Gagnant-gagnant : négocier en dehors des sentiers battus

La Cordillère del Cóndor est une chaîne de montagnes de plus de 160 kilomètres située au-dessus de la rivière Marañon supérieure, où débute la rivière Amazon. Son inaccessibilité ont permis à la région de préserver sa biodiversité amazonienne intacte, avec des forêts nuageuses et une biodiversité exceptionnellement riche.

Malheureusement, la zone est un terrain de conflit frontalier entre le Pérou et l’Équateur depuis plus de 150 ans. Malgré une tentative de clarifier la frontière après une guerre de dix jours par le Protocole de Rio de Janeiro de 1942, des escarmouches ont éclaté en 1995 et en 1998. Suite à une demande des deux pays, un processus de médiation a commencé en 1998, se terminant par la signature de l’Acta Presidencial de Brasilia cette même année et mettant fin définitivement au conflit.

Le désaccord était fondé sur les revendications historiques et divergentes entre l’Équateur et le Pérou sur leur frontière commune et des interprétations incomptables des différents traités négociés au cours des deux derniers siècles. Il s’agit en plus d’une région montagneuse, où chaque pays visait à prendre un avantage militaire en occupant les zones à plus haute altitude. Au fil des ans, le conflit a stimulé le nationalisme ardent dans les deux pays, et une concession territoriale par les leaders politiques aurait été considérée comme une faiblesse. Le processus de médiation a finalement abouti à la signature d’un accord de paix en 1998. Le succès de ce dernier repose sur une solution qu’on peut considérer comme un cas d’école, brillant, un parfait exemple d’une solution gagnant-gagnant.

“Gagnant-gagnant” signifie qu’une situation est favorable pour toutes les parties impliquées, chacune obtenant ce qu’elle désirait, et même plus ! C’est résumé selon l’approche Harvard de négociation sous la fameuse formule : 1 + 1 = au moins 3. C’est une question avant tout de posture, le parfait contraire de la pensée du jeu à somme nulle dans lequel, plus je gagne, plus tu perds, et vice versa…

Eh oui, une solution gagnant-gagnant c’est comme de la magie. Comment ont-ils fait alors pour le conflit de frontière entre le Pérou et l’Équateur ? Voici une vidéo explicative pour (presque) tout comprendre :

Je reste pacifiste, basta !

Que ça soit clair d’entrée, le pacifisme ne signifie pas de croiser les bras ni d’être bisounours naïf et de fermer les yeux face aux réalités du monde. Le pacifisme est une vision qui veut réaliser la paix par des moyens pacifique (peace by peaceful means). C’est avant tout une conviction et un engagement.

Grande instabilité géopolitique, violence ouverte, bombes, réarmement, possible élargissement de l’OTAN, etc., la guerre de Poutine en Ukraine met à mal notre mouvement international pour la paix. Il représente pourtant la seule véritable issue aux violences à grande échelle. Restons convaincus, restons engagés !

Que faire face à cette violence ? Toutes les doctrines de la guerre juste reconnaissant et encadrent la légitime défense, y inclut collectif. Tout comme en Ukraine, la défense militaire peut être un mal nécessaire. Mais n’appelons jamais cela un rétablissement de la paix car la paix n’est pas simplement l’absence de guerre !

Mais n’appelons jamais cela un rétablissement de la paix car la paix n’est pas simplement l’absence de guerre !

Mais qu’est-ce que la paix alors ? Nous pouvons identifier trois postures philosophiques qui tentent d’y répondre.

  • La paix par l’équilibre des puissances, communément appelé « le réalisme ». C’est la doctrine prédominante dans les réalisations internationales d’aujourd’hui. En résume, chacun doit s’armer autant que l’autre afin de pouvoir assurer la destruction mutuelle, ce qui est censé décourager une attaque. On identifie rapidement les lacunes et risques de ce modèle et on note qu’on se trouve exactement dans cette posture actuellement face à la guerre en Ukraine.
  • La paix par la primauté de la loi, aussi appelé « le libéralisme ». L’Homme serait le loup pour l’Homme (selon Hobbes, et un certain nombre d’autres…), et il a besoin d’être cadré par des règles pour l’obliger à un comportement pacifique. Une belle triste vision de l’humanité…
  • La paix par des moyens pacifiques, « le pacifisme ». Il s’appuie sur les capacités de la nature humaine à être en paix avec autrui en renforçant ses ressources : l’éducation à la paix, les modes de gestion alternative des conflits, l’élimination de toutes formes de violences ou de précarité, etc. Tout un programme, toute une vision du monde à réaliser à long terme et à ne jamais abandonner même en cas de guerre. La paix n’est donc pas absence de guerre, mais absence de toutes formes de violences, qu’elles soient directes, structurelles ou culturelles. Contrairement au libéralisme ci-dessus, le pacifisme est le véritable modèle libéral au sens propre du terme, car non pas les règles définissent le comportement humain, mais sa propre volonté.

Contrairement au libéralisme ci-dessus, le pacifisme est le véritable modèle libéral au sens propre du terme, car non pas les règles définissent le comportement humain, mais sa propre volonté.

Plus que jamais, le mouvement international pour la paix doit affirmer ses convictions et éviter une course à l’armement au-delà du stricte nécessaire à la légitime défense pour une période que nous espérons toutes et tous très courte. Autrement, nous nourririons le cercle vicieux que représente le réalisme exposé ci-dessus.

La vision quant à la correspondance entre la légitime défense et l’armement est claire : l’élimination de toutes les armes et l’abandon de toutes les armées étatiques en les remplaçant par une police internationale sous l’égide des Nations Unies (Nations Unies réformées bien entendu…) dans une logique de « Weltinnenpolitik ». A moyen terme et comme étape intermédiaire, on passera par une intégration régionale des armées, par exemple par continent ou structure multinationale, ce mouvement semble déjà gentiment s’amorcer.