Exit. Et après?

Quand j’apprends qu’une personne, au comble de la détresse psychologique, vient de se suicider, cela me désole profondément. Et ma désolation est encore plus forte si j’apprends que cette personne a décidé de programmer sa mort avec le soutien actif d’organisations telles qu’Exit, cette «Association pour le droit de mourir dans la dignité».

N’ayant pas connu d’atroces souffrances physiques ou psychiques, et souhaitant ne jamais les connaître, je ne me sens nullement le droit de juger celle ou celui qui décide de mettre fin à sa vie. Alors pourquoi cette désolation qui ne me quitte pas?

Mon sentiment est précisément alimenté par une certitude, bien plus forte qu’une croyance, celle qu’il est tout simplement impossible de mettre fin à sa vie. Penser qu’après sa mort, après être sorti de son corps physique, tout est fini, tout est réglé, les souffrances s’envolant par enchantement, est une grande illusion. Je n’ai certes aucune preuve pour avancer une telle affirmation, hormis les nombreux témoignages de personnes qui ont expérimenté une mort imminente et qui s’en reviennent convaincues qu’une vie peut encore exister en dehors de notre espace-temps terrestre. Mais, me direz-vous, ces personnes ne sont pas cliniquement mortes, avec un électro-encéphalogramme définitivement plat.

La vie, qui transcende mort et naissance

Pas de preuve, non bien sûr, mais l’intuition très forte que si la mort est une naissance inversée, la vie qui transcende mort et naissance est éternelle. Donc, de ce point de vue, la mort n’effacerait pas la souffrance, elle la ferait simplement (si l’on peut dire!) passer d’un état de conscience à un autre, du visible à l’invisible. Et rien ne dit que son intensité ne soit pas aussi, voire plus forte, que celle ressentie dans notre corps physique.

Dès lors, si la vie existe après la mort, elle existe aussi, toujours de mon point de vue – que je me contente de vous faire partager – avant la naissance. C’est pourquoi je me demande si une mort prématurément décidée non seulement ne mettrait pas fin à la souffrance mais équivaudrait à une malencontreuse rupture d’un contrat passé avec nous-même dans l’autre monde. La question fondamentale étant: que veut me dire la souffrance que j’endure? Est-elle vraiment sans aucun sens dans mon évolution ? Je ne crois pas. Comme l’a si justement dit Frère Aloïs, prieur de la Communauté de Taizé, lors d’un récent Jour du Seigneur sur France 2, «toutes les souffrances ont une place dans la Croix et toutes les joies sont dépassées par la joie de la Résurrection».

(Publié dans Echo Magazine du 24 octobre 2018)

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

12 réponses à “Exit. Et après?

  1. Ce qui revient à dire que nous avons autant de vies nécessaires, jusqu’à un état d’évolution parfait?
    Car sinon, comment comprendre les disparités de vies, de natures, de talents, de chance voire malchance et même de foi religieuse?

    1. La vie, comme la mort ne souffre aucune réponse, las.
      Ce serait bien commode d’avoir des certitudes, mais ne sommes que fétus, dans les tourments..

    2. Oui. C’est ce que je comprends et qui me convainc que cette vie a bien un sens.
      Michel Marcadé

  2. Il m’est arrivé de penser que le suicide pourrait être une solution dans certains cas d’extrême détresse ou de souffrance provoquées par le harcèlement médical en fin de vie. Mais la conscience que la vie m’a donné au monde ne va pas sans la conscience que c’est bien à elle aussi de m’y soustraire à son gré. Ainsi je sens qu’il serait un sacrilège de prétendre mettre moi-même fin à cette manifestation de la vie au monde que je suis, non contre mon gré mais sans y avoir été pour quelque chose. J’espère qu’il me sera donné de supporter dignement la manière dont la vie me fera quitter le monde. Ceci sans savoir ni vouloir imaginer comment la vie pré- et postmondane se compose.

  3. Je suis d’accord avec vous et ma désolation est accompagnée de doutes quant à la mission d’Exit. Au début je comprenais: il y avait des règles strictes et précises, maladie irréversible, souffrances insupportables etc. Avec le temps les souffrances admises ont été, non seulement celles physiques, mais aussi celles psychiques et la dépression. Or, on sait très bien que le dépressif peut passer du fond du trou à l’enthousiasme pour la vie et dans ce cas Exit n’est pas admissible. La grand acteur italien Vittorio Gassman en a souffert toute sa vie, il a même écrit un livre sur son combat et l’aide précieuse d’un psy très connu, mais il a trouvé le temps, entre deux crises, de nous laisser un opus remarquable de son travail.

