Un événement phare à ne pas manquer : La médiation, compétence clé pour une société en mutation

Un événement majeur pour la médiation aura lieu en terre romande en juin. Effectivement, le congrès biannuel de la Fédération Suisse des Associations de Médiation (FSM) regroupe les médiatrices et médiateur de toute la Suisse, avec des nombreux invités nationaux et internationaux et des personnalités reconnues pour enrichir ces deux jours qui s’annoncent extraordinaires.

Nous avons le privilège d’avoir pu conduire cette interview exclusive avec Jonas Nakonz, le Président du Comité d’organisation.

Pascal Gemperli : Bonjour Jonas Nakonz, vous présidez le Comité d’organisation de cet événement. Merci d’être avec nous aujourd’hui pour parler du Congrès bi-annuel de la Fédération Suisse des Associations de Médiation qui aura lieu au Swiss Tech Convention Center à Lausanne le 16 et 17 juin. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que sera cet événement ?

Jonas Nakonz : Bonjour et merci de m’inviter. Le Congrès de la FSM est un événement international de médiation. Il réunira des experts, des praticiens, des chercheurs et des passionnés de médiation de Suisse et du monde pour partager leurs connaissances, expériences et innovations dans le domaine de la médiation. Le but principal de cet événement est de promouvoir la médiation en tant qu’outil de résolution des conflits et de créer des synergies entre les différents acteurs du secteur.

Pascal Gemperli : Vous avez choisi le thème “Médiation – Compétence clé pour une société en mutation”, pourquoi ?

Jonas Nakonz : La société est en pleine mutation. La complexité croissante de notre monde interconnecté amène des conflits à tous les niveaux : les tensions géopolitiques sur la planète se traduisent par la guerre en Europe ; dans le même temps, la polarisation de la société et les défis croissants dans le monde du travail génèrent des conflits pesants jusque dans nos familles et nos relations privées. En cette période grevée de tensions, la médiation s’affirme comme une compétence clé indispensable pour aborder les conflits à tous ces niveaux.

Pascal Gemperli : Quels sont les autres thèmes abordés lors de cet événement ?

Jonas Nakonz : Les thèmes du Congrès couvrent une large gamme de sujets liés à la prévention et à la gestion des conflits, tels que la médiation interculturelle, la médiation en ligne, les compétences et les techniques de médiation, la médiation dans les entreprises et les organisations, et la médiation dans les contextes politiques et sociaux. Nous avons également prévu des sessions spéciales sur l’innovation dans la médiation et le rôle de la technologie pour améliorer la pratique de la médiation.

Pascal Gemperli : Quels sont les principaux intervenants et les ateliers qui seront proposés lors de l’événement ?

Jonas Nakonz : Nous sommes ravis d’accueillir des intervenants de renom dans le domaine de la médiation, tels que des universitaires, des praticiens, des politiciens et des experts venant de différents pays et contextes culturels. Nous aurons, parmi d’autres, Simon Geissbühler, Chef de la division Paix et droits de l’homme auprès du Département fédéral des affaires étrangères et Christelle Luisier Brodard, Présidente du Conseil d’Etat vaudois. Les participants pourront assister à des conférences, des tables rondes, des ateliers et des sessions interactives pour approfondir leur compréhension de la médiation et développer leurs compétences. Les ateliers couvriront des sujets tels que la communication efficace, la gestion des émotions, la négociation et la résolution des conflits.

Pascal Gemperli : Pourquoi devrait-on participer à Mediation 2023 ?

Jonas Nakonz : Le Congrès offre une occasion unique de rencontrer et d’échanger avec des experts et des praticiens de la médiation du monde entier. Les participants pourront élargir leurs horizons, acquérir de nouvelles compétences et connaissances, et développer leur réseau professionnel. De plus, l’événement offre une plateforme pour partager les meilleures pratiques, les innovations et les expériences en matière de médiation. C’est une opportunité à ne pas manquer pour tous ceux qui s’intéressent à la médiation et souhaitent contribuer à la promotion de la paix et de la résolution pacifique des conflits.

