Nouvel accord mondial pour la biodiversité : quels enjeux pour la Suisse ?

La biodiversité a fait l’objet d’un nouvel accord mondial approuvé par la Suisse (le Global Biodiversity Framework GBF) fin décembre 2022. Et alors, qu’en dire pour le contexte helvétique ?

 

Les entreprises sont intégrées

Comme pour le climat à Paris en 2015, le GBF marque un tournant dans la gestion de nos ressources naturelles. Les Etat devront intégrer le secteur privé dans leur programme de conservation de la biodiversité. La Suisse a bien essayé de le faire mais en limitant le secteur privé à des actions de labellisation (plan d’action biodiversité, OFEV, 2017), sans aborder les modes de production. L’intégration dans la législation devrait dépasser les clivages de partis et pourrait s’appuyer sur ce qui fait déjà ailleurs, où des programmes de soutien permettent aux entreprises de créer de nouvelles valeurs avec la biodiversité (entreprises engagées pour la nature, OFEB France, p.ex.). Ou répliquant le soutien d’economie suisse aux plans climatiques de entreprises 😊. La structure fédérale pourrait être un atout, en multipliant les approches et programme de soutien, combiné à une valorisation des expériences au niveau fédéral. Gardons à l’esprit que le nouvelle CSRD de l’UE obligera les entreprises suisses (à plus de 150 mio d’exportations dans l’UE) à publier sur leur double matérialité à la biodiversité. Rappelons que le WEF a estimé à 10 trillions de dollars les nouveaux revenus possibles pour des entreprises à impact positif !

 

Une nouvelle alliance entre bénéficiaires de la nature sera nécessaire

La Suisse s’est engagée à réduire ses subventions néfastes à la biodiversité (objectif mondial de -50% !). L’académie des sciences naturelles (Lena Gubler, 2020) a recensé pour 40 milliards de subventions dommageables à la biodiversité (tout type de subventions publiques). A comparer au budget 2020 de la Confédération de 75 milliards 😮. Cette étude montre clairement que l’agriculture n’a pas à assumer toute seule cette réduction, car d’autre secteurs sont concernés : tourisme, transports, aménagement du territoire, secteur énergétique, …. De plus, cette réduction fournira des moyens pour soutenir de nouvelles pratiques ou des programmes actuels comme le plan d’action Produits phytosanitaires de l’OFAG.

 

Faisons évoluer la notion de protection

Avec le GBF, la CH s’est engagée à protéger 30% de sa surface, ce qui sera impossible avec la législation actuelle (et sa définition de la protection). Certains pourraient penser rapidement aux régions montagneuses comme surface facilement protégeables. Comme une grande partie est propriété des communes ou de privés, pas sûr que cela fonctionne en l’état actuel (voir échec dans la création de parcs). Deux pistes semblent prometteuses. Premièrement, encourager les aires protégées privées. En effet, Rachel Palfrey (Nature Ecology & Evolution, 2022) a montré que ce type de protection était plus facile à appliquer dans des zones à forte présence humaine. Deuxièmement, le changement climatique va modifier la répartition altitudinale des espèces et nécessitera une protection dynamique des surfaces. Cassidy d’Aloia (Frontiers in Ecology and Evolution, 2019) a montré que les moyens techniques existaient à présent pour planifier ces surfaces à protection temporaire (mais à but fixe), qui seraient déplacées en parallèle à l’augmentation des températures.

 

Les richesses naturelles deviendront un source de revenus 

La Suisse compte une industrie de la santé très importante. Plusieurs entreprises ont déjà avancé sur le partage des bénéfices issus de plantes/animaux. Néanmoins, c’est la première fois qu’une approche mondiale a été acceptée pour faire bénéficier les pays sources de ressources génétiques. La biodiversité génétique (et donc celles des espèces) n’est plus qu’un fardeau pour les pays à faible revenu.

 

Alors, le GBF, historique ou pas ?

Cet accord est un vaste programme touchant 195 (!) pays et est le résultat de 4 ans de négociation. L’histoire dira s’il est historique, le présent indique que les Etats seront les garants de sa crédibilité. Plusieurs objectifs chiffrés permettront d’évaluer sa portée. Et l’implication des entreprises peut être inspirant ! Kering et l’Occitane ont ainsi créé un Fonds climatique pour la nature déjà doté de 140 millions d’euros (300 à terme); en plus des engagements des Etats pour un fonds de 100 milliards ! Cet engagement du secteur privé est déjà un effet positif du GBF !

