Parole de sagesse

«Pas de relation sexuelle avant le mariage!» C’était la recommandation de ma mère dans les années 1970. Près d’un demi-siècle plus tard, quand ne pas sauter de joie devant un mariage gay risque de nous conduire tout droit au bûcher des temps modernes, cette douce injonction pourrait être considérée comme le sommet de la ringardise. Pourtant, en ce joli mois de juin qui voit fleurir des mariages dont la moitié se soldera par un divorce, je finis par me demander si ma mère n’avait pas raison. Une grande sagesse, et non une péremptoire leçon de morale, aurait dicté ses paroles. Combien de fois ai-je rencontré des personnes m’avouant ne plus du tout s’entendre avec leur partenaire qu’elles n’arrivaient cependant pas à quitter, liées par une sorte d’attachement sexuel qui les emprisonnait littéralement! Ou encore des personnes s’imaginant régler leurs différends avec leur conjoint(e) par une «nuit d’amour» qui ne faisait qu’embrouiller les esprits et ne réglait rien du tout. Finalement, ai-je fini par comprendre, l’acte sexuel créé des liens très puissants qui peuvent masquer une authentique relation durable. Laquelle ne devrait pas se construire sur du sable mouvant.

Physique, sentimental et intellectuel

Comme le suggère à la jeunesse le philosophe et pédagogue Omraam Mikhaël Aïvanhov, dans un numéro de ses œuvres complètes intitulé «L’amour et la sexualité» (Editions Prosveta), «examinez bien si vous êtes tous les deux en parfaite harmonie dans les trois plans physique, sentimental, intellectuel ou si vous cédez seulement à l’attrait du plaisir. Si, sur des sujets importants, votre partenaire et vous avez des opinions divergentes, ne vous dites pas: – Oh cela n’a aucune importance, à la longue on se comprendra, on s’arrangera. –  Ce sera tout le contraire. Au bout de quelque temps, une fois lassés de certains plaisirs et quand le sentiment à son tour sera émoussé, vous vous apercevrez que vos idées, vos tendances, vos goûts sont trop divergents. Et voilà les disputes, les déchirements, voire les séparations».

Comme un feu de cheminée

Dès lors, l’acte sexuel entre deux amoureux devrait être l’aboutissement et non le début d’une relation. Comme les grosses bûches d’un feu de cheminée qui ne s’enflamment que lorsque brindilles, petits bois et bois moyens ont progressivement créé assez de lumière et de chaleur: pour le jeune couple, assez de sagesse (lumière) et d’amour (chaleur) pour engendrer la vie, qu’elle soit physique ou spirituelle. Au vrai, la précieuse fidélité se prépare comme on prépare un feu de cheminée. (Trait libre paru dans Echo Magazine du 19 juin 2019)

 

 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

6 réponses à “Parole de sagesse

  1. Merci pour ces paroles pleines de sagesse qui sont particulièrement bienvenues par les temps qui courent.

  2. En quoi les relations sexuelles seulement après le mariage pourraient donner plus de chances à un aboutissement heureux ? Après s’être trouvé à deux sur le plan des sentiments, des intérêts partagés, de la compréhension mutuelle, le bonheur n’est pas garanti, même si ces qualités sont en amont de l’expérience sexuelle, conditions qui peuvent être très favorables à celle-ci : Nécessaires mais pas du tout suffisantes. Les fantasmes sexuels de l’un peuvent ne rien signifier pour l’autre, ou même heurter désagréablement. Et là ce n’est pas l’affectif, l’intellect, et le caractère qui les définissent. Les fantasmes de la sexualité existent tels qu’ils sont pour chacun(e), ils se communiquent et se découvrent (même pour soi-même parfois) que lors des échanges physiques. Cela peut être une terrible déception de n’être pas fait l’un pour l’autre sur le plan de la sexualité, pour n’en prendre conscience qu’après le mariage alors que « tout le reste » était heureux, allait si bien… La sagesse de votre mère, puisqu’il semble que vous avez suivi son conseil, vous a été favorable, mais vous avez quand même joué au poker, sans aucune garantie de gagner !