Pascal Gemperli : Comment peut-on s’inscrire à l’événement et obtenir de plus amples informations ?

Jonas Nakonz : Les inscriptions sont ouvertes sur notre site web : www.mediation2023.ch/fr. Vous y trouverez également des informations détaillées sur le programme, les intervenants, les ateliers et les modalités d’inscription. N’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux pour rester informé des dernières nouvelles et mises à jour.

Pascal Gemperli : Merci Jonas.

Jonas Nakonz : Avec plaisir.

Initiative anti-burqa : faire avancer la protection des femmes et l’égalité

La liberté inclut la liberté des autres de faire ce que je considère moi-même comme dérangeant. Ou, pour le dire avec Voltaire :

Je hais vos idées, mais je me ferais tuer pour que vous ayez le droit de les exprimer.

Le voile intégral me dérange, il m’irrite. Mais j’ai de la peine quand, dans un début de paternalisme trop insistant, on pense comprendre, mieux qu’elles-mêmes, ce qui anime les concernées, ce qu’elles pensent ou ressentent. Pensez-vous vraiment que la femme musulmane a besoin de notre sauvetage par les urnes ?

Depuis janvier 2021, nous avons les résultats de la première étude scientifique sur la situation en Suisse[1]. La grande majorité des femmes portent le voile intégral de leur plein gré. Souvent contre l’avis de leur mari ou de leur famille. Certaines ont quitté leur mari considéré comme pas suffisamment pieux. Ces résultats correspondent avec ceux d’autres études européennes sur la même thématique.

Oui, cela irrite, mais ayant au moins l’humilité de dire que cette irritation relève peut-être d’une dissonance cognitive : quand nos idées reçues se heurtent aux faits présentés.

Mais laissons ce débat stérile, on n’avancera pas d’ici mars dans ce climat délétère que génère cette campagne. Les avis déjà exprimés ne pourront plus faire marche arrière.

Mettons plutôt l’accent sur le véritable enjeu de cette campagne, le progrès de l’égalité hommes-femmes. L’émotivité de l’objet principal risque de voiler ce que le Conseil fédéral et le Parlement nous présente à cet égard dans le contre-projet indirect que peu connaissent malheureusement.

Contrairement à l’initiative qui, dans une logique populiste, veut simplement écraser ce qu’elle considère comme problème, le contre-projet propose des véritables projets de société. Il entre automatiquement en vigueur si l’initiative est refusée. Dans ce cas, les lois fédérales sur les étrangers et l’intégration, celle sur l’égalité ainsi que celle sur la coopération au développement seront modifiées afin de renforcer la protection des femmes et la promotion de l’égalité en Suisse et à l’étranger. Quant à la loi sur l’égalité, il y a même une petite révolution en vue, actuellement limité au domaine de la vie professionnelle, elle élargirait son champ d’application à la vie en société en général grâce au contre-projet.

Une véritable avancée qui toucherait sans doute des milliers, voire des dizaines de milliers de femmes. L’initiative concerne elle, toujours selon l’étude citée ci-dessus, entre 20 et 30 femmes au maximum en Suisse, et dont une grande majorité a choisi cet habillement librement et se verrait donc privées de ses libertés fondamentales.

Il est d’une évidence frappante que la protection des femmes et l’égalité passent par le contre-projet, ne noyons pas cette réalité dans un débat stérile sur une initiative simpliste qui propose plus de dégâts que de bien.

Le véritable enjeu de cette campagne est la bonne compréhension des propositions du contre-projet.

 

[1] « Verhüllung – die Burkadebatte in der Schweiz », Prof. Tunger-Zanetti, Université de Lucernce, janvier 2021

L’identité helvétique: être ou vouloir ?