Et si vous désirez en savoir plus sur ce GBF, lisez l’excellent compte-rendu de Sylvie Gillet de orée, plate-forme française « biodiversité et économie ».

Cet article a aussi été publié sur le blog de BioPerf.biz – Biodiversity Performance for Companies


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Moser Nature Watch

Montre et nature: un mariage de passion et raison

Les montres créent l’identité suisse grâce à des valeurs comme qualité, authenticité et nature. Le secteur horloger applique de façon croissante la durabilité, mais sur le thème du climat. Alors, horlogerie suisse, où est ta nature ?

 

Montre et nature, un couple éprouvé

La nature et ses saisons sont un symbole répandu du temps et de sa marche inéluctable. En joaillerie, les animaux et végétaux sont des thèmes de création communs. Chez les manufactures horlogères, la nature est souvent utilisée pour démontrer l’ancrage local des marques horlogères, pour s’associer avec une certaine harmonie du monde vivant ou encore pour imager la performance via la lutte contre les éléments naturels.

 

Les manufactures, à l’abri de la demande de transparence ?

Pendant longtemps, la clientèle des montres suisses a fait confiance et n’a pas attendu des entreprises une politique d’information particulière. L’importance prise par la clientèle asiatique pourrait changer cette situation. Deloitte mentionne ainsi la croissante attention des clients asiatiques à la durabilité des produits.  En parallèle, quelques marques débutent des politiques de divulgation sur leurs pratiques de durabilité. Cette importance croissante de la durabilité s’accélère puisque 72% des marques interrogées par Deloitte en 2021 mentionnent que la durabilité est devenue un sujet d’investissement financier.

Étude Deloitte 2022 sur l’industrie horlogère suisse

Evaluation du WWF dans les secteurs de l’horlogerie et de la joaillerie (WWF Suisse)

 

Le paradoxe vert du « Swiss made » et de la Suisse en général

Le label « Swiss Made » est un puissant moteur d’exportation basé sur une image de haute qualité. Il a aussi été associé aux paysages verdoyants des montagnes suisses.

Swiss label
Capture d’écran du site de l’association Swiss label (© swisslabel.ch, mai 2022)

Le lien entre montre de qualité et paysage de qualité est donc aisé et a souvent été effectué. A côté de considérations purement marketing, il traduit un décalage entre la réalité et l’évaluation de la biodiversité faite par la majorité des Suisses. En effet, la nature suisse se porte mal, en plaine comme en montagne, suite à une gestion de la biodiversité qui n’est pas exemplaire. Cette association entre nature et qualité suisse démontre peut-être un attachement à nos paysages mais représente aussi un défi pour une gestion plus durable de nos ressources naturelles.

Les Suisses sous-estiment la crise de la biodiversité selon un sondage (arcinfo.ch)

Examens environnementaux de l’OCDE: Suisse 2017 (OCDE – oecd.org)

 

Un future nature-positif ?

Alors que les symptômes d’une relation déséquilibrée avec le monde naturel (pandémie, baisse des rendements agricoles, sécheresse, …) s’accumulent, un mouvement qui développe une économie « nature-positive » grandit. Il s’appuie sur la nécessité de rester à 1.5°C de réchauffement et s’engage pour stopper la dégradation de la nature dès 2030, et restaurer la nature d’ici 2050. Il est soutenu par la plus importante association d’entreprises engagées dans la durabilité, le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui compte 200 des plus grandes entreprises mondiales.

Cet objectif pour un future carbone neutre et nature positif a été déclaré par le G7 en 2021. Il fait à présent partie de l’agenda économique, comme p.ex. deux sessions au World Economic Forum de Davos 2022, et devient un enjeu du monde financier. Finalement, il est intégré à la nouvelle version de l’accord des Nations Unies sur la biodiversité, accord bientôt signé par 195 Etats (y.c. la Suisse).