    1. Exit a une équipe formée à reconnaître les dépressions dûes aux circonstances et n’ aide jamais une personne à mourir qui pourrait retrouver goût à la fin . Les associations suisses offrent une porte de sortie , mais jamais sans une réflexion préalable ainsi qu’ une analyse professionnelle de chaque cas individuel . Cette écoute est précieuse car elle est une prévention contre les suicides violents .

  4. Les personnes âgées et ou malades qui se jettent du haut d’un pont, leste son sac à dos de pierre pour être certaine de se noyer, se tire une balle dans la tête…pour ne citer que ces cas, provoquent elles en vous cette même désolation ? Il ne faut pas confondre une expérience d’EMI avec une mort réelle (et bien définitive). “Transcender” .. verbe qui me fait malheureusement penser à cette phrase longtemps en usage chez les prêtres “la douleur qui transcende” !
    Décider de sa fin de vie est un choix respectable, tout autant que celui des femmes et des hommes qui attendent qu’un dieu ne décide du moment de leur départ, souvent après de longues souffrances.
    En ce qui me concerne, je demande aux autres de respecter mon choix tout autant que je respecterai le leur. Le mien, en aucun cas, ne sera guidé par une croyance, plutôt par une longue réflexion et une détermination claire.

    1. Andrews, ne croyez-vous pas qu’on peut et doit distinguer le jugement qu’on porte sur un acte et celui qu’on porte sur la personne qui le pose. Je peux être, par principe et moralement, opposé au suicide, mais respecter celui qui se suicide.

  5. Bonsoir monsieur, moi je crois que si nos souffrances physiques ou psychologiques ont un sens, c’est bien celui de nous rendre moins bête en effet. Ces grandes souffrances, qui vous le dites, vous auraient fait défaut jusqu’ici, ces grandes souffrances vous feront peut-être comprendre un jour ce qu’est la vraie, la seule Vie éternelle: Cette “Vie sur Terre” qui a déjà vu passer des milliards de vies humaines, animales et végétales et qui en verra d’autres passer on l’espère.
    Alors revenons à la vie humaine, celle dont il est question dans vos propos. (L’homme est un grand égoïste qui ne palabre pas beaucoup sur la souffrance des animaux ni sur le stress des végétaux quand il prend sa belle plume, ce n’est pas spécial à vous). Bref, moi les souffrances inapaisables, les envies terribles de laisser sa place à quelqu’un d’autre sur la Terre, je les connais; je les côtoie depuis plus de 20 ans quotidiennement. Je peux vous assurer que vous auriez vu votre copie sous un autre angle, si vous connaissiez ces grandes souffrances inapaisables. Un journaliste qui signe un article monté sur des “certitudes sans preuves”, des “intuitions”… Excusez-moi du peu, mais c’est tout juste digne de la république française de 2018. Parler des souffrances possibles avant et après sa propre vie humaine, peut-être plus intenses que les souffrances physiques? c’est facile comme sujet! Mais il faudrait arrêter de prendre vos concitoyens pour des lapins de six semaines. La mort choisie est un droit depuis longtemps maintenant en France. Juste que mettre fin proprement et sans violence, c’est plus digne de notre époque médicalisée. On naît sans souffrances, on doit pouvoir choisir de mourir sans souffrir.

  6. Faut – il répéter encore et toujours que nos opinions n’ engagent que nous . Nous avons le plus grand respect pour ceux qui sacralisent la vie ici- bas et dans l’ au- delà . Mais de grâce , respectez ceux d’ entre nous qui aimons la vie tant qu’ elle est une vraie vie ( à nos yeux ) et qui ne dramatisons pas la mort qui en est la fin ( à nos yeux aussi )

    A chacun sa vérité , à chacun sa vie et à chacun sa mort . Pourquoi vouloir imposer sa vision aux autres ? Nous n’ incitons personne à se suicider . Nous demandons simplement une porte de sortie au moment qui nous semblera juste . Notre choix , notre droit .

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