Avant de vouloir atterrir sur Mars…

L’anthropocène est l’époque qui se caractérise par l’influence significative de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre. Dans cette vision, la formule antique de la soumission de la terre par l’humain est devenue réalité. La nature comme simple facteur de productivité pour notre espèce ? Certains attribuent l’instinct humain à vouloir dominer la nature aux préceptes religieux, d’autres aux avancées scientifiques ou encore au capitalisme. Quoi qu’il en soit, sur le plan intellectuel et dans une large mesure dans les réalités de nos vies, nous nous sommes déconnectés de la nature. L’humanisme a le mérite de nous avoir libéré des contraintes et des autorités instaurées à travers l’histoire par notre propre espèce, mais il a également contribué à générer un anthropocentrisme qui nous fait considérer l’univers à travers la seule perspective humaine.

L’être humain se croit maître du monde et se comporte conformément à cette idéologie. Nous exploitons, polluons, détruisons à un rythme de plus en plus accéléré. Nous plaçons nos relations commerciales avec l’autre bout du monde avant la protection de l’environnement, l’extraction du calcaire avant la protection du patrimoine, le développement technologique avant la santé.

Beaucoup de nos interventions sur la nature génèrent des modifications irréversibles, comme la technologie nucléaire, les modifications génétiques, les microplastiques dans la nature ou encore l’extraction de matières premières. Certaines au point même de devenir un danger immédiat pour la planète, tel que le changement climatique.

Notre pouvoir technologique dépasse largement notre entendement sur les conséquences de ce dernier.

Est-ce que ce “progrès”, nous amènerait-il à perdre le contrôle sur notre propre avenir ? Avant de vouloir atterrir sur Mars, nous devrions peut-être déjà apprendre à protéger la Terre.

A l’époque des Lumières, les sciences étaient moteur du progrès, déclencheur de la démocratie, propulseur pour la santé et l’analyse de la nature. Aujourd’hui, nos sciences n’arrivent plus à anticiper les crises, elles courent derrière, respectivement elles doivent se développer d’urgence en parallèle, comme c’est le cas pour le réchauffement climatique ou le Covid-19. L’évolution de nos impacts destructeurs sur la biosphère et le monde en général va plus vite que nos avancées scientifiques. Nous sommes devenus objet malheureux de nos propres agissements.

La crise écologique est le défi principal du deuxième millénaire. Il ne s’agit pas d’une crise de la technologie, bien au contraire, c’est une crise de la conscience, de la compréhension de notre place dans la nature et ainsi aussi d’ordre spirituel.

 

Nous devons reconsidérer l’humain comme partie intégrante de la nature, redevable et humble. Ralentissons, misons sur la proximité, sur la qualité plutôt que la quantité, le relationnel plutôt que le matériel.

Je ne plaide pas pour un retour au 20ème siècle – quoi que pour certaines choses on pourrait y trouver quelques satisfactions – mais si les avancées sont bénéfiques dans certains secteurs, par exemple la santé, dans d’autres elles sont devenues funestes. Reprenons le contrôle !

Pascal Gemperli

Pascal est entrepreneur, écologiste et médiateur assermenté. Il s'engage également pour l'intégration et dans la coopération au développement.

14 réponses à “Avant de vouloir atterrir sur Mars…

  1. C’est un plaisir de vous lire. Mais votre propos est contradictoire : ce que nous faisons depuis deux siècles menace désormais le vivant sur Terre (nous y compris bien sûr), mais il ne faudrait pas … revenir au 20ème siècle. Vous semblez croire au développement « durable », à une croissance perpétuelle qui serait « verte », alors que les scientifiques, les physiciens notamment, nous disent que ce n’est pas possible (on ne contourne pas les lois de la thermodynamique), alors que nous n’avons aucune exemple concret d’une telle croissance.

    1. Bonjour, je vous remercie. Je comprends qu’on puisse y voir une contradiction. Pour sortir de cette dynamique néfaste – et surtout de la conception du monde qui l’anime – il faudrait probablement revenir encore bien avant le 20ème siècle… alors que certaines évolutions sont positives, par exemple dans les domaines de la santé, de la démocratie, de la compréhension de la nature, etc. d’autres sont à mettre en question et à corriger.
      Serait-il imaginable de bénéficier des avancées positives dans certains domaines mais de dompter les excès dans d’autres ou est-ce que toutes les évolutions sont forcément liées et indissociable ? Je veux encore croire au premier.

  2. Votre raisonnement est bien placé, toutefois, je ne vois pas en quoi la découverte de Mars vous dérange à ce point…Je pense que nous sommes assez nombreux pour travailler sur différents tableaux à la fois, en particulier si ces derniers trouvent leurs origines dans des traits humains nobles, tels que l’exploration (sous toutes ces formes).

    Au lieu d’attaquer des projets d’exploration, pourquoi ne pas user de la politique pour nous astreindre à une consommation plus raisonnée, ici est maintenant.

