OMEGA met la barre de la chronométrie encore un cran plus haut

La marque phare du Swatch Group, Omega, annonce qu’elle met la barre encore plus haut en termes de chronométrie[1] avec une tolérance de 0/+2 secondes par jour sur ses mouvements mécaniques équipés de l’échappement co-axial[2]. Ce tour de force en termes de précision est réalisé grâce à un nouveau système de réglage du spiral en silicium et qui porte le nom de « Spirate ». Ce dispositif permet un réglage diaboliquement performant – permettant à l’horloger de régler le point d’attache du spiral sur le pont de balancier – du cœur de la montre permettant d’obtenir une précision de marche jamais atteinte pour un mouvement de série industrialisé.

Pour situer le débat, cette tolérance de déviation de marche de 2 secondes par jour est deux fois plus précise que celle admise par Rolex – +2/-2 secondes par jour = 4 secondes d’écart journalier – qui revendique pourtant un label « superlative chronometer officially certified ». Ce label qui est plus un terme marketing, car le « officially » fait référence uniquement à la certification du mouvement et non pas la double certification (mouvement et tête de montre) qui elle est faite en interne, est une valeur cardinale de la marque à la couronne.

Et par ailleurs il faut comparer les 2 secondes d’écart revendiquées par Omega avec les 10 secondes par jour admises par la norme ISO 3159 que le COSC (bureau officiel suisse des chronomètres) certifie.

Balancier spiral “Spirate” avec un spiral en Si14 et un système excentrique de réglage du point d’attache du spiral

 

Pourquoi la chronométrie devrait être un sujet pour les marques horlogères

La précision de marche d’une montre mécanique n’est certainement plus un sujet d’une importance absolue depuis 1969, année de lancement de la première montre bracelet quartz par Seiko. Le quartz a permis de supplanter la précision du mouvement mécanique le plus précis par un facteur d’au moins 10[3].

Autrefois les concours de chronométrie permettaient aux marques horlogères de prouver leur maîtrise de la mesure du temps et pour certaines de se déclarer « maître chronométrier ». Aujourd’hui ce sont quelques rares marques – et pas forcément uniquement celles que l’on attendrait sur ce terrain – qui se positionnent dans ce domaine d’excellence mécanique.

Beaucoup de prétendants peu de certifiés

Beaucoup de marques prétendent à l’excellence chronométrique peu le prouvent au-travers d’une certification officielle comme le COSC (contrôle officiel suisse des chronomètres) qui certifie uniquement le mouvement ou d’autres instances comme par exemple l’Observatoire Chronométrique de Genève ou l’Obervatoire de Besançon qui certifient la précision de marche d’une tête de montre (mouvement emboîté) et non plus uniquement le mouvement. La plus-value de ces tests – à part le fait de prouver que vous faites réellement de la chronométrie et pas seulement du marketing – est un joli fascicule qui est un bulletin de marche de chronométrie calligraphié qui accompagnera la montre.

Bulletin de marche de chronométrie de l’Observatoire de Besançon pour un tourbillon de la maison Laurent Ferrier

On peut donner du crédit à des petites marques de niches comme Laurent Ferrier ou Akrivia qui ne font certes pas certifier l’entier de leur production, mais qui se donnent les moyens d’obtenir des bulletins de marche de chronométrie à l’Observatoire de Besançon si le client le souhaite.

On peut déplorer le fait que le terme de « Chronomètre » n’est pas protégeable légalement – car générique – et que certaines marques abusent de ce label. Zenith – qui se revendique championne historique de la chronométrie – a par exemple commercialisé une montre avec la maison de ventes aux enchères Phillips qui bien qu’étant dépourvue de tout certificat de chronométrie mentionnait sur le cadran « Chronomètre » et « Observatoire ». Pour essayer de lui donner une caution morale on a associé l’artisan horloger Kari Voutilainen qui en a décoré le mouvement.

Ou encore un grand prix d’horlogerie de Genève 2022 décerné dans la catégorie « Chronométrie » à un tourbillon Grand Seiko (par ailleurs magnifique et techniquement abouti) dépourvu lui aussi de tout certificat officiel de chronométrie.

Une certification d’excellence manufacturière et de tradition horlogère : le poinçon de Genève

Timelab à Genève propose une certification qui mélange des aspects de bienfacture (la décoration des mouvements), l’origine des composants (le canton de Genève) et le respect de certains principes de construction des mouvements mécaniques horlogers. Les têtes de montres sont aussi testées par rapport à leur précision de marche et la déviation ne doit pas dépasser la minute en 7 jours soit 8,5 secondes par jour ce qui est plus exigeant que la norme du COSC.

On peut déplorer le fait que très peu de manufactures se donnent la peine de se conformer à cette procédure assez contraignante : Chopard pour ses montres L.U.C, Roger Dubuis ou encore Vacheron Constantin. Elles ont d’autant plus de mérite de le faire qu’elle permette de maintenir une tradition porteuse d’excellence dans le monde en acceptant de produire, assembler et régler les gardes-temps certifiés dans le canton de Genève.

