Prévention ou répression ? L’amalgame dérangeant de la MPT

Les mesures coercitives et contraignantes de la loi sur les mesures policière de lutte contre le terrorisme (MPT) s’appliqueraient exclusivement aux « cas lourds » nous dit-on pour contrer les objections qui y voient la porte ouverte à l’arbitraire et aux interventions policières disproportionnées. Selon le texte de loi proposé « on entend [par activités terroristes] les actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves ou la menace de telles infractions ou par la propagation de la crainte. »

Mais qu’est-ce qu’on entend par « influencer l’ordre étatique » ou par « propagation de la crainte » et qui en jugerait ? Est-ce que les activistes du climat, par exemple, qui chercheraient à influencer, voire renverser l’ordre actuel et dont l’attraction de l’attention publique sur les dangers vitaux qui nous attendent, même par la peur (« I want you to panic ! ») en feraient partie ? Bien sûr que non, assurent les partisans du oui, pendant que fedpol procède à des perquisitions et des interrogatoires des activistes[1]. Selon le dernier rapport sur la sécurité de la Suisse, publié par le SRC, la cause animale serait une des scènes dangereuses d’extrémisme et d’autres mouvement pourraient aussi en arriver à la violence afin d’imposer leur idées politiques. Jusqu’en 2015, les objectifs écologiques étaient considérés comme potentielle violence anarchiste par ce même rapport.

Et pour celles et ceux qui ne feraient toujours pas confiance à ces nouvelles dispositions proposées on rajouterait que c’est fedpol tout seule qui jugerait de la bonne interprétation de ces textes, sans l’implication d’un juge, et cela pour des enfants à partir de 12 ans.

Mais la véritable contradiction de cette loi est ailleurs, à savoir que l’argument des « terroristes en herbe », auxquels elle s’appliquerait exclusivement, se heurtent fondamentalement à celui de la prévention, avancé simultanément. La loi servirait à une détection précoce pour éviter que les jeunes ne tombent dans la marge et ne se désocialisent[2]. Sans elle, « nous perdrions les jeunes sur la voie de la radicalisation »[3] (CF Keller-Sutter). A qui s’adresse alors cette loi ? Aux jeunes déboussolés dès 12 ans qui cherchent leur identité dans des luttes alternatives au système en place et qui resteraient effectivement accessible à la prévention ou plutôt au « cas lourds », aux terroristes en herbe, prêtes à passer à l’acte violent et pour qui des mesures préventives pourraient éventuellement se justifier ? Prévention ou répression ? L’amalgame est dérangeant.

 


[1] https://www.24heures.ch/comment-la-suisse-surveille-les-activistes-du-climat-778340926435?utm_source=sfmc&utm_medium=email&utm_campaign=24_ED_9_ENG_EM_NL_MATIN_NOUVELLES_SUBSCRIBER_AO&utm_term=2021-06-03&utm_content=1313649_&fbclid=IwAR11NJjJrL5KHOOALkm6Z1pvqnGJHozo5BG9sa9QjAxXaPFPL0T-5GhY1wE

[2] https://www.letemps.ch/opinions/suisse-ne-se-croire-labri-terrorisme?utm_source=Newsletters&utm_campaign=415027af49-newsletter_briefing&utm_medium=email&utm_term=0_56c41a402e-415027af49-109865513

[3] https://www.nzz.ch/schweiz/keller-sutter-ohne-pmt-verlieren-wir-die-jugendlichen-ld.1625743#register

Pascal Gemperli

Pascal est entrepreneur, écologiste et médiateur assermenté. Il s'engage également pour l'intégration et dans la coopération au développement.

Une réponse à “Prévention ou répression ? L’amalgame dérangeant de la MPT

  1. On peut se demander où les gens à l’origine de cette proposition de loi ont trouvé leur inspiration. Syrie? Birmanie? Hong-Kong?
    Je trouve navrant qu’une personne puisse accéder à la tête du département fédéral de justice et police avec des notions de droit qui la recaleraient dans n’importe quel examen en études de droit.

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