Ernst Zürcher: «Paysans, plantez des arbres!»

Pour lutter contre le réchauffement climatique et sauver la biodiversité, les arbres et la forêt en zone agricole sont une solution rapidement efficace selon l’expert en agroforesterie Ernst Zürcher, membre du conseil scientifique de la fondation Zoein.

L’industrialisation à outrance de l’agriculture contribue à l’augmentation des gaz à effet de serre (GES). Elle entraîne également une dégradation des sols avec pour conséquence un effondrement de la biodiversité. En 30 ans, près de 80% des insectes, ces fabuleux pollinisateurs transformateurs de matière organique, ont disparu, avec les oiseaux dans leur sillage.

 Le meilleur levier

Selon Ernst Zürcher, «c’est dans le secteur agricole que l’on peut agir le plus efficacement et le plus rapidement pour redresser la barre». Si le passage à une agriculture totalement biologique s’avère indispensable, il nécessite de gros efforts et prendra du temps. En revanche, souligne l’ingénieur forestier (ETH Zürich), chercheur et enseignant, il faut réintroduire sur les terres agricoles des arbres, des haies ou des cordons boisés, rivières végétales reliant champs cultivés et forêts: Tout cela peut se faire dès maintenant avec des résultats très prometteurs pour la biodiversité et la résilience.

Avec une part de résineux qui retiennent le vent en hiver, des feuillus qui dégagent de la fraîcheur en été, des arbres indigènes ou des essences introduites ayant fait leur preuve, les paysans ont l’embarras du choix pour revitaliser leurs terres et augmenter leur capacité de stocker l’eau.

Parmi ses nombreuses vertus – régénération des sols, protection de la faune et de la flore, pharmacie vivante, pompes à CO2 – la forêt joue un rôle fondamental dans le système hydrique de la planète. Non seulement les arbres font descendre en profondeur l’eau de pluie mais ils la provoquent en envoyant dans l’atmosphère des microparticules qui forment des noyaux de condensation. «Rasez une forêt et vous verrez les nuages aller pleuvoir ailleurs», observe Ernst Zürcher.

A moyen terme, l’entretien des haies fournira de la matière légumineuse pour enrichir les sols en matière organique.

Semis sous couvert végétal

Comme il faut de 10 à 20 ans avant qu’un arbre ait atteint un âge adulte et développe tous ses effets positifs, d’autres méthodes aux effets plus rapides sont à mettre simultanément en œuvre. Comme par exemple le semis direct sous couvert végétal, une forme d’agriculture sans labour qui permet de réintroduire beaucoup de matières organiques dans le sol, sans jamais laisser celui-ci à nu exposé à l’érosion, et sans recours à des biocides comme le glyphosate. Cette méthode peut revêtir une dimension sociale, souligne l’agroforestier, avec la participation des consom’acteurs qui participent à certains travaux comme le désherbage et la récolte et rétablissent un lien vital avec la terre nourricière.

Pour aider les paysans à développer des systèmes agroforestiers et à réaliser dans les meilleures conditions une transition écologique et solidaire, Ernst Zürcher suggère d’instaurer une petite taxe sur l’eau potable, cette eau que précisément la forêt fournit en quantité et en pureté. Lors d’une récente conférence qu’il a donnée dans le Jura bernois, le forestier a constaté avec bonheur l’intérêt affiché de plusieurs députés pour une telle proposition.

Médecins de la Terre

Enfin, le chercheur n’oublie pas sa mission d’enseignant en suggérant la création d’un nouveau métier en lien avec les grands projets de reboisement qui vont se multiplier: médecin de la Terre. Un projet sur lequel planche une fondation zurichoise à laquelle pourrait être associée la fondation Zoein. Il s’agit d’une formation professionnelle de 3 à 4 ans, de type dual, assurant à ses bénéficiaires un parcours à la fois théorique et pratique, en relation avec les métiers de la terre: biologie des sols et des arbres, climatologie, permaculture, gestion de pépinières, etc.). Les apprentis, dans le cadre de leur «entreprises» des grands chantiers de reboisement partout dans le monde, seront très bien rémunérés. Parmi ces derniers pourront librement figurer des réfugiés, notamment climatiques, premiers touchés par les perturbations dues au climat. «Devenant des professionnels du reboisement, ils seront en première ligne les acteurs de la transition écologique».

(Lire aussi La Pensée écologique). – Photo par Florian Barras –

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

7 réponses à “Ernst Zürcher: «Paysans, plantez des arbres!»

  1. Merci beaucoup M. Le Bé de nous faire connaître l’existence et la démarche fondamentale de Zoein. C’est très intéressant et réconfortant de voir de nombreux scientifiques (Zoein et d’autres) qui sortent du bois et s’investissent, souvent avec philosophie aussi, pour aider l’humanité à reprendre un chemin viable et à réparer les dégâts causés à la Terre par notre mode de vie récent.
    Merci, vous faites du bien aux esprits positifs et constructifs…

  2. Merci à cet agro forestier, à Zoein, de nous informer de cette excellente initiative. Enfin du concret. Est ce que l’industrie Agro-alimentaire dans son ensemble (producteurs, transporteurs, vendeurs) sera en mesure de comprendre cette information, cette action citoyenne, ses implications et donc de participer à cette démarche ?

