Soutien à Caroline Gebhard, «pour la liberté de la presse»

«Nous nous sommes donc réuni-e-s pour affirmer notre soutien à Caroline Gebhard et à la presse yverdonnoise, et pour questionner son licenciement qualifié d’abusif et de brutal par son avocat Raphaël Mahaim». Mathilde Marendaz (notre image), Verte yverdonnoise, donne le ton à une manifestation rapidement organisée place Pestalozzi, vendredi en début de soirée à Yverdon-les-Bains. Qu’il s’agisse d’un licenciement brutal ou d’une démission forcée par les pressions, le départ de la rédactrice en chef du journal Nord vaudois La Région continue à susciter une vive émotion.

«Dévouée et reconnue unanimement par ses pairs, poursuit Mathilde Marendaz, Caroline Gebhard s’est distinguée par «la qualité de son professionnalisme hors pair et son dévouement sans compter». Et l’oratrice de se dire choquée de lire, dans le quotidien La Liberté, le président du conseil d’administration de La Région Philippe Dubath «décrire Caroline comme pas faite pour le métier et dotée d’un orgueil extraordinaire». Et Mathilde Marendaz de se demander: «Un homme aurait-il été licencié avec autant de facilité et de brutalité dans la même situation? En 2019, est-il toujours plus facile pour les hommes d’affirmer leur position et leur indépendance sans devoir subir ce genre de qualification»?

Séparation des pouvoirs

Après s’en être prise au conseil d’administration, Mathilde Marendaz décoche quelques flèches au syndic d’Yverdon-les-Bains Jean-Daniel Carrard, considérant comme «inadmissible» que ce dernier ait signé, au nom de la municipalité, une lettre se plaignant que le journal ne cite pas suffisamment ses propos ou ne retranscrive pas son image. «Monsieur Carrard, interpelle-t-elle, la liberté de la presse est un principe fondateur d’une démocratie saine. Les journalistes professionnels décident de la manière d’informer une région au travers d’un journal; ce n’est pas le rôle d’un exécutif que d’en contrôler le contenu. C’est la séparation des pouvoirs». Une remarque chaudement applaudie par la foule.

Chroniqueuse et collaboratrice occasionnelle de La Région, Valérie Gilliard observe de son côté que «les lecteurs fidèles n’ont pas manqué de remarquer l’augmentation de la qualité rédactionnelle depuis 2018: de nouvelles plumes plus inspirées et même plus aguerries ont trouvé leur place dans les colonnes du journal, qui par ailleurs conserve toute sa teneur régionale».

Le contraire d’un instrument-perroquet

Et Valérie Gilliard de conclure que «la presse doit être un organe réflexif, où des professionnels du discernement, les journalistes, offrent non seulement de l’information, mais encore et surtout une distance critique face au monde. Il ne s’agit donc pas d’un instrument-perroquet à l’usage des pouvoirs en place qui veulent être mis en valeur».

De nouveaux applaudissements appuient cette déclaration. Après le temps des discours, vient celui de la marche des personnes présentes à la manifestation jusqu’au siège du journal La Région, au cri de « Solidarité, liberté de la presse».

Sauvegarder la diversité

A n’en pas douter, cette affaire pose l’éternelle question de la liberté de la presse. Face à la déferlante des réseaux sociaux qu’une partie de la jeunesse gobe sans retenue, la presse joue un rôle majeur de discernement, d’analyse et de synthèse. Si les pouvoirs publics ne lui garantissent pas une indépendance totale en s’abstenant de l’instrumentaliser et en la protégeant aussi des milieux économiques, la presse risque de disparaître pour de bon. Il est encore temps, pour la société civile, de se réveiller et de sauvegarder la diversité des idées et des opinions.

 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

2 réponses à “Soutien à Caroline Gebhard, «pour la liberté de la presse»

  1. L’annonce d’une interview du maire de Genève occupe toute la largeur de la page d’accueil du « Temps » depuis deux semaines, alors que certaines annonces de blogs de personnalités politiques ne restent affichées que 3 heures. Sans citer Monsieur Kanaan qui semble tenir une place bien ancrée dans ce journal, j’ai questionné la personne responsable du renouvellement de la page d’accueil, qui a bien voulu me fournir une réponse : « Sur la première page du Temps, nous affichons les 5 articles les plus récents. Et sur la page des blogs, une vingtaine. C’est une manière automatisée, car plus vous mettez d’articles, plus l’affiche du site est lent. Et pour évitez aussi de surcharger le lecteur avec trop d’informations. La sélection se fait automatiquement, chaque nouvel article est publié en premier, puis baisse à mesure que de nouveaux arrivent… »

    Dans ce système automatisé, certaines annonces peuvent-elles rester bloquées, pendant que d’autres filent vite, à la manière de l’ascenseur en panne qui n’est pas pressé d’aller à la cave ? La question est-elle gênante ?..

  2. “Et l’oratrice de se dire choquée de lire, dans le quotidien La Liberté, le président du conseil d’administration de La Région Philippe Dubath «décrire Caroline comme pas faite pour le métier et dotée d’un orgueil extraordinaire».”

    Mouais. On fait mieux comme argumentaire. Là, c’est vide dans le sens du creux.

    “Et Mathilde Marendaz de se demander: «Un homme aurait-il été licencié avec autant de facilité et de brutalité dans la même situation? En 2019, est-il toujours plus facile pour les hommes d’affirmer leur position et leur indépendance sans devoir subir ce genre de qualification»?”

    Quand on est face à des arguments aussi creux, ce n’est même plus une question d’homme ou de femme…

    C’est du creux de chez creux.

    Mais bon. C’est pas la première. C’est pas la dernière. La Terre continuera de tourner.

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