Le Grand Prix de l’Horlogerie de Genève (GPHG) est un concours annuel dont la cérémonie de remise des prix se tient au mois de novembre au Grand théâtre de Genève. Son but est de promouvoir l’excellence horlogère au niveau international en décernant des prix à des créations et à des acteurs de l’industrie dont la créativité ou la contribution ont marqué les esprits.
Le Grand Prix de l’Horlogerie est-il vraiment utile pour notre industrie ou est-ce simplement une bouffonade destinée à gonfler les égos des lauréats ? Je me pose la question depuis un certain temps et je ne suis pas encore arrivé à une réponse concluante dans un sens ou l’autre.
En fait et pour être dans la transparence des propos, j’ai eu la chance de faire gagner ce prix en 2010 à une marque que j’avais contribué à mettre en place, Laurent Ferrier. Et je peux juger du vecteur de communication positive que ce prix représente dès lors que l’on sort des querelles de village typiquement helvétiques. Lorsque vous arrivez en Asie (marché no. 1 des exportations horlogères helvétiques) vos interlocuteurs vous parlent tous spontanément de ce concours qui à leurs yeux revêt une importance, dont nous ne mesurons pas bien l’importance.
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Ce qui a été amélioré et ce qui pourrait l’être pour la 20èmeédition en 2020
Les mauvaises langues locales vous diront que le GPHG se gagne avec des échanges de bons procédés. Ce n’est certainement plus le cas depuis au moins 10 ans et la transformation du GPHG d’un club de copains, adeptes de « l’école des fans » de Jacques Martin où tout le monde gagnait à la fin, à une institution sérieuse contrôlée par un conseil de fondation.
D’ailleurs le soir où Laurent Ferrier avait gagné son trophée dans la catégorie Homme, un autre patron de marque avait été très déçu de ne pas être parmi les lauréats, car sûr de son coup avec l’ancien responsable du Grand Prix qui lui avait probablement assuré un trophée. Ce qui m’avait valu un coup de fil acerbe le lendemain de la cérémonie : « C’est bien pour toi, mais ce n’est pas mérité pour Laurent Ferrier qui n’est pas une marque ! ».
Sauf que le GPHG est un concours d’élégance ouvert à tous les créateurs horlogers, marques, artisan horloger ou créateur éphémère. Les prix récompensent la créativité et l’ingéniosité ; le poids économique d’une marque n’est – heureusement – pas un critère !
La composition du jury a été revue – quasiment – de fond en comble. Le ménage n’est pas terminé et on peut se demander si les accointances de certains membres du jury avec certaines marques (ex. le juré qui vend en tant que détaillant certaines marques ou pire dont il finance les activités) ne sont pas problématiques ?
- Pourquoi ne pas simplement faire ce que l’on demande aux politiciens (oui je sais M. Trump et certains parlementaires suisses ne sont pas des modèles en la matière !), à savoir déclarer leurs liens avec les marques en compétition et lorsqu’un conflit d’intérêts est latent simplement ne pas participer au vote ?
Les catégories ont été modifiées, certaines créées pour mieux différencier les typologies produits, et d’autres supprimées. C’est un point important, car il ne viendrait pas à l’idée d’un festival de films de mettre dans la même compétition un documentaire et une fiction, aussi peu que le GPHG doit mélanger des tourbillons avec des montres trois aiguilles.
Subsiste le problème des critères d’admission des montres qui sont censées être des nouveaux modèles et non des variations de modèles existants. Je me réjouis du nombre de montres participantes (202), mais si c’est pour ressortir le même modèle présenté il y a 4 ans en or et cette fois en acier, je me demande en quoi consiste la nouveauté ? Pour illustrer le propos on peut par exemple citer la magnifique montre homme « New retro » par De Grisogono qui a été lancée en 2015 et dont la version Dame avait participé au concours sans être sélectionnée pour le choix final. La montre « Monsieur de Chanel » qui a été lancée en 2015 et qui nous revient avec un traitement couleur noire.
- Une nouveauté est une montre présentée pour la première fois dans son design originel et dans l’année de son lancement et non pas dans la énième variation de la couleur de cadran ou des aiguilles.
- Interdire à une marque de participer à plus que 2 catégories la même année. On voit cette année des marques participer dans 6 catégories différentes…. Ce n’est ni sérieux, ni intéressant pour le public !
- Éviter les calculs de probabilité en mettant une montre dans une catégorie qui n’est pas naturellement la sienne, comme un tourbillon dans la catégorie « homme », alors qu’il devrait figurer dans la catégorie « complication pour homme ».
Une participation en – trop ? – forte augmentation
Je m’efforce d’éviter les polémiques et je ne cite jamais les mauvais élèves, mais j’ai fait un rapide décompte et sur les 202 montres présentées et en enlevant les 10 montres de la catégorie montre « iconique », on arrive à 45 montres sur 192 qui sont des rééditions ou variations d’une montre existante soit presque un quart du total !
Moins de montres c’est moins de travail et du meilleur travail pour les jurés. Contrairement aux idées reçues de certains, les jurés ne voient pas toutes les montres. La première sélection est effectuée sur la base de photos et/ou vidéos et d’un descriptif de la montre en compétition. Une fois la pré-sélection effectuée, les heureuses élues auront plus de chances d’être scrutées en vrai par chaque juré.
