François Maurice (1925-2019)

En ce deuxième dimanche de février, François Maurice s’en est allé. Il était le dernier des architectes de cette génération dorée qui a forgé l’image moderne de Genève. Il faisait partie de ceux, à l’instar de Georges Brera (1919-2000), Georges Addor (1920-1982) ou Jean-Marc Lamunière (1925-2015), qui ont porté les acquis du Mouvement moderne dans une ville d’après-guerre encore attachée aux valeurs urbanistiques héritée du dix-neuvième siècle, celles que l’iconique figure de James Fazy avait érigées en modèle.

C’est en 1959 que le jeune architecte, alors âgé d’à peine plus de trente ans, livre son premier ouvrage : la patinoire couverte des Vernets (avec Albert Cingria et Jean Duret). Ce projet qui est aujourd’hui toujours considéré comme une de ses œuvres majeures, occupait une zone encore vierge de toute construction, au-delà de l’Arve, la rivière encore sauvage qui bordait alors la frontière du quartier de Plainpalais. Ce programme de loisirs devait marquer le nouvel élan d’une vision politique ouverte vers le futur du canton. A la fois bâtiment mono-fonctionnel par sa spécificité, et halle polyvalente, sa volumétrie, devant également beaucoup à l’ingénierie civile, s’imposait dans ce site par sa puissance plastique. La forme architecturale prenait également en compte une nouvelle donnée sociétale de ces trente glorieuses : la nécessaire présence d’un immense parking stockant les véhicules des spectateurs. L’inclinaison de la façade principale s’affichait ainsi comme un signe fort dans ce paysage de bitume comme pour mieux accueillir une foule enthousiaste de découvrir les gladiateurs contemporains évoluant sur la glace.

comptoir bancaire et financier 1965-1967 ©phmeier

François Maurice s’illustre encore dans les années soixante par la conception de plusieurs remarquables bâtiments administratifs aux structures – ou revêtements – en métal dont la filiation miessienne est revendiquée. Son art de la proportion prend ici toute sa profondeur. Du Comptoir bancaire et financier (avec Louis Parmelin, 1965-1967) à la Chase Manhattan Bank (avec Louis Parmelin, 1969-1972), il fait étalage de sa maîtrise du détail et particulièrement son habileté quant au traitement de l’angle.

Au crépuscule de sa carrière il participera encore activement à la rénovation et surélévation du siège de la Fédération des syndicats patronaux conçu avec Jean Duret et Jean-Pierre Dom entre 1959 et 1966, sur les bords du Rhône. Dans cette opération très réussie de conservation d’un objet patrimonial récent, il accompagne, à passé quatre-vingt ans, deux plus jeunes confrères pendant près de cinq années. Ces derniers conservent de cette collaboration fructueuse un souvenir lumineux.

Tout au long d’un parcours professionnel remarquable, François Maurice a démontré une capacité de synthèse face aux défis du vingtième siècle. Grand travailleur, ce constructeur né a toujours su mettre en avant cette notion essentiel de la responsabilité de l’acte de bâtir vis-à-vis de la société qui l’a mandaté. C’est une grande figure de l’architecture qui nous quitte laissant dans le paysage bâti genevois une constellation d’ouvrages exemplaires.

+ d’infos

Andrea Bassi, François Maurice architecte, FAS, Genève, 2003

Bruno Marchand, François Maurice architecte, infolio éditions, Golion, 2003

Philippe Meier

Né à Genève, Philippe Meier est architecte, ancien architecte naval, enseignant, rédacteur et critique. Depuis plus de trente ans, il exerce sa profession à Genève comme indépendant, principalement au sein de l’agence meier + associés architectes. Actuellement professeur de théorie d’architecture à l’Hepia-Genève, il a également enseigné durant de nombreuses années à l’EPFL ainsi que dans plusieurs universités françaises. Ses travaux et ses écrits sont exposés ou publiés en Europe et en Asie.

Une réponse à “François Maurice (1925-2019)

  1. Cher Papa,
    cela fait quasiment trois ans que tu es parti et tu me manques toujours autant…
    je t’aimerai toute ma vie

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