Mettre en œuvre un nouvel objectif mondial pour la nature (WBCSD, en anglais)

Mettre la nature au cœur du système financier (World Economic Forum, en anglais)

co-bénéfices nature
Co-bénéfices d’une nature restaurée (@Dasgupta Partha et al., The Economics of Biodiversity : The Dasgupta Review, HM UK Treasury, 2020)

 

Nature-positif, une aubaine pour le secteur privé

Le mouvement nature-positif permet enfin aux entreprises de contribuer positivement à la nature. Cette évolution transforme un risque en opportunité à court-terme comme à long-terme : par le développement de nouveaux produits comme par l’évolution du modèle d’affaire. De plus, il ouvre la porte à de nouvelles collaborations, avec les politiques publiques comme les ONG.

 

L’innovation au service de la durabilité

Répondre à la transition climatique tel est l’objectif premier de la durabilité des horlogers. Grâce à ses bénéfices rapides, la politique climatique est devenue un thème important de la RSE, mais reste cantonné à des enjeux à court-terme des entreprises. Seul 36% des conseils d’administration français intègrent régulièrement les enjeux climatiques dans leurs décisions. Concernant la biodiversité, 73% des conseils d’administration n’en discutent pas. Pourtant, la durabilité d’entreprise a bien plus de bénéfices à faire valoir, notamment sur la durabilité financière. En effet, la RSE est un puissant moteur d’innovation et donc de création de valeurs.

Étude Deloitte 2022 sur l’industrie horlogère suisse

La durabilité, nouvelle priorité stratégique des administratrices et administrateurs ? – Baromètre IFA ORSE PwC – Orse.org

Pourquoi la durabilité est un facteur clé d’innovation novation (Harvard Business Review hbr.org, en anglais)

Biodiversité dans RSE
Intégration d’une approche nature/biodiversité dans la RSE (© MEDEF, Entreprises et biodiversité, Les Clés pour agir, 2021)

Des montres pour se connecter à la nature

Un engagement nature-positif doit s’appuyer sur l’implication du management comme des techniciens horlogers. Il doit donc se traduire dans la stratégie d’entreprise comme dans la création de produits. Les exemples suivants pourraient traduire cette innovation.

Manufacture à impact positif pour la biodiversité

La biodiversité est un des indicateurs les plus courants pour évaluer la nature. Une manufacture pourrait atteindre un impact neutre sur la biodiversité en transformant ses cycles de matières à la production comme à l’utilisation de ses produits.

Expérience d’immersion lors de l’achat

L’achat est développé comme une expérience et la nature appelle de nombreuses émotions. Les boutiques pourraient proposer une immersion sensorielle, avec l’aide des technologies modernes, en complément d’expériences réelles à vivre dans les régions des manufactures ou proches des boutiques.

Montre favorisant le bien-être

Passer deux heures par semaine dans la nature permet de rester en bonne santé. Grâce à des matériaux réactifs (composant chimique, rayonnement lumineux, …), la montre pourrait comptabiliser le temps passé au vert. Elle pourrait aussi sensibiliser à la folle diversité du vivant en présentant un chant d’oiseau spécifique à une région selon le mois, p.ex. Enfin, elle pourrait valoriser sa longue durée de vie en rappelant les cycles temporels liés à la planète (vie d’une forêt, d’un arbre, …).

Passer 120 minutes par semaine dans la nature assure santé et bien-être – PubMed (nih.gov, en anglais)

 

Horlogerie suisse en transformation ?

L’économie fait partie de la solution pour une transition écologique. L’industrie horlogère suisse est un ambassadeur réputé et tire aussi parti de la nature, suisse comme d’ailleurs. Le développement d’une économie à impact positif sur la nature ouvre la porte à de formidables transformations. Des modèles d’affaires intégrant l’économie circulaire ainsi que la dématérialisation de nos sociétés devraient aussi assurer la durabilité financière.

 

L’article complet avec sources est disponible sur le blog de BioPerf.biz : Montre et nature, un mariage de passion et raison – BioPerf.biz

Magnifique perspective sur le Lac Léman pour de nouvelles perspectives en 2022 ?

Biodiversité en 2022 : six bonnes raisons de rester positif

L’intérêt pour la biodiversité a augmenté en 2021. Quelques nouvelles encourageantes aideront à rester positif.ve pour 2022. Du global au local, voici une sélection énergisante pour nous et la nature.

