 2015 par l’identification de « V774104 » (voir image à la Une), un astre de 500 à 1000 km de diamètre (la moitié de Pluton), le plus distant observé à ce jour, à 103 UA du soleil.

A supposer que cette matière soit concentrée dans un seul astre, quel sera son intérêt « touristique »? Faible, car elle sera pratiquement inaccessible à nos fusées les plus puissantes (plusieurs dizaines d’années de voyage). Si on accède à sa surface (s’il est confirmé qu’elle n’est pas gazeuse) on ne pourra pas s’y mouvoir compte tenu d’une gravité beaucoup trop forte sauf si le plus important des « morceaux » de cette masse était de l’ordre de celui de la Terre. Auquel cas on y retrouverait la gravité terrestre mais la température serait inférieure à -200°C et le jour aussi noir que la nuit. Cela dégagerait toutefois une magnifique voûte étoilée.

Les chercheurs du CalTech ont loué du temps d’observation au télescope japonais Subaru situé au sommet du Mont Mauna Kea de l’ile de Hawai. Ils doivent couvrir à peu près un quart de l’orbite présumée de la planète (le segment d’arc le plus lointain). Nous leur adressons tous nos vœux de réussite. En attendant, cette « neuvième planète » restera un objet de discussions avec un contenu de plus en plus précis, donc moins de rêves et de fantasmes.

Image à la une : vue d’artiste de la planète-naine V774104, crédit : NASA/JPL-CalTech

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.