Marie-Antoinette Mélières: «Il est encore temps d’éviter l’irréparable»

C’est dès maintenant qu’il faut agir pour baisser fortement nos émissions de gaz à effet de serre car il sera bientôt trop tard, alerte la physicienne climatologue Marie-Antoinette Mélières, membre du conseil scientifique de la Fondation Zoein.

Lors de la dernière COP 21 en 2015 à Paris, l95 Etats se sont engagés à limiter le réchauffement climatique en-dessous des 2°C, avec en ligne de mire la volonté de maintenir l’augmentation des températures à 1,5°C.  «Laisser croire que l’on peut stabiliser la température à 1,5° C n’est que le résultat d’un compromis politique, s’insurge la physicienne Marie-Antoinette Mélières, spécialiste du climat et de l’environnement (co-auteure de Climats : passé, présent, futur). La température moyenne du globe augmente désormais de 0,2° degré par décennie et sur notre lancée dans une quinzaine d’années on aura à coup sûr atteint 1,5°». Et si les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent à croître de 2% par an, les 3 à 4 degrés seront franchis d’ici la fin du siècle.

Plongée dans l’histoire du climat dont elle a étudié les complexes mécanismes, Marie-Antoinette Mélières note que l’écart de température entre période interglaciaire (comme l’actuelle, depuis environ 12 000 ans) et période glaciaire, est d’environ 5°.  Ces deux climats se succèdent sans relâche depuis plusieurs millions d’années.  «Nous héritons actuellement d’écosystèmes dont la flore et la faune se sont adaptées à de telles variations. Un réchauffement de +3° nous fait sortir, en un siècle, de cette situation car au cours des cycles climatiques précédents, nous affrontons en périodes interglaciaires des baisses d’environ 5°, mais jamais des hausses atteignant 3 à 5°C. De telles hausses, en un temps si court, s’assortiraient inexorablement d’un bouleversement de notre système de production agricole au niveau mondial entrainant des troubles pour l’accès à la nourriture». Dès lors, l’humanité ne peut pas se permettre de laisser la température grimper à 3, 4 ou 5°C. Pourtant, l’économie planétaire prend bel et bien cette voie suicidaire.

 Premiers signes déjà bien visibles

A quoi faut-il s’attendre? Avec une hausse aujourd’hui de «seulement» 1,1 degré calculée depuis le 18ème siècle (c’est surtout à partir des années 1980 que la température s’est emballée), les conséquences du réchauffement climatique sont déjà largement sensibles: les glaces de l’Antarctique et du Groenland commencent à fondre, les canicules, en été, deviennent plus fréquentes et les hivers, moins froids. Quant au niveau des océans, son élévation, actuellement de quelques centimètres par décennie, pourrait atteindre le mètre à la fin du siècle, montant encore durant de nombreux siècles.

«Tout ce que nous pouvons entreprendre pour éviter une escalade doit donc être entrepris», souligne Marie-Antoinette Mélières. Dès lors, multiplier les énergies renouvelables ne sera pas suffisant. Il faut aussi baisser radicalement les émissions de GES. Si nous voulons que la hausse n’excède pas 2°C, nous ne devons pas émettre plus de 3000 gigatonnes de CO2. Cela permettrait une stabilisation dès 2100. Or nous en avons déjà émis près de 2000 (37 durant l’année 2017). Hélas, les émissions continuent à augmenter, année après année.

Ne pas mélanger réchauffement et biodiversité

 Experte dans de nombreux programmes africains de développement et ayant aussi notamment étudié la pollution de l’environnement en Guyanne, Marie-Antoinette Mélières s’est forgée une vision globale de l’état de la planète. Elle prend soin de ne pas faire l’amalgame entre le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Ce n’est pas le réchauffement climatique qui est responsable du très inquiétant appauvrissement de la biosphère, de la disparition de nombreux insectes, oiseaux et autres animaux sauvages, de la déforestation, de la dégradation des sols et des océans, etc. C’est l’homme, et lui seul, qui, par ses actions, dégrade et détruit l’environnement. «Le réchauffement climatique ne fait qu’aggraver une destruction inconsidérée des organismes vivants et de leurs milieux de vie».

 Renouer le lien entre l’homme et la nature

Finalement, constate Marie-Antoinette Mélières, cette situation est la conséquence de la rupture du lien entre l’être humain et la nature vivante. La reconstruction de de lien apparaît être la grande priorité que l’humanité doit se donner. PLB

Lire aussi La Pensée écologique  – Photo réalisée par Florian Barras  –

 

 

 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

4 réponses à “Marie-Antoinette Mélières: «Il est encore temps d’éviter l’irréparable»

  1. Cette personne, scientifique, a remarquablement bien résumé la situation et vous remercie d’avoir relié son message concret. L’impact sur notre « économie de marché » ne s’est pas encore fait ressentir. Tant que cela n’aura pas eu lieu, celle-ci continuera à fonctionner à l’identique et dans le monde entier. Le réveil récent de la rue est peut être le premier signal d’un changement à venir, mais celui ci sera complexe de toute évidence, mais pas impossible. Je reste donc optimiste.