Je coache souvent des expatriés qui viennent en Suisse pour travailler, quelques mois, souvent plusieurs années, parfois ils restent. Et quand je leur parle du premier août, ils me demandent : « Oui, mais vous l’appelez comment cette fête ? » Je réponds : « Ben, on l’appelle 1er août, et vu la date à laquelle on fête ça tombe plutôt bien… » 🙂

Ils insistent : « Mais, est-ce que cela correspond à une grande victoire militaire, à l’adoption d’une nouvelle constitution, à l’indépendance du pays ? » Je dis : « non, écoutez c’est trois responsables qui ont jugé utile de travailler ensemble, ils ont fait un PV de la séance et depuis on en fait lecture chaque année à l’occasion de la fête… ». Ceux qui viennent des grandes nations sont parfois un peu déçus, mais ils commencent déjà à mieux comprendre la culture helvétique.

Mais alors qu’est-ce que nous fêtons au juste le premier août ? Ce n’est pas juste un événement du passé. Ce n’est pas seulement le serment du Grütli et le pacte dont certains mettent en doute sa véritable valeur historique. Peu importe, je dis, peu importe. Nous fêtons toute une histoire, nous fêtons l’esprit helvétique : l’indépendance, la liberté et la solidarité dans la diversité. Depuis 1291, cet esprit a été confirmés à maintes reprises, on peut citer la médiation de Nicolas de Flue, l’indépendance formelle de la Suisse négociée en Westphalie, la neutralité Suisse accordée à Vienne, la création de l’Etat fédéral, les deux guerres mondiales ou encore l’acceptation du nouveau canton du Jura ; l’esprit helvétique.

La Suisse a toujours su intégrer sa nation avec toute sa diversité, aussi grâce à ses liens forts avec l’extérieur, en s’intégrant à son tour dans l’espace international et en s’appuyant sur les règles et le droit international. Car la solidarité, notre ADN, mutuelle par définition, ne peut se déployer dans le repli sur soi.

Aujourd’hui, chers amis, nous célébrons notre appartenance à cette patrie.

Mais alors qu’est-ce que l’identité Suisse ?

Les citoyens de ce pays ne partagent ni la langue, ni la religion, ni la mentalité. Qui de vous serait d’accord de constater qu’un morgien partage la mentalité avec un habitant de Herisau[1] ?

En Suisse, entre compatriotes nous ne partageons même pas la même lecture de notre histoire commune. Napoléon, vu d’outre-Sarine, c’était l’envahisseur, le colonisateur, l’ennemi numéro 1. Mais en arrivant dans le Canton de Vaud j’ai constaté que les gens étaient beaucoup plus relaxes quant à l’empereur. Ça doit être la langue, la proximité culturelle je me suis dit. Jusqu’au jour où j’avais compris que celui que je considérais comme colonisateur était en fait celui qui chassait le colonisateur bernois du Pays de Vaud. Des Vaudois colonisés par des Bernois ?! On ne me l’avait jamais appris celle-là à l’école en Thurgovie !

La Suisse n’est pas une nation par identité partagée, nous sommes une nation de volonté. Le terme qui définit donc la Suisse et ses habitants, ce n’est pas « être », c’est « vouloir ». On ne peut pas « être » Suisse tout court, il faut surtout « vouloir », vouloir contribuer au bien de la patrie et au vivre-ensemble de ses habitant/es.

Être Suisse, ce n’est pas une simple affaire de sang ou de papier, être suisse c’est avant tout une question de cœur.


Ce texte est une version retravaillée de mon discours du premier août 2018 à Morges.

[1] La capitale du Canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures si jamais 😉

La norme pénale anti-homophobie : des conséquences pour la discrimination islamophobe ?

Ce 9 février, les Suisses voteront sur l’extension de la norme antiraciste aux actes homophobes. En cas d’un oui, la discrimination sur base de l’orientation sexuelle sera punissable comme l’est actuellement déjà celle sur base de l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse.