  3. rien de nouveau, cette mesure a déjà été préconisée à maintes reprises , mais comme les autres ne sont pas appliquées . On préfère s’en remettre au multinationales qui détruisent les biotopes à tout va !!!
    Ce n’est tellement en Suisse que ce problème est critique : Haiti a presque perdu toutes ses forêts , Madagascar suit le même chemin , Bornéo ne sera bientôt plus qu’un alignement de palmiers pour son huile , l’Amazonie des terrains de golf pour les amis de Bolsonaro ….
    En Suisse, les grandes sociétés qui gèrent les mines sont protégées par des lois totalement laxistes …
    Zoein ne nous apprend rien !!!

  4. Ces experts de la fondation Zoein (pour connaitre leurs démarches) semblent trop vite écarter certains bienfaits de notre modernité. Mon esprit, bien que charmé pas ses visions de communion sacrées avec Mère Nature ne peux se départir d’un doute. Et si l’embryon idéologique qui était en train de se développer était de nature hautement totalitaire ? Nous avions déjà la capitalisme, voulons-nous dès lors l”écologisme”

    Les “trucs en -ismes” finissent tous par sentir la charogne.

    J’ai l’impression que ces groupes placent la nature au-dessus de nous et cela ne fait aucuns sens. Nous en faisons partie et nos technologies aussi. D’un autre côté, ils usent régulièrement de la notion d'”écocide”, terme galvaudé qui nous fait injustement croire que l’être humain à la puissance de détruire la vie ou du moins ses écosystèmes. Placé sur une échelle géologique (donc de la terre), notre humanité n’est qu’une légère irritation que la terre dégagera sans peine d’un petit coup de grattoir.

    Au lieu de sacraliser une nature qui est un état de faits et non pas une mère (Gaïa, Avatar and co.) , Il paraît ainsi plus raisonné de définir le problème comme suit: l’être humain est en train de détruire ses supports de vie physiques et psychiques.

    Cette précision a un sens car en formulant clairement la problématique nous pouvons fixer clairement l’objectif, qui n’est donc pas de sauver la terre mais de sauver nos seuls petites fesses.

    En découle alors un panel de mesure plus large que les habituels mesures écolos-centrées réchauffées.

    Enfin, peut être est-il temps d’arrêter de nous faire du mal et de commencer pas accepter notre nature hautement conquérante et autodestructrice, facteur nécessaire aux mutations perpétuelles de la vie sur terre.

    Le roi et mort, vive le roi.

  5. Il est vrai que des scientifiques ont alertés les gouvernements depuis de nombreuses années sur la déterioration de l’environnement terrestre et climatique. Mais nous revenons toujours au même point, le pouvoir et l’argent à tout prix et à court terme. Les gouvernements et les grandes sociétés ne parlent que de croissance économique, le reste ne les interesse pas. On dirait, qu’ils ne vivent pas sur la même planète que nous.
    Bonne journée et regardons le futur avec joie et bonheur.

  6. Chaque arbre planté sur le globe est une richesse à tous points de vue.
    Mais il faut imaginer que les arbres gênants la productivité intensive agricole suisse ont déjà été arrachés, alors pour replanter tout ça, qui va le financer? Et on parle de variétés selon les biotopes, donc c’est un voeu pieux.

    En Uruguay, il y a déjà deux usines (gigantesques) de production de chips de cellulose pour le papier.
    Le gouvernement, malgré de nombreuses oppositions va de l’avant pour une troisième, soit deux usines pour un groupe finlandais. Bon on peut comprendre l’Etat qui cherche des postes de travail.

    Mais on plante des eucalyptus, à croissance rapide et qui consomment 300 litres d’eau par jour.
    Alors entre les milliers d’hectares de la forêt amazonienne rasés pour y mettre des vaches ou du soja…
    et la production déséquilibrant les régimes hydriques … chaque effort suisse compte, mais ????

    Bon, on aimerait croire à David et Goliath 🙂

  7. Bravo Professeur Ernst Zürcher ! Oui, une des meilleures propositions ! Multifonctionnalité : allier agriculture (bio si possible), arbres fruitiers ou forestiers (photosynthèse importante, donc stockage de carbone).
    Semis sous litière : non-labour, soit accroissement des organismes de la terre et de l’humus, riches en carbone ! Gagnant – gagnant !

    Informations TRANSITION AGRO-ENERGETIQUE :
    https://planethumus.com  et https://agrihumus.com 

    Voir notre chaîne YouTube :
 https://lnkd.in/dzGMyrk


    
Recherche suisse PNR68 : http://www.pnr68.ch/…/synteses-themati…/sol-et-environnement
    Alliance Climatique suisse : http://www.alliance-climatique.ch/bns

    Grands-parents pour le climat : https://www.gpclimat.ch/qui-sommes-nous/
    Initiative pour les glaciers : https://www.protection-climat.ch/#contactt  

    
Initiative internationale 4 pour 1000 carbone : https://www.4p1000.org/fr 

    
FiBL – Institut de recherche en agriculture biologique : 
https://www.fibl.org/fr/page-accueil.html

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