Le graal de la précision chronométrique : une double certification le « master chronometer »

La certification ultime étant celle où l’on certifie le mouvement par le COSC, puis la tête de montre. Et là les marques ne sont plus qu’au nombre de deux à passer une procédure de certification contrôlée par un organe officiel qui est le METAS (Institut fédéral de métrologie) : OMEGA et Tudor (marque sœur de Rolex) et qui leur décerne le label « master chronometer » après une procédure de tests suivant un protocole et des normes techniques et qui concernent :

  • La certification du mouvement du mouvement par le COSC

Puis une batterie de 8 tests – selon un protocole établi par le METAS – qui vont faire subir à la montre une multitude de chocs magnétiques (le magnétisme est présent partout à travers nos portables, etc.), de changements de positions pour simuler le porté de la montre au poignet (la gravité terrestre a une incidence négative sur la précision de marche) et de changements de températures. Pour finalement vérifier son étanchéité et certifier la précision de marche.

Une marque a toujours revendiqué l’excellence chronométrique

Rolex a eu très tôt l’intelligence marketing d’inscrire le terme « superlative chronometer officially certified » qui en soit constitue déjà un concept marketing plus qu’un label officiellement certifié. En effet chaque mouvement Rolex – la marque fabrique exclusivement des mouvement mécaniques – passe la certification de chronométrie auprès du COSC*. Chaque montre subit en interne une deuxième certification de chronométrie qui atteste de la précision de marche sur la tête de montre et non plus du seul mouvement. En soi ceci représente une exigence déjà nettement plus élevée que la seule certification du mouvement en instaurant une double certification.

Les critères de certification retenus par Rolex sont beaucoup plus exigeants que celles du COSC avec une déviation de marche de maximum +2/-2 secondes par jour ce qui fait 4 secondes d’amplitude maximale. Le COSC admet +6/-4 secondes – équivalents à 10 secondes par jour – selon une norme ISO 3159 qui définit très précisément les mesures et les résultats à atteindre pour obtenir le sésame de « chronomètre ».

Seul petit bémol : Rolex soumet uniquement le mouvement à un organe de contrôle officiel qui est le COSC, mais procède aux autres tests – qui sont calqués sur la procédure de contrôle mise au point par Omega avec le METAS – en interne. Ce qui lui enlève une légitimité officialisée par une instance étatique.

Nouvel enjeu pour Rolex face à Omega

 Dans une démarche très provocatrice, Rolex avait lancé en mai 2021 – longtemps après Omega en 2015 – la certification « master chronometer », mais uniquement pour Tudor, sa marque B. Ce qui peut sembler banal était en fait une provocation destinée à l’attention d’Omega et du Swatch group qui voulait dire : Rolex n’a pas besoin d’un sceau officiel pour prouver sa suprématie revendiquée – mais non officialisée – la certification du Master Chronometer étant déjà à la portée de la petite sœur.

Presque deux ans plus tard il n’y a qu’un seul modèle de Tudor qui est certifié Master Chronometer et on peut se demander si cette certification n’avait pour but unique de vouloir prouver à la marque concurrente de Rolex que son excellence chronométrique officiellement certifiée n’était pas aussi exceptionnelle. Sauf que … OMEGA fait certifier 95% de ses mouvements mécaniques (dont 99% sont équipés d’un échappement co-axial) soit 500’000 montres labelisées « Master Chronometer » et le solde étant certifié COSC. Ce qui représente une tout autre performance horlogère et industrielle que les quelques milliers (est. < 5’000 pièces) de montres certifiées par Tudor.

Le défi est lancé et il sera intéressant de voir comment la marque à la couronne va le relever !

 

Speedmaster Super Racing dotée du calibre co-axial master chronometer 9920. Prix public CHF 11’000

 

For the english version : https://watchesbysjx.com/2023/01/omega-spirate-hairspring.html

[1] Pour éluder tout malentendu, un chronomètre est selon le Larousse une « montre de précision réglée dans différentes positions et sous des températures variées, et ayant obtenu un bulletin officiel de marche ». Un chronographe est une « montre de précision, munie d’un compteur qui permet de mesurer et d’afficher des intervalles de temps ». Et pour compliquer le tout un chronographe peut être chronomètre, mais un chronomètre n’est pas forcément un chronographe.

[2] Echappement inventé par l’horloger anglais Georges Daniels et breveté en 1980 et mis au point puis industrialisé par Swatch Group pour sa marque OMEGA et présenté à Baselworld en 1999.

[3] la certification de chronométrie – selon la norme ISO 3159 – par le bureau officiel suisse des chronomètres (COSC) exige des mouvement quartz une déviation maximale de 0,14 s/jour, alors qu’un mouvement mécanique peut se permettre 10 s/jour (+6/-4 sec. /Jour) de déviation, soit un facteur 70.