Tragédie du Boeing 737 ukrainien : révélatrice de la faiblesse du concept de la « double sécurité à moitié prix » du parti socialiste ?

En cas de problèmes d’identification depuis le sol d’un avion dans un espace aérien ouvert au trafic civil, on ne peut pas faire de la police aérienne qu’avec des missiles sol-air. Pour la police aérienne, il faut disposer d’une flotte d’avions de chasse performants, pour pouvoir procéder à une identification visuelle de la cible en toutes circonstances.

L’AVIA romande rappelle que la police aérienne est d’abord un outil de sécurisation de l’espace aérien, en temps de paix comme de crises. C’est une mission des plus exigeantes.

Pour mener à bien de telles missions et assurer ainsi la sauvegarde de la souveraineté sur l’espace aérien suisse, à savoir identifier à temps un avion, sans engager la sécurité de l’appareil, de ses passagers et de la population, il faut disposer d’avions de chasse capables :

  • de décoller en urgence et de monter en altitude très rapidement (QRA15)
  • de voler à des vitesses supersoniques ( à plus forte raison dans un espace aérien réduit comme le notre)
  • d’intervenir de jour comme de nuit, par tous les temps, dans tous les environnements (à haute altitude comme au fond d’une vallée) et face à tout type de cible (rapide ou lente) *;
  • d’être interconnectés avec les systèmes et moyens militaires et civils en charge de la sécurisation de l’espace aérien**.

Non couplés à une flotte d’avions de combat performants, les systèmes de défense sol-air ne sont pas adaptés aux temps de paix ou de crises, car :

  • ils n’ont pas la disponibilité, la souplesse d’utilisation ni la réversibilité nécessaires ;
  • ce sont des moyens de guerre qui ne peuvent tirer que dans un espace interdit à la navigation aérienne, ou ne pas tirer ;
  • leur fiabilité dépend du type de cible à abattre et de son profil de vol ;
  • à moins d’aplatir la Suisse, l’électronique ne peut pas grand-chose dans un relief alpin : les radars ne voient pas à travers les montagnes.

La liste trop longue d’avions civils abattus en raison de l’absence de procédures de police aérienne telles que définies et pratiquées par les Forces aériennes suisses rappelle que mal pondérer l’engagement des moyens – comme dans le concept de « double sécurité à moitié prix » du Parti socialiste – peut entraîner des bévues. Est-ce un luxe qu’on peut se payer ?

Prétendre tout miser sur des systèmes de défense antiaérienne et accepter le risque d’une tragédie semblable à celle du Boeing B737 d’Ukrainian Airlines, c’est un luxe qu’on ne peut se payer au prétexte de vouloir économiser sur le budget de l’armée ou tenter de le réduire.

*Radar puissant capable d’opérer dans un environnement montagneux.

** Capacité de mise en réseau.

Sources : AVIA romande

La sécurité et la liberté n’ont pas de prix, l’espoir n’est pas une solution !

Pascal Kümmerling

Né à Genève en 1970, Pascal Kümmerling a, depuis l'adolescence , pour passion le monde de l'aviation. Après une licence de pilote privé au Canada, licence pro et finalement instructeur. Avec plus de 3'000 heures de vols et une quarantaine d'élèves formés, Pascal se lance dans l'écriture à travers diverses publications aéronautiques, conférencier à ses heures.

8 réponses à “Tragédie du Boeing 737 ukrainien : révélatrice de la faiblesse du concept de la « double sécurité à moitié prix » du parti socialiste ?

  1. Votre article – dont l’objectif sous-jacent de défense d’une flotte aérienne militaire Suisse est très clair – me laisse songeur.
    L’Iran, sauf erreur de ma part, dispose d’avions de combat, ce qui n’a en rien empêché le drame. Pourriez-vous expliquer s’il y a déjà eu dans l’histoire interception de missile de croisière (comme l’a officiellement cru l’opérateur fautif (et malheureux bouc émissaire mais c’est un autre sujet)) par un jet de combat ?? Comment un avion aurait-il pu réagir à temps à si courte distance.
    Votre argumentation sur ce cas ne me parait pas bien tenir la route – ni le ciel.