    Le changement ne viendra pas des gens, y compris de ceux (comme moi) qui se promènent un samedi matin au marché avec leur enfants Léopold et Cerise , dans une charrettes électrique, rêvant de construire une maison “écologique” quelque part dans une “Nature” toujours fantasmée tout en se félicitant de ne pas avoir besoin du dernier Iphone.

    Attaquer les choses qui compte (au hasard : surtaxer les téléphones, interdire les produits non-bio, fixer le prix de la nourriture en fonction du porte-monnaie, surtaxer les voyages en avion, surtaxer tous les aliments non-locaux et non-essentiels, interdire les grosses voitures). Bref, contraindre, tordre, castrer nos envies primitives pour le bien commun mais ne pas fustiger les entreprises Humaines, les rêves de nos enfants intérieurs.

    Trier le grain de l’ivraie.

    C’est dur et ce n’est pas sexy comme programme mais il n’y a certainement pas d’autre planche de salut.

  3. “A l’époque des Lumières, les sciences étaient moteur du progrès..”
    Je constate que de nos jours la course à la bourse est devenue un moteur de décadence climatique.
    Restons sur TERRE pour bien la protéger…MARS est trop trop loin pour aller vivre.

    1. @Samir ALILAT. Et quelles sont vos propositions pour réduire de moitié le niveau de vie de 2 milliards de personnes et pour interdire aux autres 7 milliards une amélioration de le leur ? Si vous comprenez ce que signifie protéger la Terre en terme de limitations à imposer à des milliards de personnes, le développement technique du vol habité vers Mars vous semblera peut-être plus facile à réaliser.

      J’irai même plus loin: les conditions de vie sur Mars avec un recyclage quasi parfait de toutes les ressources, nécessaire pour cause de ressources rares à disposition (il faut comprendre la notion de rare sur Mars: cette planète dispose sans aucun doute de ressources minérales importantes, mais l’énergie et les moyens industriels pour leur extraction et mise en valeur sont tels que l’on ne pourra pas produire de grande quantité de produits finis), y compris de l’eau et de l’air pourrait offrir des solutions plus utiles à la Terre pour sa sauvegarde que tous les palabres internationaux ou nationaux qui ont lieu tous les x années.

  4. Vous avez entièrement raison qu’il nous faut apprendre à préserver mieux l’environnement du berceau de notre espèce, qui restera longtemps encore, si ce n’est toujours, son véritable foyer. Mais pourquoi y voir une opposition avec l’exploration de notre environnement plus lointain, et plus spécifiquement de la planète Mars? Plus nous connaîtrons de choses sur nous et l’univers qui nous entoure, plus nous serons conscients de la fragilité de la vie sur ce minuscule point bleu dans l’espace qu’est la Terre (une remarque générale faite par tous ceux qui ont eu la chance de contempler notre planète depuis l’espace). Ce n’est pas le nez dans le guidon que l’on trace le mieux sa route :-)!
    Les sommes consacrées à l’exploration spatiale sont des “peanuts” par rapport à d’autres dépenses bien moins “productives” comme celles consacrées aux armements par exemple. Nous pouvons très bien oeuvrer à la préservation de l’environnement sur Terre et en même temps nous projeter au-delà de celle-ci. Etablir à terme un deuxième foyer pour l’espèce humaine sur Mars par exemple augmenterait d’ailleurs grandement les chances de survie de l’Humanité; une catastrophe planétaire un jour ou l’autre, quelle que soit son origine, ne pouvant être exclue; et pour cela, il faut bien commencer à plus petite échelle un jour. La nécessité de trouver les moyens, “en partant de zéro”, de tirer les ressources nécessaires d’un monde a priori beaucoup moins hospitalier que ne l’est notre planète pourraient d’ailleurs avoir aussi des retombées très utiles “ici-bas”. C’est en répondant à des défis difficiles que l’on progresse le plus.

  5. Je ne vois pas ce que les tenants de l’implantation de l’homme sur Mars leur on fait pour que les écologistes-radicaux leur en veuillent à ce point !
    En tant que président de la Mars Society suisse je ne suis évidemment pas du tout d’accord avec vous. Les dépenses nécessaires pour lancer une implantation humaine sur Mars seraient de l’ordre de quelques dizaines de milliards sur une trentaine d’années et rapportés à une année, on serait certainement dans des montants raisonnables de moins de dix milliards, même les années de plus fortes dépenses.
    De toute façon votre remarque n’a pas de sens car la réduction de la pollution sur Terre n’est pas uniquement une question d’argent. Si tout l’argent du monde était affecté à votre seul projet, ce qui est évidemment impossible, vous n’auriez pas suffisamment d’objets à l’intérieur de ce projet pour y dépenser votre argent.
    Par ailleurs comme le dit fort bien Pierre-André Haldi, le progrès dans le monde avance par interactions croisées. Les difficultés à surmonter pour s’implanter sur Mars et y vivre avec peu de ressources dans un environnement particulièrement difficile, serviront à développer des technologies pour vivre mieux avec moins, sur Terre.
    Dernière chose pour mieux fixer vos idées : les départs pour Mars (robotique, ou habités) ne sont possibles que pendant une période d’un mois tous les vingt six mois (problème de configuration des planètes). Pendant ce mois on pourra peut-être lancer une dizaine de fusées, chacune transportant quelques dizaines de personnes ou une masse de 100 tonnes…et cela dans quelques vingt ou plutôt trente ans. La pollution générée par ces fusées sera ridiculement faible par rapport à la pollution automobile (beaucoup moins de 1%)
    Laissez donc les « Terriens-Martiens » tranquilles et occupez-vous de vrais sujets. Je peux vous en trouver : l’armement bien sûr, les jeux vidéo, les films porno, le tourisme de masse, l’explosion démographique, etc…