Les entreprises pionnières se fixeront des objectifs pour la nature/biodiversité

Le Conseil mondial des affaires pour le développement durable (WBCSD en anglais) a renforcé ses critères d’adhésion. Cette faîtière regroupe les entreprises les plus avancées en durabilité. D’ici à fin 2022, ses membres devront publier leurs objectifs pour restaurer la nature. Ces nouvelles exigences sont un signal très fort à l’ensemble du secteur privé et des consommateurs. Elles devraient faire de la biodiversité un thème obligé de la durabilité en entreprise.

 

Les consommateurs veulent un secteur privé qui s’engagent pour la nature

L’année dernière a vu l’émergence du concept de Réveil écologique, après analyse des recherches effectuées sur Google (selon The Economist – WWF) : un intérêt mondial des consommateurs pour une économie plus durable. En 2022, la durabilité reste une demande des consommateurs (selon Forbes). Finalement, un leader de l’analyse des tendances prévoit que la demande pour la nature restera élevée, avec p.ex. la végétalisation de son domicile ou la pratique d’activités de plein air.

 

Le temps est venu pour un cadre international qui permette une conservation de la nature plus efficace

La nature ne connaît pas les frontières et l’effondrement de la biodiversité se produit partout. Après trois reports, cette année devrait voir la naissance d’un nouvel accord mondial pour la biodiversité, à la COP15 des Nations Unies. Les gouvernements sont sous pression pour fournir un accord qui soit à la hauteur des enjeux. Les ONG et les entreprises fourniront probablement les solutions qui bénéficieront autant à l’économie, à la nature, qu’aux humains.

 

Si même un citoyen amène les parlementaires à se former sur l’urgence écologique

En juillet, le Parlement suisse sera formé sur l’effondrement de la biodiversité par des scientifiques. C’est l’aboutissement d’une grève de la faim menée par un citoyen hors partis. Cette session spéciale devrait être une nouvelle étape dans la sensibilisation des législateurs et est totalement inédite dans ce pays.

 

En plus de micro-forêts, beaucoup de nouveaux arbres croîtront en ville de Genève

Les arbres et forêts sont des solutions importantes pour combattre simultanément le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Cette année, l’un des hauts-lieux de la coopération multilatérale, Genève, plantera 900 arbres en de nouveaux lieux. Cela en complément de deux micro-forêts qui furent plantées à fin 2021. Le développement de ces forêts urbaines imitera celui de forêts naturelles et les nouveaux arbres réduiront les îlots de chaleur.

 

Les villages apportent aussi leur contribution

Penser global et agir local devraient aussi être possible à l’échelle locale. Un village suisse de 2’000 habitants a créé une commission climat & environnement (voir PV du 06.06.21 ci-après). Ce groupe préparera la mise en œuvre de mesures financées par le village et soutenues par les autorités régionales. Un tel programme est la dernière pièce du puzzle pour un monde plus durable !

 

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Energies renouvelables et biodiversité

Entreprises suisses & durables : climat, voir biodiversité et solidarité

Les entreprises suisses pionnières en durabilité ont tenu leur rencontre annuelle (Forum ö). Les discussions ont montré leur volonté de rebondir après le covid et de démarrer leur transformation climatique. Mais qu’en est-il de leur politique environnementale ?

L’urgence climatique devient celle des collaborateurs

Le réchauffement climatique fût le sujet principal. Les récents dérèglements météorologiques et la COP26 font augmenter la pression. On discute dorénavant des actions et de grandes entreprises actives en Suisse peuvent partager leurs expériences. Dès lors, ce sujet est abordé maintenant par des entreprises qui ne peuvent dégager beaucoup de ressources. Elles se retrouvent face à une urgence d’agir, et de façon très efficiente, car avec des moyens limités.

Le Conseil fédéral fixe les lignes directrices pour le rapport climatique des grandes entreprises

Protéger le climat, promouvoir les PME (Fondation Suisse pour le climat)

 

Les préoccupations vertes tournent autour de trois thèmes qui se rejoignent

Les autres sujets environnement sont essentiellement l’économie circulaire et la gestion des déchets. Ces thèmes permettent des économies et sont complémentaires. De plus, ils sont probablement plus aisés à développer, avec ses collègues, que la biodiversité car ils peuvent être traités de façon sectorielle au sein d’une entreprise, au contraire de la biodiversité.