  2. Bonsoir Gerlech, dans le cadre de ce drame, l’Iran aurait dû fermer son espace aérien, l’identification d’une contre offensive américaine, si elle avait eu lieu n’aurait souffert d’aucune erreur.
    Lors d’attaque avec des missiles de croisière, ceux-ci sont démultiplier, ici l’opérateur radar iranien n”avait qu’un seul échos.
    En conséquence, l’iran aurait dû emplioyé sa chasse afin de vérifier le type d’échos qui apparaissait, l’erreur aurait été évitée. C’est bien l’emploi de la défense sol-air sans vérification d’identification optique qui est la cause de ce drame.
    La nouvelle génération d’avions de combat, celle qui doit venir moderniser notre flotte dispose de radars et de missiles capapble d’intercepter des missiles balistiques. Cependant, la mise en réseau avec le futur système sol-air est nécessaire en cas d’attaque massive. Actuellement nos Hornet ont une certaine capacité à détruire ce type de missile, mais de façon limitée.

    1. Bonsoir,

      Tout comme Gerlech, le moins que je puisse dire c’est que vous ne m’avez pas convaincu. Mais je vais aller un cran plus loin. Je trouve que votre raisonnement est vraiment limite…

      Votre argumentaire repose sur deux assomptions : 1) la boucle de commandement était opérationnelle et 2) il y avait suffisamment de temps à disposition pour permettre l’entrée de l’information dans la boucle de commandement, la prise de décision, sa communication et l’arrivée sur site des avions.

      Aux dires des iraniens, la boucle de commandement n’était pas fonctionnelle. L’opérateur de la batterie – qui détecte l’avion – a essayé de faire remonter l’information à ses supérieurs, sans succès “[…] son système de communication a apparemment été perturbé. Il y a peut-être eu un brouillage du système, ou le réseau était occupé. Quoi qu’il en soit, la conséquence est qu’il n’a pu contacter personne”.

      Quant au temps à disposition, il est dit “Il avait dix secondes pour décider. Il pouvait décider de tirer ou de ne pas tirer. Malheureusement, étant donné les circonstances, il a pris la mauvaise décision: le missile est tiré et l’avion est touché”.

      Notons tout de même que l’enquête apportera peut-être de nouveaux éléments ou modifiera ceux en notre possession. En attendant, votre raisonnement se base sur ce qui est à disposition…

      A partir de là, même avec des avions équipés et prêts à décoller (ce qu’ils avaient), il semble difficile d’imaginer que la vérification de visu était du domaine du possible. De plus, la transposition que vous faites d’une situation de guerre (si! si!) à celle de missions de police du ciel me laisse tout bonnement pantois.

      Je pense pourtant que l’achat de ces avions de combat est nécessaire. Mais là…

      Sources :
      https://www.letemps.ch/monde/liran-abattu-un-avion-ukrainien-recit-dun-general

      1. @Romain,

        Merci pour votre intervention. Non, la boucle de commandement n’était pas pleinement opérationnelle, la communication radio était perturbée, ce qui ajoute à la « non » confirmation de l’identification de l’objectif. Et, justement sans les vérifications « optique » et « sans ordres supérieurs (vérification des vols civiles) » la décision de tir ne pouvait être prise sans risque. Elle ne devait en aucun cas être appliquée.

        La confirmation d’une cible potentielle n’ayant pas été vérifiée immédiatement, seul une interception de police du ciel était applicable. La météo était bonne dans le ciel de Téhéran, et tous les pilotes militaires du monde sont formés à la police du ciel de nuit. Une telle vérification était parfaitement possible, même si la flotte d’avions iraniens est obsolète.

        Vous dites : « la transposition que vous faites d’une situation de guerre (si! si!) à celle de missions de police du ciel me laisse tout bonnement pantois ». Sur ce sujet, il semble que vous ayez quelques lacunes, peut-être auriez-vous quelques questions ?

