Je suis réfugié, je cherche un emploi

Je pense que Wali (nom d’emprunt), le réfugié afghan de 25 ans qui vit chez moi depuis six mois, vit probablement le moment le plus difficile depuis qu’il est installé en Suisse. Il attend depuis trop longtemps.

Un travail pour commencer. Il a contacté beaucoup de restaurants en leur transmettant un CV et en demandant des entretiens. Sans succès malheureusement.

Son second entretien avec le Secrétariat d’Etat aux Migrations, ensuite. C’est obligatoire dans sa procédure d’asile pour passer du statut de requérant d’asile à réfugié admis à titre provisoire. Néanmoins, il n’a toujours pas été fixé.

Mes parents et moi avons essayé de l’aider à trouver du travail, mais trop souvent, restaurateurs ou boulangers que nous avons contactés ne nous répondaient même pas. Plus que jamais, l’attente et l’incertitude à tous les niveaux sont éprouvantes pour Wali.

Des réfugiés, ce n’est pas séduisant pour n’importe quel employeur. J’en ai bien conscience. On s’imagine peut-être qu’il y a un choc culturel trop grand entre eux et nous, qu’ils ne parlent pas assez bien le français, voire qu’ils sont instables. Or c’est faux.

Aujourd’hui, il y a en Suisse un grand nombre de réfugiés qualifiés ou pour les plus jeunes, très qualifiables via des CFC voire des études universitaires (lire le cas de Mambo, réfugié en études à l’Université de Zurich). Malheureusement, la réalité, c’est que les réfugiés s’intègrent à moitié car ils ne rentrent que difficilement sur le marché du travail (lire le témoignage de Roger Piccand, ancien chef du service de l’emploi du canton de Vaud).

« La cellule d’orientation de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Réfugiés fait son maximum pour aider les réfugiés à trouver un travail, mais il n’y a pas beaucoup de miracles » me confiait une source de l’EVAM.

Depuis novembre dernier, j’accueille Wali et mon expérience m’a prouvé qu’il est très motivé et adaptable. Wali parle bien le français car il l’a appris et d’ailleurs, il parle l’anglais et même l’hindi. Il est parfaitement équilibré, respectueux d’autrui et s’adapte aux règles de notre société. Il souhaite uniquement qu’on lui donne sa chance.

Wali est prêt à travailler dès que possible dans la restauration, en cuisine au service ou à la plonge, car il a de l’expérience dans ce domaine. Il a aussi été professeur d’anglais en Afghanistan. Plus largement, il est intéressé par tous les travaux manuels (jardinage, viticulture, etc.).

>> Pour lui écrire: [email protected] 

A bon entendeur.

 

Episode 1 – Wali

Tout commence avec Wali (nom d’emprunt).

Wali est un afghan de 25 ans qui est entré en Suisse en novembre 2015. Fin 2013, il a fui son pays lorsque les talibans l’ont attaqué et menacé de mort. Là-bas, il était responsable administratif et professeur d’anglais de l’Aga Khan Foundation, une ONG soutenue par le chef spirituel des ismaéliens, l’Aga Khan lui-même. C’est pour cette raison qu’il a été ciblé. Et, en tant que hazara (une ethnie d’Afghanistan rejetée par les talibans), il était d’autant plus un ennemi aux yeux des terroristes. Craignant pour sa vie et celle de sa famille, il est parti. Ses parents, frères et sœurs, ainsi que sa femme et ses enfants en bas âge n’ont pas pu le suivre pour un voyage aussi improvisé qu’onéreux.

Depuis cinq mois, Wali vit chez moi. Pourquoi ? Parce qu’avec mes parents, nous avons candidaté au projet « Héberger un migrant » qui permet à ces derniers de vivre chez une famille d’accueil. L’objectif est d’aider les requérants d’asile à mieux s’intégrer en fréquentant des résidents, apprenant les codes de la vie en Suisse et en améliorant la langue qu’ils apprennent. Etant établis dans le canton de Vaud, c’est vers l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) que nous nous sommes tournés suite à une campagne de promotion de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés. Après un premier entretien pour jauger nos motivations et un second pour rencontrer Wali et son assistant social, il est arrivé à la maison.

Notre décision n’est pas anodine. Accueillir quelqu’un qui a été élevé dans une culture différente et qui ne maîtrise pas bien le français, c’est un investissement personnel important. Mais cette expérience a de très bonnes chances de bien se passer. Grâce à l’EVAM, Wali suit des cours de français trois fois par semaine. Il est très motivé pour apprendre notre langue, car ça lui donne toutes ses chances pour trouver un travail. En plus, il s’est fait pleins d’amis en Suisse donc il n’est pas esseulé. A 25 ans, il a toute la vie devant lui.

Notre décision, c’est un choix de solidarité. Comme le monde entier, nous avons été émus par la vague migratoire que connaît l’Europe depuis 2014. Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants fuient la guerre ou des persécutions. Maintenant que j’ai rencontré Wali et que nous vivons paisiblement ensemble, je vois bien que nous ne sommes pas très différents. Parfois, je me demande : « Qu’est-ce que j’aurais fait si j’avais vécu la même chose ? ». J’aurai sûrement quitté mon pays. C’est ce qui me motive à lui faire une place dans mon quotidien.

Même s’il est parfois difficile pour Wali d’être si loin de sa famille, il est souriant la plupart du temps. Reconnaissant d’être là et de s’intégrer en Suisse.