Penser et agir dans un monde complexe

COVID-19: il faut qu’on arrête…

… il faut qu’on arrête de faire “comme si”.

 

L’autre jour, je donnais cours à la Haute Ecole Bernoise, dans le CAS “Innovation-/Change-Manager”. Et la directive était – “bien sûr” – avec le masque. Et en plus, en formation hybride avec quelques participant-e-s qui suivaient le cours à distance. Je vous passe la construction technique pour que cela fonctionne à peu prêt…

 

Trois minutes

Trois minutes. Après trois minutes de mon introduction, j’étais à bout de souffle. A bout de souffle, le masque collé, la chaleur de mon haleine remontant sur le haut de mon visage. Face à vingt autres personnes masquées dont je n’entrapercevais que les yeux.

Trois minutes. Et je me suis dis que ça n’allait pas aller. Pas comme ça.

Je m’estime capable de beaucoup d’adaptation. Mais là ce n’est plus possible. Qu’est-ce qui m’agace tant?

C’est que nous faisons “comme si”.

 

Comme si

Comme si porter un masque en continu n’avait aucun impact délétère sur la santé.

Comme si porter un masque ne gênait pas la communication interpersonnelle (personnellement, les mimiques de mon visage sont déterminantes dans mon rôle de formateur et coach).

Comme si l’humain n’interagissait, ne communiquait, n’apprenait qu’avec des yeux et un cerveau: sans le nez, sans la bouche, sans la peau, sans les tripes.

Comme si le temps perdu à régler des problèmes techniques à répétition n’avait aucune conséquence.

Comme si le stress de ne jamais être sûr que ça va fonctionner nous laissait indifférent.

Comme si le climat anxiogène entretenu n’influençait pas notre moral.

Comme si ne plus se toucher, ne plus s’embrasser, était un détail de nos interactions sociales dont on peut se passer sans encombre.

Comme si quand quelqu’un tousse, c’était normal de sursauter.

Comme si les changements continuels à court terme ne nous fatiguaient pas.

Comme si le contrôle social – regard sombre si vous n’avez pas mis le masque avant de monter dans le train – devait nous laisser de marbre.

Comme s’il était normal de considérer en tout temps que les étrangers à proximité immédiate – c’est 1.5 mètre, pour rappel – sont potentiellement des dangers mortels.

Comme si nous pouvions fournir les mêmes prestations et services qu’avant, avec la même qualité qu’avant, avec la même efficacité qu’avant. Et avec le même sourire qu’avant, bien sûr.

Comme si, avec un masque, le digital, et plus tard un miracle – pardon, un vaccin – la société pouvait tourner “comme avant”.

 

Je ne sais pas vous, mais moi c’est non

Non je n’y arrive pas. Je n’arrive pas être aussi performant qu’avant, ni en quantité, ni en qualité.

Je suis plus lent.

J’ai plus de peine à me concentrer.

Je suis par moment moins présent à mes client/es.

Je dois m’astreindre à utiliser, et à apprendre à utiliser, ce que je considère comme des gadgets technologiques et énergivores.

J’ai des soucis, je m’inquiète, pas tant pour une éventuelle maladie, que pour ce qu’il advient de notre vivre en commun.

J’aimerais ralentir, mais je dois aller vite et faire beaucoup, pour “rattraper” le chiffre d’affaire perdu au premier semestre.

Je me sens pris dans un engrenage dont il semble impossible de s’échapper.

Nous nous sommes construit une auto-illusion, un narratif trompeur, un mensonge collectif, tout ça pour “relancer l’économie”. Et je n’ai plus envie d’en être.

 

J’aimerais dire “arrêtons-nous deux secondes pour réfléchir ensemble”

mais je risque qu’on me considère comme anti-masque

ou anti-vaccin

ou complotiste

ou d’extrême quelque chose.

J’aimerais obtenir des réponses sensées à de vraies questions que j’ai

Sur la dangerosité effective

Sur le masque

Sur le pourquoi tout pour le COVID et rien contre le tabac (ou autre problème de santé publique).

Mais j’ai peur de passer pour désobéissant

ou illoyal

ou dangereux

ou cinglé.

 

Nous sacrifions notre résilience, et empirons les choses

Sous prétexte de nous faire du bien, ou du moins aux personnes à risque à qui on n’a pas demandé l’avis, nous sommes en train de nous faire du mal.

De refuser le débat démocratique.

De refuser d’abandonner ce qui est déjà mort, ou le sera dans un avenir très proche – l’industrie aéronautique, le tourisme de masse, le bétonnage de nos campagnes.

De subir des choix de société imposés par on ne sait exactement qui, ni pourquoi.

Nous nous empêchons de tirer les vraies leçons de ce que nous vivons depuis bientôt une année. D’imaginer autre chose. De nous préparer autrement que par une vaine répétition vaguement améliorée du passé.

 

Pourquoi j’écris tout cela, dans un blog sur la complexité?

Parce que nous sommes, avec la COVID-19, en plein coeur de la tempête VUCA. Nous sommes dépassés, intellectuellement, émotionnellement, psychologiquement.

Et lorsque nous n’y prenons pas garde, ce sont les vieux réflexes qui prennent, sous la conduite de la peur, le dessus.

Les comportements qu’on pouvait observer auparavant dans certains projets particulièrement complexes, s’observent maintenant dans les médias, la politique, nos comportements, à large échelle.

Et cela ne concerne plus seulement l’argent de quelques investisseurs, ou l’organisation de quelque entreprise, mais nous tous, notre société, nos proches, nos voisins, nos amis, tous les autres et le reste du vivant sur cette planète.

 

Je rêve

qu’on se donne une trêve

qu’on ralentisse

que nous nous mettions ensemble pour partager, faire le deuil, célébrer

pour imaginer, construire.

S’il vous plaît, ne me pincez pas…

 

“Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade.”

Jiddu Krishnamurti


Suite aux nombreux commentaires, permettez-moi quelques précisions et compléments (lundi 21.9.2020, 19h30) :

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