Valérie Cabanes: «Droits de la nature et crime d’écocide doivent être reconnus»

Valérie Cabanes, juriste internationale et essayiste, souhaite que le droit se soucie enfin de la protection de tous les êtres vivants sur notre planète en péril.

Le 26 juillet 2018, à Quito, le peuple de Sarayaku a déclaré publiquement son territoire «Kawsak Sacha – Forêt Vivante: Être vivant, conscient et sujet de droits». Au fil des mois, les droits de la nature sont toujours plus défendus et reconnus sur la Terre : en Equateur, depuis 2008 déjà dans la Constitution, mais aussi en Inde où le Gange a été reconnu comme une entité vivante, de même que la rivière Whanganui en Nouvelle-Zélande, en Colombie concernant la forêt amazonienne, au Mexique, au Brésil, en Australie ou en Nouvelle Calédonie, des territoires deviennent des sujets de droit par des décisions judiciaires ou politiques.

Pour Valérie Cabanes, juriste internationale spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire, cette réjouissante évolution n’est qu’un début. La protection des droits de la nature doit désormais être validée par le droit international. «Si l’on reconnaît à un écosystème son droit à l’existence, on peut le défendre préventivement s’il est menacé par les êtres humains, souligne-t-elle. C’est aussi une manière d’affirmer que les droits humains ne peuvent pas être garantis si les droits des écosystèmes et des autres espèces vivantes à exister de manière pérenne ne le sont pas également».

La responsabilité pénale via le crime d’écocide

 La reconnaissance planétaire des droits de la nature permettrait la mise en œuvre facilitée d’une procédure de droit civil. Mais celle du crime d’écocide irait encore plus loin, ouvrant la voie à des actions pénales. C’est le deuxième grand combat de Valérie Cabanes qui collabore étroitement avec le mouvement End Ecocide on Earth. «Aujourd’hui, déplore-t-elle, un conseil d’administration d’une société peut pousser un PDG à prendre des décisions gravement nuisibles à l’environnement car ce dernier n’est pas pénalement responsable pour de tels actes. Si le crime d’écocide était reconnu, engageant sa responsabilité pénale, il réfléchirait à deux fois avant d’agir». Les limites planétaires à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr serviraient de cadre normatif. Ainsi une multinationale qui continuerait à exploiter du pétrole, alors que la limite planétaire du nombre de parties par million (ppm) de CO2 a déjà été franchie, devrait cesser ses activités, faute de quoi ses dirigeants seraient passibles de poursuites pénales.

 Prévenir les catastrophes écologiques

Si le crime d’écocide était déjà reconnu et appliqué par les tribunaux nationaux et la Cour pénale internationale (CPI) – au même titre que le crime contre l’humanité – des catastrophes écologiques auraient pu être évitées ou plus rapidement réglées. Les exemples ne manquent pas. Après le naufrage du pétrolier américain Chevron qui a causé une gigantesque pollution dans la forêt amazonienne, une saga judiciaire dure depuis plus d’un quart de siècle. En France, un projet pharaonique d’une mine d’or au cœur de la forêt guyanaise mettant en danger une forêt déjà très endommagée et menaçant la population autochtone pourrait être stoppé.

Zoein, une communauté des consciences et un outil efficace

Consciente que nous sommes entrés dans l’âge du faire et que l’heure n’est plus aux atermoiements, Valérie Cabanes a rejoint le conseil scientifique de la fondation Zoein parce qu’elle y trouve des personnes compétentes dans leurs domaines respectifs et partageant sa vision de notre planète en grand danger. «Je ne peux que soutenir des initiatives de transition écologique, notamment portées par des jeunes, avec des sources de financement éthiques et des projets aussi judicieux que le revenu de transition écologique», souligne-t-elle. Enfin, après avoir collaboré durant 18 ans à des activités de solidarité internationale, Valérie Cabanes peut offrir une riche expérience dans des projets de soutien aux femmes et enfants particulièrement exposés dans les pays du Sud aux effets dévastateurs du réchauffement climatique.

Lire aussi La Pensée écologique  – Photo réalisée par Jérôme Panconi 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

4 réponses à “Valérie Cabanes: «Droits de la nature et crime d’écocide doivent être reconnus»

  1. Si le droit international fonctionnait, ça se saurait.
    Mais ni l’ONU, la CPI et toutes les OMC, G20/8 et autres foutaises ne servent à grand-chose pour la seule raison qu’ils servent les intérêts de leurs donateurs, les plus puissants et riches.

    Si on n’est même pas capable, en Suisse, d’avoir un troisième pouvoir intègre et neutre, vous imaginez dans le monde.
    Et c’est valable depuis la nuit des temps, comme le plus vieux métier du monde, las!

    “Mais de chercher à atteindre les étoiles, on n’en saisira aucune, mais on n’en ressortira pas non plus les mains pleines de boue”
    (attribué à Leo Burnett)

  2. Bonjour,

    Ce type d’évolution “mentale” eu égard de nos supports de vie parait évident. Cela fait sens.

    Par contre, il est dangereux de toujours usés des notions type: “planète en péril”, “écocide”, “protection juridique de la nature” ou même pire: “sauver la planète!” et “Kawsak Sacha – Forêt Vivante: Être vivant, conscient et sujet de droits” . Ils nous renvoient à une notion romantique de la Nature comme élément distinct de l’homme, notion chère à Thoreau. En plus de nous exclure de la nature, ils nous conduisent à une méprise du problème, qui n’est pas la mise en péril des structures écologiques (qui sont résilientes à diverses échelles temporelles) mais bel et bien la possible fin de notre humanité.

    Je crois à la force des mots car ces derniers participent à la réalité en lui donnant forme, aussi, je pense nécessaire de recadrer ses écarts en parlant plutôt de “destruction de nos supports de vie”.

    Ne tombons pas de le mysticisme et gardons les pieds sur terre.

    1. A moitie d’accord.
      Si j’accorde des droits à un groupe je n’exclue pas forcément les non-membres du groupe, j’adapte. Accorder des droits “individuels” à une éco-entité n’exclue pas forcement l’humain. Beaucoup de peuples “écologiques” ne comprennent pas notre notion de nature (pour les raisons que tu indique) mais utilisent tout de même ces notions juridiques.

      Quand à la fin de l’Humanité, je pensait (uniquement) comme ça aussi. Ok pour la notion mais quid du groupe. Il y aura toujours un fragment qui survivra, surement les pires, quitte à écraser tout ce qui reste pour s’accaparer les miettes de subsistance… L’humain est malheureusement l’être le plus adaptable, tout aura crevé qu’il survivra encore en scaphandre à manger des films bactériens.
      Ou alors seulement les “retournés à la terre” réussissant à subsister quasi sans technologies (utopie de “la belle verte”) lol…

      L’avenir n’est pas beau.

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