Mieux vivre après la COVID – ou comment éviter le Fake Reset ?

Au-delà de l’indispensable transition verte de notre économie, c’est également un plan d’urgence du mouvement et de l’activité physique inclusive qui devrait être à l’ordre du jour.

Partie 3/3 : Appel à une transition verte… et sanitaire

Selon le philanthrope et homme d’affaires André Hoffmann, cité récemment dans le Temps, « Au lieu de continuer à trébucher d’une crise à l’autre, nous devons dès aujourd’hui construire un monde plus résilient. Placer la protection de l’environnement et la restauration écologique au centre de la relance post-Covid-19 est la mesure idéale par laquelle commencer. » En effet, de nombreuses voix se font entendre pour une relance verte et responsable, qui respecte et valorise notre capital naturel. Toutefois, c’est de notre capital social et de notre réserve fonctionnelle et sanitaire qu’il s’agit également ! A une relance verte et vertueuse, une relance active pour remettre en mouvement une population devenue trop sédentaire est également indispensable. Qui s’en occupera ? Nos autorités sanitaires ? Trop occupées à éteindre les incendies et trop enfermées dans une logique pathogénique. Nos politiques ? Trop souvent sous influence du court-termisme, de vues partisanes ou des lobbies du Big Pharma et de assurances maladies… car être malade paie ! Comme le rappelle cette blague cynique qui circulait récemment sur les médias sociaux… Un cycliste de plus sur les routes, c’est un désastre économique : il n’achète pas de voiture, ni de leasing ou d’assurance, ne paie pas de services, de parking… ne devient pas obèse, achète moins de médicaments, rend moins souvent visite à son médecin… et donc n’ajoute rien au PIB… alors qu’une nouvelle franchise de malbouffe génère au moins 30 emplois en plus de ses postes directs : 10 cardiologues, 10 dentistes, 10 nutritionnistes…

 

Il est donc devenu indispensable de définir un plan d’urgence du mouvement et de l’activité physique inclusive. Il s’agit notamment d’équiper les populations à risque d’une meilleure réserve et résilience physique face aux affections de la COVID et de ses petites sœurs à venir. A l’heure où chaque citoyen contribue par ses primes d’assurance maladie au budget de Promotion Santé Suisse, ce serait bon que nos parlementaires s’y intéressent plus sérieusement et qu’on augmente les moyens dévolus à la prévention. Petit rappel : 80% des dépenses de santé en Suisse sont consacrés au traitement des maladies non-transmissibles contre à peine plus de 2% pour la prévention, moins que la moyenne de l’OCDE. Ici (cher M. le Ministre Berset…), nous ne pouvons plus agir aussi lentement que nécessaire, mais plutôt aussi vite que possible !

 

Pour des assises du mouvement (!)

Alors que le canton de Vaud voyait renvoyées ses premières assises du sport en mars dernier, il est peut-être temps de repositionner un tel gremium autour du mouvement et du bien-être pour tous et de décloisonner ainsi le monde du sport. Non, le sport n’est pas qu’un loisir ou un secteur florissant de notre économie. Des politiques sportives visionnaires et intégrées peuvent générer des dividendes sociaux capitaux : une meilleure santé physique, mentale et sociale, un moyen de mieux vieillir et de retarder les affections chroniques, des ressources pour maintenir son autonomie physique plus longtemps et pour éviter les chutes aux lourdes conséquences. Une activité physique régulière, c’est aussi une meilleure productivité des employés, une plus grande créativité et un meilleur esprit d’équipe. C’est aussi créer du lien social, du bien-être et inviter chacune et chacun à redécouvrir sa ville ou sa campagne. Ainsi, ce serait remarquable de réunir autour d’une même table les conseillers d’Etat en charge de la santé, de l’éducation, de l’économie, du sport, de l’aménagement du territoire et de l’environnement pour tirer ensemble les enseignements de la crise du coronavirus et dessiner les contours du monde d’après, un monde dans lequel tout est entrepris pour préserver le bien-être durable de chacune et de chacun, notamment grâce aux vertus multiples, individuelles et collectives d’une pratique sportive régulière.

Une vue aérienne du Caire à gauche – une rue de Rotterdam à droite: a Tale of Two Cities…

 

Et la finance ?