    Peut-être me direz-vous : « Si j’ai gagné, c’est bien que je ne me suis pas trompé !.. »

    Là, je n’aurais rien à vous répondre, si ce n’est : « D’accord, le hasard n’y est pour rien, vous êtes né sous une bonne étoile qui continuera à vous protéger… »

    1. Pour ma part, j’interprète cette phrase (ou injonction) «Pas de relation sexuelle avant le mariage!», compte tenu que l’acte sexuel crée des liens très puissants, qu’il faut au préalable bien réfléchir avant d’avoir une relation sexuelle comme de prendre la décision de se marier.

      Bien entendu, de se marier et de constater qu’après cela ne va pas sur ce plan est quelque chose de dramatique, et dans ce sens je suis d’accord avec vous.

      Cela étant, ce que je retiens de ce texte, c’est l’invitation à bien considérer les trois plans, physique (le ventre), sentimental (le coeur) et intellectuel (la tête) et de ne pas négliger les deux autres au seul profit du plan sexuel.

      C’est d’ailleurs bien la conclusion:
      « l’acte sexuel entre deux amoureux devrait être l’aboutissement et non le début d’une relation. »

      1. Merci de vos opinions en retour. Je suis bien d’accord que l’article de Philippe le Bé transmet l’essentiel. Juste une nuance quand vous mentionnez l’intellectuel. Celui-ci contribue à être capable de bien raisonner, en complément avec le savoir-vivre… J’ai vu des couples ayant de très bonnes capacités intellectuelles, mais immatures affectivement : Catastrophe. Et leur opposé, un professeur de haut niveau, et sa femme n’ayant pas suivi la scolarité minimum, mais elle le rendait heureux et c’était réciproque. Elle aimait leurs enfants, était pleine de bon sens. Ce couple était envié pour tout ce qu’on les voyait partager ! Je pense aussi qu’au départ, à l’adolescence, le trousseau des clés pour le bonheur est grand, et que beaucoup de clés essayées donneront l’occasion de trouver les bonnes. La mauvaise peut même parfois mener à découvrir que nous sommes faits l’un pour l’autre. Mon beau-père qui aimait mener des enquêtes m’avait un jour déclaré : “Savez-vous, Monsieur, que ma fille vous avait choisi pour votre belle voiture ?..” Je lui avais répondu : “Mais voyons… Nous nous aimons sincèrement, je pourrais avoir une 2 CV, je suis certain que je ne la perdrais pas !..” Et à mon retour à la maison, j’avais informé mon amie de cette incroyable déclaration de son père. Elle avait répondu : “Euh… Au tout début, c’était vrai… Mais après, oh après, je t’aimais si fort”. Je ne m’y attendais pas du tout ! Et pour être honnête, j’avais pensé que moi aussi je l’avais choisie pour… Mais je ne n’avais rien dit.

        1. Merci pour ces belles nuances et ce partage très intéressant et touchant.
          Cela me conforte qu’il est préférable de laisser le temps au temps, et avec sincérité, pour que les choses puissent murir et atteindre leur pleine maturité.

  3. Je déplore le début de votre intervention quand vous dites “quand ne pas sauter de joie devant un mariage gay risque de nous conduire tout droit au bûcher des temps modernes”, je comprends que vous ne l’approuvez pas parce que pour vous, être gay, c’est seulement une question de sexualité. On peut, en effet, être un bon père de famille identifié comme hétérosexuel et avoir des affaires avec d’autres hommes, de temps à autres.
    Par contre, deux personnes de même sexe qui s’aiment et qui souhaitent faire un bout de chemin ensemble doivent pouvoir se marier pour protéger leur union et comme pour votre couple hétérosexuel, c’est « Physique, sentimental et intellectuel ».

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