L’économie circulaire, c’est bon pour le climat et pour l’emploi

 

La biodiversité émerge, lentement

L’idée que la biodiversité et le climat nécessitent des solutions conjointes fait son chemin. Et cela s’arrête pour l’instant là. En 2020, 17% des entreprises (selon Focused Reporting) avaient définis des objectifs pour la biodiversité. Les outils pour intégrer la biodiversité sont encore très récents et les actions pour le climat occupent déjà suffisamment les esprits. Mais comme la biodiversité pourra être traité en partie de la même façon que le climat, l’intérêt pour la biodiversité est bien présent et pourrait très vite devenir prépondérant. La COP15 de ce printemps va sûrement aider à passer à l’action.

Focused Reporting | Discover what matters

La COP15, sommet pour la préservation de la biodiversité, en quelques chiffres

 

La durabilité pour souder les générations et les entreprises

Le départ à la retraite des babyboumers (1946-1965) va placer les économies occidentales dans un manque de collaborateurs.trices. Pour négocier au mieux la transition écologique, les entreprises auront besoin des compétences des seniors. Une nouvelle solidarité transgénérationnelle, ou durabilité sociale, pourrait se développer : soutenir les envies de transformation des générations y et z (moins de 30 ans) par l’expérience des seniors et génération x.

Le capital humain, ressource pour le futur (Dr. Steffi Burkhart, en anglais)

 

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Une norme ISO sur la biodiversité ? Un peu d’air frais

Biodiversité & entreprises, une dynamique mondiale qui rappelle celle pour le climat

Entre les grèves du climat et le prochain cadre mondial pour la biodiversité des Nations Unies, les entreprises prennent lentement mais sûrement une place primordiale, comme pour le climat. Qui se souvient encore de l’époque où le climat n’était pas un enjeu de la politique suisse ?

La France, pionnière de la standardisation “biodiversité & entreprise”

Le début de l’année a vu apparaître une norme française pour standardiser l’intégration de la biodiversité dans le secteur privé. Cette norme remplit plusieurs besoins propres au secteur privé : adaptabilité, complémentarité et reconnaissance.

  1. Elle s’adapte à toute taille d’entreprise : une grande entreprise pourra l’appliquer soit à l’une de ses unités soit à l’ensemble du groupe ; une microentreprise pourra démarrer sa politique environnementale par la biodiversité.
  2. Elle est complémentaire et cohérente avec les normes environnementales ISO tel que la norme 14001, facilitant son intégration à un SME existant. De même, elle permet d’intégrer d’autres directives telles que celles des « Science-Based Targets for Nature » ou des initiatives nationales « Entreprises & Biodiversité ».
  3. Elle est reconnue par l’ensemble des acteurs (français) de la conservation et permet ainsi de travailler avec un langage et une méthodologie commune. De ce fait, une entreprise pourra valoriser aisément l’application de cette norme auprès des clients mais aussi développer des partenariats sur cette base.

Et pourquoi pas une norme mondiale ?

La création d’une norme ISO sur les démarches biodiversité est fortement souhaitable car elle fournira une méthodologie de portée mondiale. Afin d’être largement appliquées, ce standard pourrait présenter les caractéristiques suivantes.

En premier lieu, cette norme ISO doit être adaptée aux entreprises qui ont une activité internationale. De ce fait, elle doit être cohérente avec futur cadre mondial pour la biodiversité (de la Convention pour la Diversité Biologique).

Deuxièmement, les outils et approches vont encore évoluer ces prochaines années. Ces développements devront être valorisé dans la norme ISO, afin de s’assurer que le secteur privé bénéficie aussi des dernières connaissances de la recherche scientifique. Les tendances liées à l’état de la biodiversité ne devraient, elles, pas changer durablement.

Troisièmement, le secteur privé commence à développer les ressources financières et les connaissances pour mettre en œuvre des démarches biodiversité. Une norme ISO devrait donc s’adapter à cette montée en puissance qui s’opère actuellement au sein des entreprises.