  2. Cette dame devrait revoir ses chiffres qui ne correspondent pas aux relevés des satellites !
    j’espère qu’en tant que physicienne, elle maitrise l’équation de Max Planck qui explique pourquoi la Terre se trouve à la température actuelle, autant que le spectre infrarouge qui s’en dégage .
    Qu’elle comprenne aussi les variabilités dues aux cycles naturels , tels que ceux décrits par Milankovitch, mais aussi l’indice AMO et l’activité solaire .
    Nous sommes déjà à la fin de l’holocène et nous avons déjà perdu 1 °C (ou Kelvin) depuis 2000 ans , le petit Age glaciaire était un avant goût de la prochaine époque glaciaire !
    L’année 1910 représente le point minimal depuis que nous mesurons les températures. Entre 1910 et 1940, elles ont augmenté de 0.6 °C dus principalement à l’indice AMO et l’activité solaire, l’apport du CO2 anthropique étant encore trop faible ( < 300 ppm) . Le cycle AMO se retourne tous les 30-40 ans et donc dans les années 1970, nous avons connu une baisse des températures de quelques dixièmes , malgré l'activité solaire et l'augmentation du CO2 ! Puis dès les années 2000, cet indice est repassé en positif , ce qui ajouté au CO2 anthropique a fait monter brusquement les températures de 0.5 °C avec des pointes pendant El Nino jusqu'à 1 °C, mais rien de catastrophique .
    L'indice AMO devrait repasser en négatif vers 2030-2035 , parce que les océans représentent une telle capacité thermique que notre CO2 ne peut corriger en si peu de temps !
    Avec une activité solaire minimale de ces prochaines décennies, on retrouvera les températures de 1910 en y ajoutant l'effet du CO2 uniquement , nous pourrons alors mesurer notre influence réelle .
    If faut préciser que nous parlons uniquement en dixièmes de degré sur quelques siècles et non en degrés entiers à l'échelle de la planète , des variations plus marquées peuvent être enregistrées localement , mais à ne pas confondre avec l'effet global ! Les vrais climatologues parlent en watts/m2 , parce la science du climat est d'abord celle qui étudie la balance énergétique entre les flux électromagnétiques solaire (short Waves) et terrestre (long Waves) et qui s'annulent au sommet de l'atmosphère ( environ 240 watts/m2) !
    Les physiciens , en particulier ceux de l'université de Chicago, ont pu mesurer en laboratoire les effets du CO2 à différentes concentrations et ont développé le modèle MODTRAN qui explique la courbe logarithmique de l'effet de serre de ce gaz ( comme les autres également) et donc montre que cette effet s'aplanit avec la concentration en ppm: si la concentration de CO2 est bien monté de 45% , son effet en watts/m2 n'est que de +5 % ( + 2 watts/m2) et si on tient compte de l'ensemble des GES , cette augmentation n'est que de 1% ! Pour une augmentation de 5 watts/m2 ( environ 1 °c ) , il faudrait doubler la concentration actuelle ( à 800 ppm ) ou multiplier par 4 notre contribution en CO2 !!!
    Notez que ces valeurs de laboratoire ne peuvent pas être confirmées par des mesures in vivo par satellites , pas assez précis et que l'albédo ( valeur très importante pour le climat ) n'est mesuré qu'avec 1 % de précision , soit 3 watts/m2 ( 0.6 °C) .
    Les prévisions qui donnent 3 ° C d'augmentation ne reposent sur aucun fondement scientifique sérieux et ne servent ni la science ni l'humanité . L'urgence climatique n'est qu'un mythe pour terroriser la population comme on parlait de fin du monde ou d'apocalypse ! Greta Thunberg en est la parfaite victime !
    Rien ne s'oppose par contre à la transition énergétique renouvelable qui apporte de multiples bienfaits et une solution définitive à notre approvisionnement en énergie . Le problème No1 restant la surpopulation qui détruit les biotopes naturels !

    1. @Hubert Giot
      Vous feriez mieux de scruter simplement un peu la nature, plutôt que des chiffres et des théories! Les phénomènes partout en cours démontrent que vos élucubrations climatiques ne correspondent pas à la réalité… Mme Mélières est sans doute à ce sujet beaucoup plus compétente et crédible.

  3. La plasticité neuronale de mon cerveau de retraité est restée encore optimale et j’apprecie ce complément d’infos scientifiques pointues qui me permettent enfin de mieux comprendre ce qui se passe. La connaissance reste la seule voie à suivre. Cette variation climatique terrestre actuelle ne doit pas être confondue avec la pollution de notre environnement et ses répercussions observables sur la biodiversité, et l’homme en fait partie. L’activite économique et la démographie ne sont pas en reste. Bienvenu dans le monde globalisé de la complexité.

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