Au-delà de l’indispensable transition verte de notre économie, c’est également un plan d’urgence du mouvement et de l’activité physique inclusive qui devrait être à l’ordre du jour.
Chapitre 1/3 : La COVID-19, miroir des inégalités?
Le Temps l’annonçait récemment : le WEF prépare déjà l’édition 2021 de son Forum sous l’enseigne The Great Reset. On peut toutefois craindre que si les leçons de la crise du coronavirus ne sont pas toutes tirées avec courage et clairvoyance, il pourrait plutôt s’agir d’un fake reset…
Parmi les nombreux enseignements à tirer, il en est un qui tarde encore à être analysé : celui de la double peine que représente la prévalence inégale dans la population des maladies chroniques et de la COVID. En effet, partout le coronavirus apparaît comme le révélateur d’inégalités de bien-être et de disparités socio-économiques. Bien qu’il soit encore un peu tôt pour voir apparaître des analyses pertinentes en la matière, les premiers chiffres semblent pourtant le confirmer : mener une vie saine et active est la meilleure mesure de défense et de prévention, tant contre les risques de contracter ou de souffrir des effets dévastateurs du coronavirus, que contre les diverses maladies de société dites non-transmissibles (cancers, diabètes, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires chroniques et maladies mentales). Des facteurs génétiques, encore mal compris mais étudiés de près, semblent également être décisifs dans le cas de la COVID-19, mais dans une moindre proportion et pour des profils plus jeunes et atypiques.
Une énième piqûre de rappel…
Une chose est pourtant sûre : d’autres coronavirus ou méchantes versions de l’influenza viendront semer la pagaille et remplir nos services d’urgence ces prochaines années, de même que des épisodes de plus en plus fréquents de canicules tueuses. Un bref rappel est ici utile : selon l’OFSP, on dénombrait 975 décès additionnels lors de la canicule de 2003 (15’000 morts supplémentaires cette même année en France et 70’000 en Europe). Prendre soin du climat et protéger notre biodiversité, c’est donc prendre soin de notre espèce… Et ces grandes menaces systémiques sur notre santé collective ne sont pas à prendre à la légère. En effet, nous ne pourrons accepter une second fois les mêmes sacrifices économiques et humains consentis ces derniers mois.
Un plan d’urgence sanitaire était pourtant en place pour faire face aux pandémies. Mais on connait la suite : pénurie de masques et d’autres équipements nécessaires dans les hôpitaux, et plus encore dans les établissements médico-sociaux (EMS-EHPAD). Ailleurs, chez certains de nos voisins, c’était aussi une pénurie de lits dans les services d’urgences ou encore une pénurie de respirateurs artificiels. Au-delà de ces leçons logistiques (notamment la sur-dépendance envers des marchés globalisés), il serait toutefois bon, lors de la révision de notre plan pandémie post-COVID 19, d’y inclure un volet prévention et promotion des activités physiques, de même que des actions ciblées sur les groupes à risque, désormais mieux connus.
Des facteurs primaires et secondaires
De nombreuses études le démontrent : parmi les facteurs de risque principaux pour contracter la COVID, souffrir de graves complications ou même en mourir, l’âge est suivi de près par la présence d’une ou de plusieurs maladies chroniques (comorbidités), le sexe, l’obésité… mais encore d’autres facteurs « externes » comme l’exposition prolongée à la pollution aux particules fines… Toutefois, des facteurs qu’on nommera secondaires comme le profil socio-économique et l’origine ethnique apparaissent également en seconde lecture. En d’autres termes, face à la menace du coronavirus, mieux vaut être une jeune femme, blanche, riche, éduquée, vivant loin des nuisances du trafic et respectant une saine hygiène de vie… que d’être un homme en surpoids, membre d’une minorité ethnique, faiblement formé, travaillant comme chauffeur-livreur, habitant un quartier populaire fortement pollué aux microparticules, ou qui présenterait encore un pré-diabète…
Selon les derniers chiffres disponibles en Suisse, sur les 1576 personnes décédées pour lesquelles les données sont complètes, 97% souffraient d’au moins une maladie préexistante. Les trois plus fréquemment mentionnées étaient l’hypertension (63%), les maladies cardiovasculaires (57%) et le diabète (26%). Le point commun de ces maladies ? Elles sont des maladies de société, largement évitables. Elles sont très souvent le résultat d’un cocktail explosif de sédentarité, de stress, de malbouffe ou de consommation d’alcool et de tabac.