Pour que de telles assises du mouvement et du bien-être puissent prendre le pas sur le paradigme de la sédentarité et de la maladie dans lequel nous sommes encore emprisonnés, n’oublions pas de mettre le grand argentier autour de cette table, car le monde de la finance – de plus en plus responsable et durable dit-on ! – doit également réorienter ses capitaux pour leur donner plus de sens et d’impact, ici comme ailleurs. Cette crise sera peut-être l’occasion pour un canton comme Vaud ou pour la Confédération de relancer les discussions autour d’un fonds souverain, dont la double mission serait d’assurer un capital-coussin en cas de crise comme celle de la COVID-19, mais aussi et surtout de valoriser les forces et solutions locales, orientées santé, bien-être, innovation, inclusion sociale et solidarité. Un fonds dont la gouvernance ne lui permettrait pas de perdre des dizaines de millions comme l’a fait la BNS ces derniers mois dans des actions fossiles… Et à l’heure où le monde de la finance s’émerveille devant les obligations vertes, il est peut-être temps d’innover en phase post-COVID-19 et d’imaginer des obligations arc-en-ciel, celle du de bien-être. L’Etat serait bien inspiré de s’appuyer sur un de ses leviers les plus puissants pour organiser son « Great Reset »: le secteur financier.

 

Pour conclure…

Confrontés à trois versions inquiétantes du coronavirus depuis 20 ans, il faut désormais accepter que ce soit un risque chaque année. Comme une canicule et ses mêmes effets de faucheuse de vies fragiles. Dans une société qui accepte que la cigarette, la sédentarité et la malbouffe tuent chaque année silencieusement des dizaines de milliers de personnes, il a été surprenant de constater l’ampleur et l’unanimité derrière les mesures sanitaires et économiques radicales prises en Suisse. Osons espérer que la science soit désormais mieux écoutée et qu’une nouvelle prise de conscience sanitaire ait lieu afin de mieux affronter l’après-COVID-19 et mieux prévenir les futures crises sanitaires. Avec, cette fois, une plus sérieuse prise en compte des groupes à risques, grâce à une prévention et à des investissements plus ciblés, plus efficaces et finalement plus rentables.

Ces derniers mois sont aussi l’occasion de repenser nos modes de vie, nos loisirs, nos transports et l’organisation de nos villes. De nombreux maires dans le monde entier font preuve d’une nouvelle détermination : celle de construire une plus grande résilience sociale et environnementale. Au-delà de la COVID-19, on prendra peut-être plus conscience que ce sont également les pandémies silencieuses de diabètes ou de pollution aux particules fines qui occasionnent des dégâts et des coûts prodigieux.

Dans son projet de double sommet 2021 (physique et digital), le WEF l’annonce : les fondations pour un « Great Reset » post-COVID-19 exigent « un nouveau contrat social respectant la dignité humaine et la justice sociale, et dans lequel les progrès sociétaux ne soient pas déclassés par le développement économique ». Nous verrons rapidement si ce revirement de principe sera fortement corrélé au nombre de jet privés et d’hélicoptères approchant les montagnes grisonnes en janvier prochain…

Nous terminerons sur les belles paroles d’un des sponsors de cet événement, le Secrétaire Général des Nations Unies Antonio Guterres, qui déclarait « Le Great Reset est une reconnaissance bienvenue que cette tragédie humaine doit être un signal d’alarme. Nous devons construire des économies et des sociétés plus égalitaires, inclusives et durables, plus résilientes face aux pandémies, aux
changements climatiques et aux nombreux autres changements mondiaux auxquels nous sommes confrontés
».

Remettre nos communautés en mouvement après ce long confinement et promouvoir des styles de vie sains et actifs pour tous doit faire partie de notre arsenal de relance. Sans quoi, nous nous dirigerons vers un Fake Reset qui maintiendra la prééminence d’une économie prédatrice, dévoreuse de carbone et de petites mains serviles.

Philippe Furrer

Philippe Furrer a passé l’essentiel de sa carrière comme cadre dans le monde du sport international. Géographe de formation, il se passionne d’interdisciplinarité, car les problèmes de notre monde contemporain sont si complexes qu’ils exigent de nouveaux paradigmes.