Le Pritzker : on en parle (2)

En 2014, l’architecte japonais Shigeru Ban a été auréolé du célèbre prix Pritzker. Le nom du prochain lauréat, quarantième de rang, attribué le 23 mars prochain, est attendu comme ceux que les célèbres statuettes dorées californiennes honorent chaque année. A quelques jours du résultat, risquons-nous donc à un pronostic et postulons que l’architecte britannique David Chipperfield a de réelles et objectives chances de l’emporter.

Européen malgré tout

Chipperfield parce que la création architecturale européenne est la plus à même d’être mise à nouveau à l’honneur. En effet, depuis 2009, date de l’attribution du prix à notre concitoyen Peter Zumthor, cinq des six derniers nominés provenaient du contient asiatique. Un retour sur le vieux continent ne ferait que confirmer que la mégalopole européenne, cette région qui court de la Grande-Bretagne au Nord de l’Italie, appelée aussi la dorsale européenne ou encore la « Banane bleue », selon la terminologie du géographe Roger Brunet, est bien une des zones culturelles les plus influentes au monde. Bien que construisant dans le monde entier, ce représentant de Sa Majesté reste avant tout un penseur européen dans son approche architecturale. Sa conception de plans très rigoureux, sa mémoire quant à l’importance de l’entablement « trilithique » antique – deux pierres verticales supportant une pierre horizontale –, son goût pour une matérialité sobre et raffinée, le place parmi les héritiers d’une tradition moderne classique dont l’épi-centre se situerait encore plus au nord, proche des eaux froides de la Baltique. Bien que déjà très reconnu, et un peu à la mode, il s’affirme néanmoins depuis quelques années comme étant une figure incontournable de la création architecturale européenne.

Une carrière très accomplie

Chipperfield parce que sa carrière initiée au début des années septante dans les rangs de la célèbre et très londonienne AA School of architecture, s’est poursuivie très tôt au Japon puis un peu partout en Europe et dans le monde. Son oeuvre bâtie a abordé presque tous les programmes contemporains, allant du musée au logement, de l’hôtel au bâtiment administratif, ou de la villa à la bibliothèque. Ses piles en béton qui se répètent dans le Tyrol autrichien, les très élancées dalles en porte-à-faux du pavillon pour la Coupe de l’America à Valence ou les innombrables panneaux rectangulaires de verre recyclé du Musée Folkwang à Essen, sont les éléments distinctifs de sa signature architecturale. Pour compléter les multiples facettes de son talent, il ose la confrontation à l’histoire ancienne – transformation du Neues Museum à Berlin – ou à l’histoire plus récente – restauration de la Neue Nationalgalerie, chef d’oeuvre de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe des années soixante. Enseignant à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne entre 1993 et 1994, David Chipperfield a également partagé son savoir dans de nombreuses écoles d’architecture en Europe et dans le monde. Elevé à l’ordre du Mérite par l’Etat allemand en 2009, anobli par la reine Elisabeth en 2010, et récent lauréat du projet pour le nouveau siège de la Fondation Nobel à Stockholm, il ne lui manque plus que l’obtention du Pritzker prize, le «Nobel de l’architecture», pour étoffer ce parcours exemplaire.

On en reparle.

+ d’infos

Voir le précédent blog sur le sujet, posté le 3 mars 2015

PS: ce blog a été publié la première fois sur la plateforme de l’hebdo.ch

Philippe Meier

Né à Genève, Philippe Meier est architecte, ancien architecte naval, enseignant, rédacteur et critique. Depuis plus de trente ans, il exerce sa profession à Genève comme indépendant, principalement au sein de l’agence meier + associés architectes. Actuellement professeur de théorie d’architecture à l’Hepia-Genève, il a également enseigné durant de nombreuses années à l’EPFL ainsi que dans plusieurs universités françaises. Ses travaux et ses écrits sont exposés ou publiés en Europe et en Asie.