Finalement, la diversité des systèmes politiques représentés au sein de l’ISO est sûrement un grand défi, car la conservation engage généralement fortement les autorités. Trouver le bon niveau d’interaction entre les entreprises et les planifications gouvernementales pourrait être un défi.

Quelle adaptation pour la Suisse ?

La pertinence de créer une norme SVN sur la biodiversité est peut-être à confirmer. Quoiqu’il en soit, il serait bon de garder à l’esprit certaines spécificités helvétiques.

La conservation de la biodiversité est majoritairement de la responsabilité des cantons. Ce sont aussi eux qui gèrent la majorité des moyens financiers à disposition. De ce fait, une norme SVN devrait prévoir un lien avec les politiques publiques cantonales et leurs plans d’actions.

Un environnement propice à l’innovation est une condition pour impliquer les entreprises. Au regard du commentaire ci-dessus, une norme suisse devrait combiner le temps long des administrations avec le temps court de l’économie.

La reconnaissance d’une potentielle norme par toutes les parties prenantes de la conservation (y.c. ONGs et milieux académiques) est essentielle. Son élaboration devrait donc intégrer cette nécessité, afin que les entreprises puissent ensuite s’appuyer sur cette légitimité.

Une norme suisse, une importante contribution à la conservation

Une telle norme en Suisse pourrait accélérer l’engagement du secteur privé et faire évoluer la conservation, en Suisse, vers une version 2.0. En effet, l’élaboration d’une telle norme nécessitera des solutions qui n’existent pas actuellement. Cet air frais s’accompagnera sûrement de nouvelles perspectives, financières et opérationnelles, pour la biodiversité suisse.

Le capital naturel, nouveau paradigme de l’actionnaire ?

Un nouveau capitalisme avec la nature ? Le cas Danone.

Aucune entreprise n’inscrit des dettes ou des actifs liés à la nature dans sa comptabilité. Et pourtant, un économiste payé par le Trésor anglais appelle à le faire. Et les déboires de Danone fournissent un bel exemple.

La nature, et ses services, n’est pas budgétisée à sa vraie valeur

Fin février, la publication du rapport Dasgupta sur mandat du Ministère des Finances (🙂) du Royaume-Uni, a fait le buzz. Ses recommandations sont révolutionnaires pour les économistes et financiers. Les nations se trompent en considérant que la nature peut être surexploitée et que la technologie règlera les déséquilibres. En somme de considérer la nature comme extérieur à l’humanité (« externalités » dans le jargon).

Le résultat ? Des budgets publics qui subventionnent en même temps destruction et protection de la biodiversité. En Suisse, l’ensemble des subsides dommageables à la biodiversité se montent à 40 milliards de francs, 40 fois plus que les subventions en faveur de celle-là.

L’autre conséquence mise en avant par Sir Dasgupta : l’absence de valeur économique à la nature. Une entreprise ne peut pas mettre à son bilan comptable des actions favorables à la nature et qui bénéficient à toutes.s. P.ex., la conservation des côtes pourrait faire économiser 52 milliards aux assurances. Ces dernières n’ont pourtant aucun avantage à protéger les côtes, puisqu’elles n’y gagneront rien, en particulier en face de leurs actionnaires.

L’actionnariat à la recherche de nouveaux repères ?

Il est donc très difficile d’intégrer la vraie valeur du capital naturel dans les résultats financiers. L’entreprise Danone l’a prouvé aux dépens de son PDG. En effet ce dernier a été remercié suite à un rendement insuffisant, sous la pression des actionnaires. Parce que Danone n’a pas pu intégrer au capital, et donc à sa rémunération, sa politique environnementale, riche et exemplaire.

Deux tendances sont en train de s’affronter parmi les actionnaires, celle qui cherche à conserver des rendements élevés et celle qui demande une intégration croissante de critères environnementaux et sociaux.

Et pourtant, 2020 a montré que les entreprises à RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) forte avait moins soufferte de la pandémie. Et depuis plusieurs années, les économistes soulignent qu’un engagement environnemental fort facilite l’accès aux capitaux. Ou que réduire ses émissions de CO2 permet de diversifier ses chaînes logistiques. Parmi les tendances de l’après-pandémie, l’UBS identifie l’environnement comme un thème permettant d’attirer les capitaux (financiers 😉) des investisseurs.

