L’initiative de l’UDC va à l’encontre de l’intégration

L’initiative de l’UDC « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre) » repose notamment sur l’idée que la Suisse doit expulser les ressortissants étrangers qui commettent un certain nombre de délits et qui, par conséquent, ne sont pas intégrés à la société helvétique. Or, en proposant d’expulser automatiquement des personnes étrangères pour des délits de relativement peu d’importance en cas de récidive, cette initiative contrairement au but qu’elle tente d’atteindre, freine en réalité l’intégration des ressortissants étrangers.

En effet, il est incontestable que l’intégration nécessite un effort de la part de l’individu qui désire s’intégrer dans une société ou dans un Etat qui n’est pas le sien. C’est notamment pour cette raison, outre la question de la laïcité, que je suis opposé au port du voile à l’école. Cependant, l’intégration exige également que l’Etat d’accueil offre des conditions-cadre adéquates. La plus importante sans doute est que le ressortissant étranger puisse envisager un avenir pour lui et les générations à venir dans son Etat d’adoption. Pour ce faire, il est impératif qu’il puisse compter sur le fait que, sauf accroc majeur, il puisse résider à demeure dans cet Etat. En effet, comment exiger d’un ressortissant étranger que progressivement, au fil des années et des générations, il se distancie de son pays d’origine pour prendre pied dans son pays d’adoption, s’il a l’impression qu’à tout moment il peut être expulsé de celui-ci ! Pensez-vous que la communauté italienne dont ma grand-mère faisait partie aurait tant fait pour s’intégrer en Suisse si ses membres avaient eu l’impression que du jour au lendemain la Suisse pouvait exiger leur départ ? La réponse est évidemment non. D’ailleurs, la politique migratoire helvétique repose sur ce principe, puisqu’après une période probatoire durant laquelle un ressortissant étranger a un permis B qui peut ne pas être renouvelé, il obtient un permis C qui ne peut lui être retiré que dans des cas très spécifiques.

Il résulte de ce qui précède qu’une acceptation de l’initiative de l’UDC le 28 février n’aurait pas comme conséquence que les ressortissants étrangers en Suisse s’intègrent plus dans la société helvétique, mais serait au contraire un énorme frein à l’intégration !

Philippe Kenel

Docteur en droit, avocat en Suisse et en Belgique, Philippe Kenel est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale. Social démocrate de droite, il prône l’idée d’une Suisse ouverte sachant défendre ses intérêts et place l’être humain au centre de toute réflexion. Philippe Kenel est président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles et de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) en Suisse.