        Bien à vous.

        1. Merci pour votre réponse 🙂

          J’ai certaines lacunes dans ce domaine, ça ne fait aucun doute. Mais l’important n’est pas là.

          Votre thèse est que nous ne pouvons nous appliquer une stratégie de police du ciel sans avions de chasses, simplement à l’aide d’un système de missiles sol-air.

          “En cas de problèmes d’identification depuis le sol d’un avion dans un espace aérien ouvert au trafic civil, on ne peut pas faire de la police aérienne qu’avec des missiles sol-air. Pour la police aérienne, il faut disposer d’une flotte d’avions de chasse performants, pour pouvoir procéder à une identification visuelle de la cible en toutes circonstances.”

          Vous utilisez ensuite le cas iranien comme étant le risque encouru dans le cas opposé à celui que vous défendez.

          “La liste trop longue d’avions civils abattus en raison de l’absence de procédures de police aérienne […] peut entraîner des bévues. Est-ce un luxe qu’on peut se payer ?

          Prétendre tout miser sur des systèmes de défense antiaérienne et accepter le risque d’une tragédie semblable à celle du Boeing B737 d’Ukrainian Airlines, c’est un luxe qu’on ne peut se payer au prétexte de vouloir économiser sur le budget de l’armée ou tenter de le réduire.”

          Hors comme je vous l’ai exposé, vos arguments me semblent irrecevables puisque dans le cas du vol d’Ukrainian Airlines 1) l’information que la batterie a ciblé un appareil inconnu ne pouvait pas être transmise à l’échelon de décision supérieur et 2) même si cela avait été le cas, les chasseurs n’auraient pas pu arriver à temps car le temps ne le permettait pas.

          Dans ce cas, avoir ou non des avions de chasse n’aurait rien changé. Donc votre conclusion “accepter le risque d’une tragédie semblable à celle du Boeing B737 d’Ukrainian Airlines” ne tient pas.

          Par contre, il me semble beaucoup plus juste, à partir de cet exemple, de dire que sans batterie de missiles, cette tragédie n’aurait pas eu lieu… Mais cela ne me semble pas être ce que vous défendez.

          1. @Romain,

            Il semble qu’il y a un malentendu. Il ne s’agit en aucun cas d’accepter une tragédie comme celle du B737 d’Ukrainien Airlines.

            Vous dites : il me semble beaucoup plus juste, à partir de cet exemple, de dire que sans batterie de missiles, cette tragédie n’aurait pas eu lieu…

            C’est exactement ce que je défends !

  3. difficile d’y voir un quelconque rapport avec l’armée suisse : Les Américains aussi ont abattu un airbus iranien en 1988 par un tir de missile venant de leur flotte .. par erreur ! On ne peut pas prétendre que les Américains sont sous équipés !!!!
    Dans cette région où les tensions sont à fleur de peau, une petite étincelle peut mettre le feu à la poudre .
    Les Américains sont les premiers responsables du chaos qui y règne , jouant les pompiers pyromanes !
    La situation en Suisse ou en Europe n’a rien à voir avec le Moyen-Orient, notre mission est avant tout de la surveillance aérienne , rien de plus avec les moyens adéquats .
    On peut toujours dépenser plus comme celui qui ira faire ses courses à quelques km en ville avec un 4×4 de 2 tonnes !
    Il faut juste raison garder et dimensionner la flotte aérienne selon les besoins identifiés et non d’après des fantasmes de 3 ème guerre mondiale !

    1. @Hubert Giot,

      Le rapport justement est la démonstration qu’il est illusoire et dangereux de croire que l’on peut s’appuyer uniquement sur une défense sol-air, comme le présent l’argumentation du PS via le pseudo rapport ACAMAR. Tous les exemples montrent qu’une défense sol-air est quasi inutilisable en temps de paix et complexe en cas de tensions, sans avoir préalablement fermé l’espace aérien.

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