Le déni écologique du monde politique

 

Il ne se passe pas une semaine sans que notre planète lance des signaux d’extrême urgence.

Derniers signaux recensés : les terres vierges disparaissent de la surface de la Terre à un rythme alarmant, soulignent de chercheurs dans une étude. Au moins 10 % des régions sauvages, soit deux fois la superficie de l'Alaska, ont été perdues au cours des deux dernières décennies au profit du « développement humain ». Par ailleurs, selon un rapport de la Banque mondiale, la pollution atmosphérique tue une personne sur dix dans le monde. Enfin, chaque mois qui passe est le plus chaud jamais enregistré et 2016 battra 2015. La fréquence et la gravité des sécheresses, la rapidité et l’étendue de la fonte des glaciers, l’intensité des incendies et inondations, l’étroitesse des liens entre climat et maladies, climat et migrations, climat et violences, tout confirme les prévisions dramatiques du GIEC pour la planète.

Face à ce constat, le niveau de conscience du monde politique est plutôt affligeant.

Aux Etats-Unis, la palme du délire revient au candidat républicain Donald Trump dont la seule présence dans la course à la Maison blanche en dit long sur l’état mental de certains citoyens américains. « Cette très coûteuse connerie de réchauffement climatique doit s’arrêter. Notre planète gèle », écrivait Trump le 2 janvier 2014 sur Twitter, ajoutant un mois plus tard : « Notre pays doit-il dépenser de l’argent pour ce canular ? »

Dieu soit loué, la candidate démocrate semble moins irresponsable. Elle ambitionne en effet de faire des Etats-Unis une « super-puissance des énergies propres » si elle est élue. L’ancienne Secrétaire d’Etat annonce vouloir repenser l’infrastructure énergétique du pays qui dépend fortement du pétrole. Mais – un comble ! –  elle se dit favorable à la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste et ne semble pas remettre en cause l’extraction d’énergies fossiles sur le sol américain. Comment le pourrait-elle, face aux lobbies pétroliers dont le poids demeure considérable aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde ?

Comme la campagne électorale américaine est largement dominée par les questions de sécurité et d’immigration et les phrases assassines que s’envoient les candidats, l’écologie est la vingt cinquième roue du tricycle.

Même constat en Europe, et notamment en France.

 Les candidats à la présidentielle se soucient comme d’une guigne de l’état de la planète. A l’exception des Verts français qui hélas, en bons loosers flamboyants, ne trouvent rien de mieux que de faire systématiquement cause commune avec une gauche en totale déroute. Coup de chapeau néanmoins à la ministre de l’environnement Ségolène Royal qui continue à défier son premier ministre Manuel Valls sur le dossier des boues rouges toxiques déversées dans la Méditerranée par l’entreprise Alteo. Royal demande que ces rejets soient interdits, Valls s’accroche à l’argument éculé et fallacieux des emplois. Les incohérences caractérisées dans le fonctionnement du gouvernement de François Hollande ne sont plus un scoop.

Et en Suisse ?

Les Verts suisses, dont les Verts français devraient s’inspirer, ont lancé une initiative populaire pour une économie verte sur laquelle le peuple va se prononcer le 25 septembre prochain. Cette initiative vie à réduire l’empreinte écologique de la Suisse de trois à une planète par une gestion durable des ressources naturelles, en inscrivant cet objectif dans la constitution. Il s’agit de transformer notre économie du tout-jetable en économie circulaire avec des produits durables et une revalorisation des déchets comme matières premières.

Diviser notre consommation de ressources par trois en trente ans, c’est impossible clament les opposants à cette initiative qui brandissent le spectre de taxes massives sur l’essence, le mazout, le diesel, les aliments importés, etc.

Les milieux économiques et politiques hostiles à l’initiative sur l’économie verte continent à raisonner comme si les signaux d’urgence décrits plus hauts n’étaient que des chimères. Comme si l’économie de demain pouvait encore fonctionner comme aujourd’hui dans un monde profondément bouleversé. Comme si les flux migratoires engendrés par le réchauffement et le dérèglement climatiques n’allaient pas être sensiblement plus violents que ceux causés aujourd’hui par le terrorisme et les guerres. Lesquelles, d’ailleurs, ont aussi un lien avec l’état de la planète. La raréfaction de l’eau potable n’a par exemple pas fini de susciter des vives tensions, notamment au Moyen-Orient.

A quoi bon la COP 21 ?

Jamais le fossé n’a été aussi grand entre la prise de conscience de certains observateurs avisés de notre planète et la réalité des programmes politiques. A quoi sert l’accord mondial sur le climat, la COP 21, déjà ratifié par Pékin et Washington, si dans tous les Etats concernés ceux qui sont aux commandes ou qui aspirent à l’être ne placent pas la sauvegarde de la planète au tout premier rang de leurs discours, de leurs engagements et de leurs décisions ?

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Le Bé

Désormais auteur, Philippe Le Bé a précédemment été journaliste à l’ATS, Radio Suisse internationale, la Tribune de Genève, Bilan, la RTS, L'Hebdo, et Le Temps. Il a publié trois romans: «Du vin d’ici à l’au-delà » (L’Aire),« 2025: La situation est certes désespérée mais ce n’est pas grave » (Edilivre) et "Jésus revient...en Suisse" (Cabédita)