Il est ainsi devenu de plus en plus évident au cours des derniers mois que c’est l’épidémie d’obésité et de maladies chroniques dans nos sociétés sédentaires post-modernes, de même qu’un environnement pollué, qui conduit un grand nombre de personnes infectées par la COVID-19 vers les services d’urgence et vers de graves complications.
Ce qui ressort également de ces derniers mois, c’est que la COVID semble avoir agi comme révélateur – ou même comme amplificateur – d’inégalités déjà connues face à la santé, bien que trop souvent ignorées… Des inégalités qui constituent autant de facteurs secondaires dont les autorités devraient également reconnaître les défis et les opportunités (en termes d’interventions ciblées).
Le choc des chiffres
Au-delà du choc, de la soudaineté et de l’ampleur des corona-dommages, d’autres pandémies plus sournoises menacent notre santé et nos économies…
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COVID 19 – le miroir des inégalités sociales
C’est une évidence trop souvent oubliée : nous ne sommes pas tous égaux face à la santé ! Que cela soit en termes d’accès aux soins de qualité, de connaissances relatives aux avantages d’un mode de vie sain et actif, ou encore de proximité et d’accessibilité à un environnement propre et moins obésogénique.
Au milieu de la crise en Suisse, la presse faisait état de plus de 80% des patients hospitalisés aux urgences de Genève et Lausanne qui présentaient un surpoids ou étaient obèses. Les mêmes observations ont été faites ailleurs. Aux Etats-Unis, au pire de la crise à New York, on dénombrait 90% d’obèses parmi les personnes admises aux urgences. Toujours aux « States », la population afro-américaine qui représente 13% de la population totale, paie un lourd tribu : le taux de mortalité y est de 50.3 pour 100’000 pour seulement 20.7 parmi les blancs. Vous avez donc entre 2.5 et 3 fois plus de risques de mourir de la COVID si vous faites partie de la communauté noire. A Chicago ou en Louisiane au pire de la crise, ce sont plus de 70% des personnes décédées qui étaient noires. D’autres chiffres indiquaient récemment qu’un tiers des hospitalisations aux Etats-Unis était le fait de la communauté afro-américaine, qui représente 13% de la population totale du pays. Les ravages de la COVID dans ce pays illustrent cruellement les inégalités criantes et grandissantes de son tissu social.
Plusieurs études avaient déjà démontré que les plus démunis et marginalisés sont davantage sujets aux maladies respiratoires et cardiovasculaires, aux cancers et autres accidents vasculaires cérébraux. Pas étonnant dès lors qu’une étincelle comme les récentes violences policières embrasent tout un pays, car elles ne sont que le miroir d’une inégalité crasse, une bombe à retardement qui sommeille depuis longtemps au cœur de la société américaine (bien documenté d’ailleurs par le prix Nobel Joseph Stiglitz).
En Grande-Bretagne, une étude du ministère de la santé (Disparities in the risk and outcomes of COVID-19 – June 2020), publiée la semaine dernière, confirme également que les effets de la COVID-19 n’ont fait que répliquer, et dans certains cas même amplifier, les inégalités de santé. Les citoyens vivant dans les quartiers les plus vulnérables du pays ont été plus souvent diagnostiqués positifs et présentent un plus grand taux de mortalité (parfois de plus de deux fois supérieur) que les habitants plus aisés.
Les conclusions de ces diverses études sonnent comme une invitation à mieux reconnaître les inégalités de santé et à investir de manière plus ciblée et chirurgicale vers les groupes à risque, avec des mesures de prévention primaires, secondaires et tertiaires. Le double intérêt est clair : une moins grande perte humaine lors des prochaines attaques virales et une meilleure capacité physique et fonctionnelle de notre société à contrer les effets délétères d’un mode de vie sédentaire, stressant et hypercalorique. Donc la possibilité également de freiner la hausse permanente des coûts de la santé, de limiter les conséquences des inégalités sociales face au bien-être et d’augmenter la productivité moyenne, grâce à un plus faible taux d’absentéisme.
La Partie 2 de cet article explorera quelques effets de la COVID sur la santé mentale, les opportunités de prévention et le besoin d’une approche transdisciplinaire.