Par courrier du 5 juillet 2016, l’UBS a informé les personnes encore clientes qu’elle avait reçu de la part de l’Administration fédérale des contributions (AFC) une ordonnance de production concernant des personnes domiciliées en France ayant un compte ouvert auprès de son établissement en Suisse.
Les informations dont dispose la France qui lui ont permis de demander l’assistance administrative lui ont été remises par les autorités allemandes. En effet, le ministère public allemand a saisi des données suite à une perquisition effectuée auprès de l’UBS à Francfort. Comme l’indique l‘AFC dans une lettre d’information datée du 10 juin 2016, la France dispose de la référence d’un certain nombre de comptes bancaires portant un code « domicile : France » attribuée par la banque UBS.
Les autorités françaises requièrent les noms, prénoms, date de naissance et adresse du titulaire du compte, de son ayant droit économique et de toute autre personne venant aux droits et obligations de ces deux dernières qualités. Elles portent sur le solde des comptes au 1er janvier des années 2010 à 2015.
Cette demande d’assistance administrative est d’une ampleur sans précédent dans la mesure où les données saisies en Allemagne portent sur plus de 35'000 comptes (pas seulement des comptes de personnes domiciliées en France). Il sied de préciser que la saisie a porté également sur des données relatives à des comptes de personnes suisses domiciliées en Suisse et qui n’ont jamais été domiciliées à l’étranger…
Cette affaire pose deux types de question.
Tout d’abord, il appartiendra aux autorités judiciaires de déterminer dans quelle mesure la responsabilité de l’UBS est engagée. En effet, comment est-ce possible que des données relatives à des comptes ouverts en Suisse se soient trouvées dans un établissement de la banque en Allemagne ? Soit il s’agit de données volées, soit il y a eu une faute de la banque.
En second lieu, il est très important que les personnes concernées par la demande d’assistance française s’opposent à la transmission des données par l’AFC à la France. En effet, trois arguments principaux permettent de considérer que cette demande d’assistance administrative est illégale.
Premièrement, il résulte de la dernière modification de la Convention entre la Suisse et la France conclue le 9 septembre 1966 en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales que pour des demandes de renseignement relatives à des faits survenus avant le 1er février 2013, il est nécessaire que la France fournisse « le nom et une adresse de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête et, si disponible, tout autre élément de nature à faciliter l’identification de la personne (date de naissance, état civil…) ». Ce n’est que pour les faits survenus après le 1er février 2013 que les informations concernant l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle peuvent résulter de la fourniture d’autres éléments que le nom. Par conséquent, aucune information ne peut être communiquée pour la période allant du 1er janvier 2010 au 1er février 2013 puisque la France ne dispose pas du nom des titulaires des comptes, mais que de références bancaires.
En second lieu, dans sa version actuelle, l’article 7 lit. c de la Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF) stipule qu’il n’est pas entré en matière sur une demande d’assistance administrative lorsque celle-ci « viole le principe de la bonne foi, notamment lorsqu’elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse ». Or, comme je l’ai mentionné ci-dessus, les données se sont trouvées en Allemagne de toute manière contrairement au droit suisse, soit parce qu’elles ont été volées, soit parce qu’elles ont été fournies à une autre entité bancaire que l’entité helvétique en violation du secret bancaire.
Enfin, si mes informations sont exactes, les données ayant été saisies en Allemagne et remises à la France datent de 2006 et de 2008. En d’autres termes, les autorités font une extrapolation en considérant que les personnes domiciliées en France qui possédaient un compte entre 2006 et 2008 en possédaient encore un en 2010. Or, ceci est un cas de fishing expedition dans la mesure, où de nombreuses personnes, ont peut-être fermé leur compte entre 2008 et 2010.
Pour faire valoir leurs droits, il est fondamental que les personnes domiciliées à l’étranger désignent un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications de l’AFC ou fournissent une adresse actuelle en Suisse et s’opposent à la transmission de leurs données en France. Outre les trois arguments principaux mentionnés ci-dessus, il est possible d’invoquer des arguments propres à chaque cas, notamment, concernant le lieu de domicile du titulaire du compte. Le problème est que l’UBS informe uniquement les personnes qui sont toujours clientes. Il importe que les autres contactent la hotline de la banque au numéro suivant : +41 61 276 46 15.
Pour conclure, je suis personnellement choqué que l’AFC soit entrée en matière sur une telle demande. Dans tous les cas, cette position laxiste devrait pousser nos parlementaires à ne pas accepter d’assouplir les conditions de l’article 7 c LAAF mentionnées ci-dessus comme le demande le Conseil fédéral dans son message du 10 juin 2016 concernant les demandes d’assistance administrative portant sur des données acquises en violation du droit suisse. Par ailleurs, j’ose espérer que l’UBS bien que prise entre le marteau et l’enclume vu la procédure ouverte contre elle en France défendra ses clients notamment en leur fournissant toutes les indications nécessaires prouvant comment les données fondant la demande d’assistance française se sont retrouvées dans l’une de ses filiales allemandes.