Une catégorie qui mériterait d’être crédibilisée
Une nouvelle catégorie est celle des montres « Chronomètres », soit « des appareils de haute précision » (dixit le dictionnaire « Berner » qui fait référence dans notre industrie). Ceci est une très bonne idée, car la précision doit rester un cheval de bataille de l’horlogerie suisse…. Sauf que sur 8 montres inscrites dans cette catégorie, seules deux sont certifiées COSC (Certification du mouvement par le Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres), TAG Heuer et Ferdinand Berthoud.
Tissot offre la même certification – à un tiers du prix de la montre la moins chère représentée dans cette catégorie – la TAG Heuer.
Et aucune des montres en compétition ne revendique un bulletin de marche de chronométrie (le mouvement et la tête de montre satisfont aux standards de précision exigés par le COSC) qui fait la gloire de deux marques qui « bizarrement » ne participent pas au GPHG, Rolex et OMEGA.
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Conclusions
Je pense que le travail du jury serait grandement facilité si le nombre de montres était sérieusement revu à la baisse. Il faudrait éviter qu’une marque se mette dans six catégories différentes (le règlement en autorise sept !) plus deux montres de sa marque sœur.
Il est certes réjouissant que le propriétaire des deux marques en question rentre – presque – chaque année de la cérémonie avec le sourire radieux du premier classe…. que la maîtresse de classe a un peu aidé, mais ceci nuit au sérieux du grand prix. En effet et si mes souvenirs des calculs de probabilité sont encore bons, il est fortement improbable que sur une centaine de marques présentes (120 en 2019) et plus de 200 montres en compétition, une seule marque puisse avoir un taux de réussite aussi élevé !
Si le GPHG veut s’établir sérieusement comme les « oscars de l’horlogerie » il faudra encore faire quelques efforts qui permettront d’attirer les grands noms de l’horlogerie qui manquent à l’appel…. Et dire au président de l’organisation de porter autre chose qu’une montre chinoise lorsqu’il rencontre un journaliste pour parler de ce concours !
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PS : le petit exercice des observateurs qui consiste à se risquer à un pronostic :
Dame : Robert & Fils 1630 « La Dentelle » (même si cette montre devrait être inscrite dans la catégorie « Joaillerie »).
Complication pour Dame : MB&F « Legacy Machine Flying T ». Sans aucune hésitation !
Homme : Urban Jürgensen « Jürgensen One ». Une vraie sportive élégante dans la tendance du sport chic très en vogue.
Complication Homme : Hautlence « HL Sphere » pas seulement parce qu’Eric Cantona – par ailleurs ambassadeur de la marque – est mon idole et contemporain, mais parce que la complication est ludique et que la montre est tellement …. Hautlence dans son ADN !
Iconique : Audemars Piguet « Royal Oak « Jumbo » extra-plat »(quel nom à rallonge !). Plus iconique tu meurs !
Chronométrie : TAG Heuer « Isograph ». Quand on fait de la chronométrie on se doit d’être certifié COSC et ça n’a pas besoin d’être cher pour être précis !
Calendrier et Astronomie : Audemars Piguet « Code 11 :59 by Audemars Piguet Quantième Perpétuel ». A part le nom du produit et de la collection (by AP, donc une sous-marque ou une famille ?) qui relèvent plus du branding forcé et malgré les polémiques sur les réseaux sociaux…. C’est tout simplement magnifique ! Le cadran en aventurine est une beauté céleste et le mouvement est tout simplement parfait.
Exception mécanique : HYT « Soonow ». Le concept tridimensionnel de HYT est l’une des plus belles interprétations de l’horlogerie du 21ème siècle comme on aimerait en voir plus souvent !
Chronographe : Bulgari « Octo finissimo chronographe GMT Automatique ». Un mouvement chronographe automatique avec une masse périphérique qui permet de dévoiler la beauté du mécanisme le plus plat de sa catégorie. En plus d’être beau c’est une prouesse de conception mécanique !
Plongée : De Bethune « DB28GS Grand Bleu ». Quelle idée géniale de repenser une montre de haute horlogerie en montre de plongée ! Denis Flageollet, le maître horloger et créateur de la marque, est le Breguet du 21èmesiècle qui ose réinterpréter les codes de la haute horlogerie. C’est ultra chic !
Joaillerie : Bulgari « Serpenti misteriosi romani ». Une vraie montre de joaillerie dans une catégorie de laquelle quelques concurrentes sont absentes pour cause d’opportunisme….
Métiers d’Art : Bereve « Numbers – Enamel Grand feu”. Enfin une approche rafraîchissante de l’émail grand feu cloisonné qui est une technique très ancienne, mais qui mériterait d’être revisitée plus souvent.
Petite Aiguille : Code 41 « X41 ». Plus pour l’intelligence du concept qui a fait un malheur sur les réseaux sociaux pour le crowdfunding et le développement produit « communautaire ». Mais le produit ne démérite pas avec un mouvement mécanique automatique avec une masse périphérique conçu et fabriqué en Suisse par une manufacture de niche.
Challenge : Seiko « Presage cadran porcelaine d’Arita ». Parce que c’est probablement la seule montre dans cette catégorie qui déclare ouvertement ses origines sur le cadran !
*Je ne conseille aucune des marques inscrites à ce GPHG 2019.