Concrètement, celui qui inciterait d’autres individus à la haine ou à la discrimination homophobe sera poursuivi d’office et punissable d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, si les propos sont tenus en public.

Ainsi, à la page 11, le 24Heures du 25 janvier 2020 nous donne quelques exemples concrets de cas qui pourraient devenir punissables si cette nouvelle norme est acceptée le 9 février :

  • Une patronne qui, dans son restaurant et devant d’autres clients, dirait à sa fille : « Ne t’approche pas trop d’elles, l’homosexualité peut être contagieuse. »
  • Le refus d’une prestation destinée au public, par exemple « un pâtissier qui refuserait de faire un gâteau de mariage pour un couple d’homosexuels. »

Ces exemples nous donnent une certaine idée des actes potentiellement punissable à l’avenir. Mais à quel point pourrait-on les généraliser ? Quid par exemple d’une personne qui appellerait publiquement des entreprises à ne pas embaucher des personnes homosexuelles ? Serait-ce punissable sous la nouvelle norme ? Intuitivement, on dirait oui, évidemment. Cela ne me semble pourtant pas aussi sûr que ça. Nous avons précisément ce cas en tournant simplement la page dudit 24Heures. C’est donc à la page 12 que Jean-Luc Addor, Conseiller national UDC valaisan, appelle publiquement les CFF et la Poste à ne pas embaucher des femmes appartenant à l’islam et portant le voile. Ayant l’habitude de ce genre de propos vis-à-vis des musulmans, je n’ai aucun espoir qu’ils soient poursuivis d’office comme on s’y attendrait s’il s’agirait de personnes homosexuelles (ou juives, ou de couleur, etc.).

« Ce n’est pas la même chose ! », nous dira-t-on. Dans le cas du voile islamique ça serait le port de cet habit, donc le comportement ostensible, la visibilité de l’appartenance qui invaliderait la protection contre la discrimination et non pas l’appartenance en tant que telle.

On peut entendre l’argument, mais que signifierait cette logique en analogie pour les personnes homosexuelles ? Que leur orientation sexuelle ne devrait pas se manifester au lieu de travail au risque de se voir invalider la protection contre la discrimination ? Qu’elles ne devraient jamais en parler ni porter un habit couleur arc-en-ciel au travail ?

On peut supposer que notre système judiciaire n’acceptera aucune discrimination entre des cas relevant d’une seule et même norme pénale. Cette extension de la norme antiraciste aux actes homophobes – en plus de son évidence frappante – nous permettra peut être aussi d’avoir une nouvelle perspective, voire une nouvelle pratique juridique, concernant les discriminations à l’égard des musulman/es.

L’inclusion de l’homophobie dans la norme pénale antiraciste me semble donc une excellente opportunité pour renforcer en parallèle la protection de personnes d’autres groupes protégés par cette loi.

Le combat contre la haine et la discrimination ne peut être sélectif, il nous concerne toutes et tous. Réunissons nos forces pour lutter contre toute sorte de discrimination, quel que soit l’auteur, quelle que soit la victime.

La constitution n’est pas au-dessus de tout: 10 ans d’interdiction des minarets en Suisse

Pourquoi revenir sur ce débat qui est clos depuis dix ans, demanderont certains. La réponse est simple : rarement les analystes politiques se sont autant trompé sur leur pronostiques, rarement une initiative a fait parler autant d’elle après le dimanche de votation et rarement les Suisses ont introduit une discrimination aussi frappante contre une minorité dans la Constitution. On pensait loin le temps quand les jésuites ou les clochers dans le Canton de Vaud étaient interdits ; c’est pourtant en 2009 que le peuple à introduit une loi d’exception contre une minorité religieuse dans sa Constitution à travers une réglementation de construction, qui, à priori, serait de compétence communale.

L’interdiction des minarets est donc une votation qu’on peut considérer, sans beaucoup d’exagération, comme historique pour la Suisse.