  6. Je ne trouve pas une seule ligne de vote article qui ne soit pas une répétition de propos largement entendus, sous forme d’énoncé. Est-il nécessaire de créer un blog pour nous offrir un exposé qui ressemble au travail écrit consciencieusement rédigé par un écolier ? Ou est-ce de l’avoine que vous donnez aux ânes qui ont de plus longues oreilles ? Je ne doute pas que vous parviendriez à apprendre à un cheval à compter, mais pour réussir à nous faire glisser des bulletins de vote favorables à votre parti ce sera plus difficile. Personnellement je préfère contribuer à la survie des vrais cirques où se produisent de vrais clowns.

  7. Je vois que les martiens sont de sortie 😉

    Mais revenons au billet. Un billet qui montre beaucoup de bonne volonté à résoudre un problème, mais qui s’arrête là. Où sont les propositions ? Où est la prise de conscience de la tâche à réaliser ? Quels sont les objectifs à atteindre ?

    Je ne peux que vous conseiller d’écouter Marc Jancovici pour aller de l’avant, pour comprendre que la suite logique à votre billet est de demander à 2 milliards de personnes sur cette terre de réduire de plus de moitié leur train de vie, et aux autres 7 milliards de personnes qu’elles ne verront pas leur situation matérielle s’améliorer. C’est cela la réalité à faire admettre dans un premier temps et à faire appliquer dans un deuxième temps, de manière forte si cela devient nécessaire.
    Si vous comprenez cela, et surtout les implications, peut-être que le fait que certains choississent de consacrer des moyens au vol habité vers Mars vous semblera plus logique et plus réaliste que de convaincre 9 milliards d’individus qu’il va falloir faire des sacrifices et renoncer à une bonne partie des commodités modernes (attention, je parle de commodités, pas d’avancée).

    Lorsque l’on voit la difficulté de la population suisse à respecter les mesures temporaires liées à la pandémie du Covid, comment espérez-vous faire accepter une réduction du niveau de vie de manière durable à cette même population ? Il est fort à parier qu’il faudra attendre que les dégâts environnementaux soient élevés avant que l’acceptation des mesures atteignent une majorité et il y aura toujours une minorité pour refuser de changer leur manière de vivre. Commment gérer cette minorité ? Jusqu’au la liberté pourra-t-elle s’appliquer face à la responsabilité et l’intérêt commun ?

    Je vois que vous faîtes partie du conseil communal de Morges. Pourriez-vous nous indiquer comment l’impact environnemental de toutes les décisions communales sont évaluées et utilisées dans la décision ? Par mesure de l’impact environnemental, je parle d’un système systématique et uniforme, un système fournissant une valeur quantitative et absolue au même titre que la valeur pécunière.

    Je suis très critique face à votre billet, parce que le discours qui y paraît était valable il y a 20 ans: maintenant il faut du concret, si on veut tenir les échéances, il faut tenir le discours de la réalité, réalité qui n’est pas rose et qu’il faudra faire accepter. Les bonnes volontés ne suffisent plus ou alors il faut accepter que rien ne changera.

  8. Je pense que les projets de voyage vers Mars vous dérangent parce que vous avez l’impression que cela donne une alternative à la vie sur terre et que, par conséquent, votre discours catastrophiste d’écologiste en devient désuet.

    1. Vu la vitesse à laquelle nous détruisons la Terre, je donne à Mars maximum 100 à 200 ans de survie à partir du premier atterrissage de l’Homme. Une fois nous savons comment vivre sur une planète sans la détruire nous pourrons aller voir plus loin.

      1. Dans la vraie vie, au niveau d’une société, on ne fait pas les choses l’une après l’autre, on les fait en même temps. En nous installant sur Mars dans un milieu très hostile, où tout ce qui est consommé devra être récupéré et recyclé, nous apprendrons beaucoup pour vivre plus économiquement sur Terre.

      2. “je donne à Mars maximum 100 à 200 ans de survie à partir du premier atterrissage de l’Homme”, Que voulez-vous détruire sur Mars? Des cailloux rouillés :-)? Au contraire, seul l’Homme peut (ré-?)apporter un semblant de vie sur cette planète aujourd’hui morte (et, accessoirement, cela pourrait fournir des enseignements utiles pour préserver notre environnement terrestre!). Il ne faut pas écrire n’importe quoi.

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