A ma petite-fille Marie

(Publié dans Echo Magazine du 25 juillet 2018)

Yverdon-les-Bains, mercredi 27 juillet 2050 – Marie, ma chère petite-fille, si j’éprouve le besoin de t’écrire cet hologramme, c’est parce que je pressens la fin d’une longue histoire. A 96 ans, ce n’est pas un drame de passer de l’autre côté du miroir, après une vie aussi riche et intense! Je me souviens que lorsque tu étais encore jeune adulte, face aux ravages provoqués par notre climat devenu fou, aux migrations de millions de miséreux en quête d’une terre hospitalière, aux pandémies décimant une partie notre humanité, à l’effondrement des espèces animales, tu m’as demandé, éplorée, pourquoi tu étais venue au monde. «C’est toi qui l’as choisi», t’avais-je répondu. Je me souviens encore de ton air étonné, comme si une voix intérieure te confirmait mes dires.

Tu as donc choisi, ma chère Marie, de construire un autre monde dont on voit aujourd’hui les premières réalisations. Qui aurait imaginé, il y a à peine trente ans, qu’un gouvernement mondial composé de sages, élus pour leur niveau de conscience spirituelle, se chargerait de gérer les affaires d’une dimension internationale, comme le règlement des différends et la protection du vivant dont les forêts jadis massacrées sont la précieuse mémoire? Qui aurait imaginé qu’une police planétaire intervienne, par un devoir d’ingérence universellement reconnu, pour remettre de l’harmonie là où la tentation du pouvoir engendre misère et désolation?

Qui aurait encore imaginé qu’au sein des Etats et des régions un maximum de compétences serait dévolues aux communautés locales, autonomes dans leur organisation, vivant d’une agriculture biodynamique dans des habitats organiques, dotés d’énergies renouvelables, privilégiant la mobilité douce? Ces communautés, liées entre elles en intenses réseaux, s’échangent désormais leurs savoirs, leurs expériences. Une nouvelle économie symbiotique capable de faire vitre en harmonie les êtres humains et les écosystèmes a remplacé la vieille économie de pillage planétaire et social.

Qui aurait imaginé, enfin, un bouleversement de notre éducation, fondement de la pérennité de notre humanité? Les activités artistiques (danse, musique, arts graphiques, etc.) ont désormais la même importance que les mathématiques ou les langues. La nouvelle alliance des arts, de la science et des religions se noue dès l’enfance, par une éducation de l’être et non plus de l’avoir. A toi de cheminer dans cette voie. Celle des vivants. Bien affectueusement, ton grand-père Philippe.

 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)

2 réponses à “A ma petite-fille Marie

  1. @ Martin: Cela s’appelle une utopie

    Cela dit, une police planétaire? Un pouvoir, contre la tentation du pouvoir? Que cela soit avec être ou avoir, j’ai de la peine à le conjuguer

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