Et voilà, le Produit Intérieur Brut Vert et la Capital Natural sont là

Les Nations Unies ont adopté, il y a peu, un nouveau standard de comptabilité nationale qui permet d’aller plus loin que le PIB. Ainsi, l’Indonésie a simulé l’évolution de son PIB selon différents programmes d’adaptation au changement climatique. De même, les entreprises peuvent aussi intégrer les services dont ils bénéficient de la nature, dans leur comptabilité, grâce au Natural Capital Protocol. Et montrer à leurs actionnaires que gérer durablement son capital naturel, c’est s’assurer des rendements durables.

Alors restez à l’écoute et sortez prendre l’air !

 

Pour consulter les références de cet article, voir www.bioperf.biz/blog

Frontière USA-Mexique

Effondrement de la biodiversité : les Etats veulent séduire les entreprises.

Les chefs d’Etat ont discuté de la biodiversité, à l’Assemblée Générale des Nations Unies #BiodiversitySummit (30 sept. 2020). Une première !

Les Etats comme les entreprises profitent de la biodiversité. Mais cette dernière s’effondre et ne connaît pas les frontières. Au beau milieu de ce souk, les Etats coopèrent pour trouver des solutions à l’effondrement de la biodiversité.

Chaque pays est concerné

Vous pensez que la Suisse n’a pas intérêt à participer à un effort mondial ? Jugez plutôt. Basé sur des calculs de l’Union européenne, le bénéfice net des réserves naturelles helvétiques se monte à 3 milliards. Voilà la somme à investir pour produire l’eau, réguler les crues et polliniser les cultures sans ces zones protégées. Et une partie de ces dernières disparaît déjà !

Un autre calcul a précisé le prix à payer de l’inaction, en Suisse. Dit autrement, on laisse les espèces disparaître, selon les prévisions actuelles, puis en 2050, soudainement 😊, on produit nous-même les services qu’elle fournit actuellement. Le résultat ? Il faudrait investir 25 milliards par an dès 2050 ou env. 30% des dépenses de la Confédération (selon comptes 2019).

 

L’économie suisse profite aussi de la biodiversité du monde entier

Il est connu que la Suisse doit une partie de sa prospérité à ses exportations. Il est moins connu que cette prospérité se base en grande partie sur la nature à l’étranger. Notre pression sur la nature suisse est trois fois plus élevée que ce qu’elle peut supporter. Comment faisons-nous pour ne pas (sur)vivre dans un paysage lunaire ? Nous exportons plus de la moitié de la destruction de la biodiversité hors de la Suisse.

 

La coopération actuelle entre Etats est insuffisante

La convention des Nations Unies pour conserver la biodiversité a été signée par 196 Etats. La dernière évaluation des résultats obtenus par les Etats signataires est sans appel, aucun n’a respecté ses engagements.

Malgré cette convention, les Etats ont vite compris que la disparition de la nature ne pouvait continuer indéfiniment🆘. Et que de nouvelles solutions sont donc nécessaires : fixer des objectifs mondiaux quantitatifs et intégrer les entreprises à cet effort. Comme pour l’accord de Paris sur le climat, le secteur privé et les ONGs devraient pouvoir additionner leurs contributions à celles des programmes étatiques.

 

L’implication du secteur privé, un avantage pour tout le monde

Alors évidemment, les financiers ont sorti leurs calculettes : 400 milliards par année sont nécessaire pour conserver la biodiversité nécessaire à l’humanité. Pas de panique cela représente 0.5 % du PIB mondial, mais quand même huit fois plus que ce qui est dépensé actuellement (voir réf. 5) ! Et oui, cela vient en complément des coûts pour l’atténuation du réchauffement planétaire (voir article du Temps du 22 juillet pour rigoler).

Heureusement, cette même analyse du Crédit Suisse propose autre chose que des augmentations d’impôt. Elle estime que les banques pourraient permettre de financer env. 200 des 400 milliards nécessaires. Voilà un marché qui s’ouvre pour le secteur privé, non (voir l’article précédent) 🤑? Surtout qu’il est en accord avec les attentes des futurs clients. Le baromètre la jeunesse 2020 du Crédit Suisse montre que plus de la moitié des jeunes (16-25 ans) place le conservation de la biodiversité dans leurs principaux intérêts.

