La nature inquiète les entreprises, ou pas ? Quelle issue à cette question ?

Le monde des affaires prend conscience que modifier ou détruire les forêts, marais, prairies, met en danger ses revenus. Cela, avant que le covid-19 nous touche ! De courageuses entreprises ont identifié que les besoins des actionnaires et des papillons sont finalement identiques.

Soutenir financièrement une “ONG écolo” ou créer sa fondation est devenu presque commun. Rendre ses infrastructures plus compatibles à la conservation de la biodiversité, cela est aussi possible. Citons Audi, le constructeur automobile allemand, qui veut exposer dorénavant ses voitures au milieu de prairies à papillons et non de gazon sans grande vie ! En terme d’images véhiculées (😉), cet engagement n’est pas anodin. Sans compter que ces mesures sont fréquemment suivies d’une hausse de la productivité des employés.

Modifier son mode de production, voilà qui est plus engageant. Mentionnons L’Occitane et ses produits cosmétiques. Elle définit le respect de la biodiversité comme son premier engagement et soutient la protection d’espèces menacées. Quel est le lien entre ses shampoings et des plantes en voie de disparition ? Le maintien de ces dernières augmente la rentabilité de la production: par une une réduction des coûts de production, une résistance accrue aux aléas climatiques provoqués par le réchauffement (climatique, toujours 😬) et une baisse des ruptures d’approvisionnement.

D’ailleurs, L’Occitane n’est pas seule, le leader du secteur cosmétique se place aussi. L’Oréal a lancé dernièrement un score environnemental et social de ses produits. A l’heure des discussions sur le score nutritionnel, certaines entreprises s’exposent auprès de leurs clients et répondent aux grévistes du climat. Cette transparence est aussi intéressée, car s’engager sur la performance environnementale, y.c. biodiversité (🤔), est un formidable moteur d’innovation. Et donc créateur d’un avantage concurrentiel.

Alors, les entreprises toutes motivées à freiner la disparition de la nature ? En tous les cas, bientôt toutes inquiètes ! Le dernier classement des risques du World Economic Forum montre que la perte de biodiversité est le deuxième souci des managers, juste après le climat. Sachant que la perte totale de biodiversité coûterait deux fois le PIB mondial, on comprend mieux. Autrement dit, il faudrait créer un secteur privé deux fois plus grand que l’actuel pour produire ce que fournit actuellement les écosystèmes tels que les forêts, marais, rivières, mers, prairies,… . Imaginez alors les coûts de notre shampoing, y.c. emballage, s’il était produit avec de l’eau, de l’air, des colorants, des parfums, un climat, des pluies, du bois créés entièrement par des entreprises !?

Dans ce contexte, les entreprises s’engagent et veulent collaborer avec les décideurs politiques. Ces exemples sont-ils isolés ? Ou bien assiste-t-on à un changement plus profond ? Suite au prochain article où nous verrons que les entreprises s’organisent mais cherchent aussi des soutiens.

 

Olivier Schär

Intégrer le patrimoine naturel et ses services dans l'économie et la société civile, en développant des interfaces et en innovant, voilà le parcours d'Olivier Schär. A la planification comme à la conduite de chantier, avec le fromager du village comme la multinationale du minerai. Toujours avec l'envie de garder l'humain comme solution, au moins en partie.

4 réponses à “La nature inquiète les entreprises, ou pas ? Quelle issue à cette question ?

    1. Bonjour,
      Merci pour votre relecture attentive. Le texte “Issue de secour” est en fait celui collé sur la vitre de train. Probablement qu’un passager joueur a arraché le “s”. La nécessité de trouver une autre exploitation de nos ressources naturelles reste entière. Et je suis convaincu que nous n’arriverons pas à la situation où seul le saut en parachute sera possible.

  1. La pandémie récente a révélé de façon brutale les incohérences de notre économie mondialisée. Le changement climatique, l’atteinte à l’environnement et la perte en biodiversité en sont une des conséquences. Une certaine idéologie économique non contrôlée et le bas coût de l’énergie depuis 2 siècles ne sont pas étrangères à cette situation devenue inquiétante (gaspillages, pollutions, démographie). La prise de conscience de nos sociétés que vous décrivez me semble se traduire par des engagements rassurants (entreprises, population, politiciens). Mais cela prendra évidemment du temps, car les conséquences sociales devront être adaptées. Depuis des millénaires, Homo sapiens s’en est toujours sorti en s’adaptant aux exigences physico-chimiques de notre planète Terre. Je reste optimiste. Je reste impatient de lire la suite de vos blogs.

    1. Bonjour,
      Je vous remercie pour vos encouragements. Oui, la détérioration des services fournis par la nature nous oblige toujours plus à modifier nos vies. Dans le cas du secteur privé, l’enjeu est bien évidemment de trouver le bon chemin entre les différentes parties prenantes (ou partenaires) d’une entreprise. Dans le contexte suisse et pour ce qui est de l’environnement, j’en citerai deux: les actionnaires et la société civile. D’où l’importance que les autorités jouent raisonnablement avec les deux types de levier que sont les incitations financières et les limitations légales. Concernant l’énergie, elle a toujours un coût, bas actuellement car n’intégrant pas l’utilisation de services fournis par la nature telle que la pluie, le vent ou la lumière. Par contre, le réchauffement climatique va modifier le régime des pluies/des vents et il est possible que les concessions de rivière, p.ex., intègrent à l’avenir une disponibilité différente des eaux de rivières. Finalement, oui, l’homme actuel est le résultat de multiples adaptations dont certaines ont eu un coût social très voir trop élevé. D’où l’importance que l’adaptation de notre système économique soit basé sur des choix de la société. L’approche utilisée par le capitalisme participatif (“stakeholder capitalism”, voir WEF) est déjà une première solution vers des entreprises intégrant tous les éléments de la société dont elles bénéficient.

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