Episode 3 – Les vies de Wali

Wali (nom d’emprunt) a plusieurs vies. La première est celle d’un homme persécuté par les talibans, qui a été agressé et menacé de mort. Eloigné de sa femme et ses enfants depuis sa fuite, il ne peut pas communiquer avec eux.

La seconde est plus douce : un jeune homme de 25 ans, réfugié mais plein de volonté. Il a trouvé ses repères ici et voit beaucoup ses amis.

Depuis son arrivée en Suisse, il a été plus d’une fois invité à rencontrer d’autres requérants d’asile. D’abord dans des « abris », ces centres d’hébergements de la protection civile où il a vécu pendant un an puis en classe de français. Les autres réfugiés afghans sont devenus ses amis. Pour la plupart, ils viennent de sa région natale, la province de Baghlân au Nord du pays où sévissent les talibans qui les ont pourchassés.

Ismaélien (une branche chiite de l’islam) et pratiquant, Wali va régulièrement avec eux prier à Montreux où une salle de prière a été ouverte pour sa communauté (NB : il y en a deux autres en Suisse, à Genève et  Zurich). Parfaitement automne et responsable, il mène sa propre vie, voit ses amis, visite le musée olympique avec sa classe et l’été se baigne dans le lac Léman à Vidy comme tout bon Lausannois.

Wali a retrouvé un ami à Zurich. Lorsqu’il est arrivé à en Suisse, il s’est déclaré à la police zurichoise et a été transféré dans un abri. Là-bas, il a revu Daw (nom d’emprunt), un ami d’Afghanistan, qui, à sa grande surprise, avait aussi fui pour sa vie. Comme la politique fédérale a imposé une répartition équitable des migrants sur tout le territoire suisse, Wali a été transféré dans un abri de Lausanne. Il apprend le français tandis que Daw apprend le suisse allemand. Le hasard de la vie… Depuis, Wali a consacré une partie de ses économies dans un abonnement voie 7 pour rendre visite à Daw à Zurich et, à son tour, Daw vient le voir à Lausanne. Un réfugié qui voyage en Suisse, c’est à la fois improbable et merveilleux…

Ce qui a poussé Wali à venir vivre chez ma famille, c’est l’opportunité de rencontrer des gens du coin. Il est reconnaissant d’être parmi nous et à l’évidence un lien s’est créé. Comme moi, il aime regarder des films. Le jour où je voulais lui montrer Intouchables, il m’a dit qu’il l’avait déjà vu en classe et qu’il avait bien aimé. Je lui ai aussi conseillé Ratatouille, qu’il a regardé et adoré. Moi qui adore le rugby, je l’ai emmené voir un match à Nyon et il s’intéresse aussi au tennis. Maintenant, il connaît Roger Federer et sait que c’est le Suisse le plus connu du monde.

Episode 2 – La vie avec Wali

Avant d’accueillir Wali, je m’étais promis une seule chose : « Il ne faut pas avoir d’attente particulière ». C’était simplement pour éviter toute déception. Il fallait d’abord voir comment nous allions cohabiter, sans se poser trop de questions. D’ailleurs, avec cette façon de faire, tout se passe bien.

A la maison, Wali partage tous ses repas avec ma famille. Parfois, il nous cuisine des plats afghans comme le kabuli, une recette à base de riz, agneau, oignons, carottes, raisins secs et plusieurs épices. C’est magnifique de le voir se donner du mal en cuisine pour nous. A l’inverse, il découvre les plats plus locaux donc c’est donnant-donnant ! Et nous parlons beaucoup, peut-être parfois trop pour lui, mais toujours en français. Il ne comprend pas tout ce que l’on dit or cela l’aide beaucoup à apprendre, notamment quand on lui réexplique. De toute façon, on peut toujours passer par l’anglais car il le parle bien.

Chaque jour, Wali doit avancer dans sa nouvelle vie. Il est arrivé en Suisse en 2015, mais l’intégration est longue. Très vite, j’ai compris qu’il était très combatif. C’est sûrement son caractère et son voyage qui lui ont donné la volonté de s’en sortir. Maintenant qu’il est en Suisse, ce ne sont pas des cours de français qui vont le démotiver. Alors trois fois par semaine, il va en classe. Quand il est à la maison, il révise pendant de longues heures pour atteindre un meilleur niveau qui lui permettra de travailler. D’abord, lui souhaite pouvoir passer en cours intensif, à raison de cinq jours d’études par semaine.

En plus, il s’interroge sur le métier qu’il pourra exercer. Il n’est pas naïf et sait bien qu’il ne pourra pas trouver le job de ses rêves comme un jeune romand qui a eu le choix de ses études. Même s’il y a des réfugiés qui suivent des cours à l’Université (exemples à lire à Genève et à Zurich) ou sont en apprentissage, Wali n’y pense pas.  Pour l’instant, il touche un petit peu d’argent car il est aidé par le canton, mais son but n’est pas d’être en permanence assisté. Tôt ou tard, il espère travailler et gagner sa vie. Il a un peu d’expérience car il était responsable administratif d’une école de l’Aga Khan Foundation en Afghanistan et y faisait des remplacements de cours d’anglais. Cependant, il s’est vite posé la question : qu’est-ce que ça vaut en Suisse ? Actuellement, il attend une réponse pour un petit job dans un restaurant. Cette attente, cette incertitude, cela fait partie de son quotidien.