J’ai eu la possibilité de m’engager pour deux projets concrets autour de ce dixième anniversaire dont j’aimerais vous présenter quelques résultats principaux.

Le premier est un montage vidéo pour lequel j’ai interviewé des personnes choisies au hasard à travers un appel sur les réseaux sociaux. Je leur ai posé les questions suivantes, dont je vous présente les réponses dans la vidéo ci-dessous.

  • Est-ce que tu te souviens où t’étais quand t’as appris le résultat de cette votation ?
  • Quelles émotions cela avait provoqué chez toi ?
  • Quel était le message envoyé à la communauté musulmane de Suisse ?
  • Il y a-t-il une évolution depuis 2009 ?
  • Peut on voire des côtés positifs dans cette votation/interdiction ?
  • Aujourd’hui, faut-il garder, supprimer ou ignorer cet article constitutionnel ?

C’est parti !

Le deuxième projet était une table ronde[1] avec MM. Hafid Ouardiri (Fondation de l’Entre-Connaissance), Michael von Graffenried (photographe) et Dominique Voinçon (responsable catholique pour le dialogue interreligieux dans le Canton de Vaud. Les échanges étaient modérés par Sid Ahmed Hammouche, journaliste. J’en retiens entre autres la conclusion suivante :

A l’instar des dispositions de « l’initiative pour le renvoie des criminels étrangers », les juges n’appliqueraient probablement pas non plus l’interdiction de construire des minarets à la lettre, tout comme la première, elle viole des droits fondamentaux garantis dans la Constitution suisse et dans la Convention européenne des droits de l’homme[2]. La constitution n’est pas au-dessus de tout.

La construction d’un minaret reste possible en Suisse, elle serait à évaluer au cas par cas.

Faut-il pour autant forcer la main et tenter sa chance en passant par les tribunaux ? Non, certainement pas. Etant donné que le minaret n’est qu’un simple décor architectural, beau certes, mais pas nécessaire pour vivre la foi islamique, je suis opposé, en tant que musulman, à l’idée de générer des tensions inutiles, d’engendrer des frais de justice, de provoquer un débat public houleux juste pour éventuellement pouvoir imbriquer des briques d’une certaine manière. En revanche, en tant que citoyen, je reste, même après dix ans, profondément perturbé par cette disposition discriminatoire dans notre Constitution. On pourrait tout simplement attendre le prochain toilettage général de notre loi fondamental, en espérant que la suppression soit proposée. Cependant, la constitution suisse n’a connu que deux réformes depuis la création de l’état fédéral en 1848, à savoir celle de 1874 et celle de 1999. En l’occurrence, il faudrait s’armer de patience pendant quelques décennies probablement. C’est long pour les défenseurs de l’égalité et des droits fondamentaux, c’est trop long. Les jours suivant la votation en 2009, des voix s’étaient levées pour proposer un nouveau vote afin de corriger le tir. A l’époque, cela me semblait inapproprié. Dans la mentalité politique suisse il faut laisser passer un bon bout de temps avant de revenir sur le même sujet. C’était le cas, par exemple, pour le droit de vote des femmes, refusé une première fois en 1959, puis accepté en 1971 (12 ans après) ou encore pour l’adhésion de la Suisse aux Nations Unies, refusé en 1986 avant d’être accepté en 2002 (16 ans plus tard). Cela fait une moyenne de 14 ans d’attente. En revanche, l’interdiction des jésuites a été aboli après 126 ans seulement, par votation populaire en 1973. La Suisse semblait enfin prête à vivre véritablement sa tolérance et sa paix religieuse, jusqu’à ce dimanche en novembre 2009. Mais plutôt que de supprimer cette interdiction, il faudrait peut être la garder comme mise en garde par rapport aux failles d’un système qui pourtant se veut parfait, l’histoire nous jugera.