 

Alors restez à l’écoute, prenez l’air et renouer avec la nature !

 

Pour consulter les références, voir l’article complet sur www.bioperf.biz/blog

Les entreprises, toutes ensembles pour sauver l’humanité ?

Les nouvelles sur notre environnement naturel, y.c. le climat, font plutôt peur, ce qui ne fait pas vendre ! Se faire entendre dans ce contexte est plus facile à plusieurs. Voyons comment les entreprises se rassemblent pour être des acteurs positifs de la conservation de la nature.

Qui se souvient de l’actualité du 10 juillet 2018 ? Beaucoup se rappellent que la France l’emportait contre la Belgique en demi-finale de la coupe du monde de ⚽. Ce même jour, il y eu aussi le lancement d’act4nature, une coalition d’entreprises françaises qui s’engagèrent à améliorer leurs impacts sur la nature. Quel lien entre ces deux évènements ? Emmanuel Macron, le président de la France. Il préféra aller en Russie que rester à Paris, à la conférence de presse d’act4nature. Véridique … et compréhensible. La République envoya son ministre de l’Ecologie, Nicolas Hulot, pour féliciter le gratin entrepreneuriale (BNP Paribas, Axa, Michelin,..) de l’Hexagone, intéressant non ? Les ennemis d’hier devenant amis.

Bon, je m’égare me direz-vous. Oui et non, car cet exemple est très instructif. Les entreprises sont prêtes à s’engager mais elles ont besoin de visibilité médiatique. Et quoi de mieux que le monde politique pour s’attirer cette visibilité. De plus, cet exemple d’engagement volontaire est scruté par la communauté des protecteurs de la nature. En effet, la question du contrôle de ces engagements n’était pas réglée en 2018. Depuis lors, des méthodes ont émergées qui permettent de suivre la performance biodiversité des entreprises (🤔 on y reviendra une autre fois, promis). Méthodes développées en partenariat avec le monde scientifique et des ONG.

Démontrer sa bonne volonté, en groupe, est une possibilité pour les entreprises. Une autre approche est de promouvoir ses besoins auprès des législateurs. Afin d’obtenir des mesures incitatives plutôt que répressives comme des taxes, amendes et interdictions. Citons ainsi la coalition d’entreprises “Business for nature” qui a développé cette année-ci des demandes à destination des gouvernements : définir des objectifs ambitieux, supprimer les subventions étatiques néfastes à la nature, collaborer avec d’autres enjeux mondiaux (pauvreté, alimentation…), demander aux entreprises de publier leurs impacts et enfin soutenir les changements de pratiques. Ces demandes sont très proches de celles de la société civile, 😂, intéressant non ? Car cette proximité permet des collaborations.

Ces belles initiatives sont jeunes. Leurs valeurs se jugera à l’efficacité des mesures prises par les entreprises qui en sont membres. Une course s’engage pour ces dernières afin de se doter d’outils de contrôle et de publication, car les grèves du climat ont démontré que les consommatrices-eurs de demain veulent des changements rapides et visibles.

Il n’empêche, la conservation de la nature ouvre un gigantesque champ de nouveaux produits et services. Le WEF a publié le 15 juillet 2020 les effets de ces nouveautés: 400 millions d’emplois en 10 ans 🤑 ; à comparer aux 25 millions que le covid-19 devrait détruire ou aux 3.3 milliards de travailleurs que la planète compte.

Ainsi donc, le secteur privé aidera à maintenir un futur agréable offrant des champs où les abeilles voleront, des forêts où les grands singes vivront et des rivières où les poissons nageront. Pour le bien de nos estomacs et de nos humeurs. Mais des collaborations seront nécessaires, afin de s’intégrer dans le paysage actuel où les services étatiques et les associations sont déjà actives. Et les règles du jeu devront être identiques pour toutes les entreprises, montrant que le législateur est encore nécessaire. Comme pour le climat, des règles mondiales seront nécessaires. On verra la prochaine fois comment les Etats comptent s’organiser mondialement pour accompagner ces entreprises qui conserveront la nature.