[1] https://gemperli-diversite.ch/972-2/

[2] https://www.nzz.ch/schweiz/auch-das-minarettverbot-gilt-nicht-absolut-1.17991202

Le mariage pour toutes et tous : comprenons bien la question et l’enjeu

Que ça soit au niveau des partis politiques ou des communautés religieuses, les réactions à la question du mariage pour toutes et tous font figure d’une prévisibilité sans surprise. Cependant, les traditionalistes qui s’y opposent, notamment du côté des communautés religieuses, interprètent mal la question et se trompent de combat. Pire encore : ils mettent en péril leurs propres libertés tant réclamées.

Quand à l’interprétation de la question, il importe de la comprendre au bon niveau, à savoir sur le plan politique et sociétal. Il ne s’agit en aucun cas d’un enjeu religieux puisque l’état libéral et séculier ainsi que les lois qu’il promulgue se doivent d’être neutre à ce niveau. La question posée n’est pas « est-ce que dans ta tradition religieuse le mariage pour toutes et tous est permis ? », et encore moins « est-ce que le mariage pour toutes et tous concorde avec tes convictions personnelles ? ». La seule question qui se pose, et qui est absolument fondamentale pour la compréhension de notre modèle de société, est la suivante : « est-ce que chacun-e doit pouvoir vivre sa vie selon ses propres définitions,  ses convictions, ses valeurs et ses orientations ? ». Ce sont avant tout, mais pas seulement, les minorités religieuses qui devraient affirmer avec conviction ce principe, d’autant plus si elles se voient exposées à des discriminations. Leurs protections, leurs libertés en dépendent. C’est le deuxième point mentionné en introduction, il concerne la mise en péril de ses propres libertés par le risque que comporte la promotion d’une société normative sur le plan des valeurs sociales et religieuses, comme par exemple l’interdiction du mariage pour toutes et tous. Une telle normativité est par définition exclusive car elle s’expose à la nature contradictoire des normes et elle devient donc forcément assujettie à la loi du plus fort et donc à la discrimination des uns, ou des autres.

En conséquence, nous avons intérêt à prôner l’éthique de la règle d’or qu’on retrouve dans la plupart des grandes civilisations et religions, à savoir le principe suivant : « Traite les autres comme tu voudrais être traité toi-même ». Ou autrement dit :

Comment pourrais-je continuer à réclamer mes droits et mes libertés tout en refusant ceux d’autrui ?!

Le contre-modèle que je propose est celui que je qualifierais d’un « libéralisme social maximal ». Ni l’état, ni aucun autre groupe social ou groupe d’intérêt, ni aucune personne ne doit intervenir dans l’autodéfinition des normativités sociales ou religieuses d’autrui. Ceci bien évidemment dans un cadre légal minimal protégeant les principes démocratiques et les libertés, les vulnérables ainsi que l’environnement, nécessaires pour assurer la paix, la dignité et la survie de l’Homme et de la nature.

On me reprochera d’être ultralibéral sur le plan sociétal, je l’assume avec conviction, car ce modèle est la condition préalable pour le respect des modes de vie particuliers de tout un chacun sous forme d’« îlots de normativité » au sein de la société. Des îlots qui se développeraient librement à travers des communautés ou groupes quelconques tout en assurant le vivre ensemble dans le respect mutuel. L’essentiel est que ces îlots respectent sans ambiguïté les règles exposées ci-dessus dans l’interaction interne et externe et que ces derniers permettent la perméabilité des confins du groupe, donc l’accès et le départ libre de ses membres. Non seulement les groupes eux-mêmes mais aussi ses adhérents individuellement doivent pouvoir s’auto-organiser et choisir librement, que ça soit pour l’adhésion ou non à un groupe tout comme pour les modes de vie au sein d’un tel groupe.

Ces réflexions représentent l’attitude fondamentale de ce blog qui se reflète ainsi dans sa dénomination : Nous sommes 1001 suisses, vivant ensemble dans une seule nation, en se respectant, en s’enrichissant mutuellement et  en veillant ensemble au progrès de cette nation commune.