Une salutaire inversion de vue sur l’orthographe

Ognon et nénufar furent longtemps les épouvantails de l’orthographe rectifiée, la presse en a régulièrement fait ses choux gras. Les voici autorisés et légitimement enseignés, bien que toujours aussi caricaturaux à l’oeil aiguisé. Ne vous en offusquez pas, c’est une belle et grande nouvelle, qui a le mérite de la clarté, de la cohérence et d’une saine pesée des intérêts pédagogiques !

 

Pour une valeur aussi visible et tangible que l’écriture de la langue française, le tube digestif d’une évolution orthographique pourtant inexorable fut forcément long : voici plus de trente ans que diverses simplifications dûment adoptées y font leur petit bonhomme de chemin, entre indifférence, défiance et accoutumance rampante. Sur le plan romand, les autorités cantonales réunies au sein d’une conférence politique qui fêtera ses cent-cinquante ans en 2024 et introduira d’ici là pour la toute première fois des moyens d’enseignement de français réellement communs à toute la Suisse romande et cohérents sur toute la scolarité obligatoire vient de communiquer une décision unanime et courageuse, longuement attendue. Cette décision englobe toutefois quelques modifications sensibles, mais elle le fait sur recommandation des linguistes et sans dénaturer la langue française.

Pourfendeur romand autoproclamé de tout aménagement à la formation, drainant depuis des années avec gourmandise et avidité les micros complaisants en quête d’oppositions élégamment formulées, le professeur de gymnase émérite et genevois Jean Romain se retrouve quelque peu seul sur la ligne de front. Décidément les vieux murs de sa vision scolaire élitiste et immuable se lézardent, même l’internat qu’il fréquenta au collège abbatial de St-Maurice ferme ses portes. Dans quel obscurantisme se jette-t-on à nouveau : “L’orthographe est la dépositaire du passé de la langue, on ne peut l’effacer ainsi !” plaide-t-il, dénonçant un effet pervers de la cancel culture et un nouveau nivellement par le bas.

 

Il ne s’agit pourtant en rien d’une révolution, mais d’une inversion de reconnaissance de la forme correcte en usage. La langue étant évolutive, son écriture exige périodiquement de s’accorder sur les formes orthographiques usitées. Pour quelques centaines de mots et plusieurs usages généraux, des formes révisées/simplifiées qui étaient, depuis 1990, tolérées mais non enseignées, vont devenir d’emploi courant dans l’enseignement scolaire du français, leur forme orthographique précédente restant tolérée sans être considérée comme erronée. Au fil des dernières décennies, ce changement était déjà passé dans les habitudes sans qu’on s’en offusque ni même s’en rende compte, porté par le flux courant des écrits et validé par les grands dictionnaires et les correcteurs orthographiques de nos traitements de texte. Faites le test entre vous, vous verrez que, tel Monsieur Jourdain, vous pratiquiez à l’insu de votre plein gré et dans la plupart des cas, hormis sans doute les accents et les ognons, l’orthographe rectifiée.

 

Pour la petite et la grande histoire, il convient de rappeler que les avancées de la normalisation orthographique du français, langue composite, sont ancestrales et que, depuis le Quatorzième, chaque siècle a connu au moins une décision normative importante. Tout au long du XXe siècle, plusieurs décisions politiques sont prises en France, entérinant à chaque fois des tolérances et non pas des diktats, mais sans vraiment s’imposer dans les usages. Celle qui nous intéresse présentement remonte à la publication dans le Journal officiel de la République française, le 6 décembre 1990, d’un ensemble de rectifications orthographiques décidées par le Conseil supérieur de la langue française, organe créé une année plus tôt par le premier ministre Michel Rocard. La Belgique et le Québec ont été étroitement associés aux travaux préparatoires ; par défaut d’organisme compétent et par désintérêt des autorités fédérales, la Suisse reste à l’écart. C’est ce qui convaincra la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) à s’adjoindre dès 1992 une Délégation à la langue française, toujours existante et interlocutrice officielle des organes linguistiques francophones. L’organisation internationale de la Francophonie n’y joue par contre aucun rôle d’ordre linguistique. Ce grand paquet de rectifications, fruit de délicats compromis, porte sur quatorze principes généraux de simplification et sur une liste de près de deux mille quatre-cents mots dont la graphie est rectifiée, dont nos fameux ognons et nénufars, mais également cacahouète, lazzi, ventail et relai, qui ne passent pas pour des chaussetrappes ! L’événement est fortement médiatisé et occasionne quelques véhémentes croisades. L’Académie française y apporte sa caution et la polémique s’estompe, les pratiques n’évoluant guère. A partir des années 2000, tous les dictionnaires commencent à mentionner systématiquement les graphies autorisées, de même que le Bon Usage et le Précis de grammaire française de Maurice Grévisse. De manière un peu inaperçue, les Instructions officielles du Ministère de l’Education nationale, depuis 2008 et surtout depuis 2016, reconnaissent clairement l’usage autorisé des graphies reconnues, laissant les éditeurs scolaires les appliquer dans leur production de manuels. Ce qui déclenche d’ailleurs de manière inattendue, suite à la réaction d’une journaliste de TF1 croyant avoir déniché un scoop, un immense buzz médiatique en février 2016, qui retombe en quelques jours.

 

La décision récente de la CIIP n’a donc rien d’inopiné ou d’exubérant. Dans un petit Livre d’OR (orthographe rectifiée), la Conférence commente de manière brève et ludique les 14 principes initiaux de 1990 (touchant les accents, les doubles consonnes inutiles, les liens entre l’écriture et la prononciation, l’emploi du trait d’union, le maintien du circonflexe uniquement lorsqu’il différencie des mots homonymes,  l’écriture  des mots empruntés à d’autres langues …). La liste complète des mots à graphie rectifiée est à nouveau publiée, comme la CIIP l’avait déjà fait en 1996 et en 2002, sachant toutefois qu’il s’agit désormais de la forme graphique introduite dans les futurs nouveaux moyens d’enseignement et que les autres formes en usage restent parfaitement tolérées tout en n’étant à l’avenir plus du tout enseignées.

 

Enfin, l’actualisation sans doute la plus puissante dans la prise de position de nos ministres romands de l’éducation apporte une clarté et une retenue bienvenues dans la gestion délicate du langage épicène. Cet apport est d’ailleurs salué dans la plupart des milieux, sinon les plus militants. Soucieuse d’éviter tout ajout graphique qui serait immanquablement une embûche pour les dyslexiques et pour tout apprenti-lecteur et apprentie-lectrice, mais partageant pleinement le souci d’équilibrer les formes et de respecter l’égalité entre les genres et les sexes dans le travail rédactionnel, la CIIP formule plusieurs recommandations parfaitement raisonnables, frappées du bon sens et aisément praticables. Les associations professionnelles ont d’ailleurs immédiatement salué ces directives, dont celle consistant à ne pratiquer aucune évaluation sur les écritures épicènes.

 

Félicitations aux sherpas qui ont su porter ce délicat dossier jusqu’à une décision très équilibrée et parfaitement applicable ! Dont acte.

La HEP Vaud vient d’accueillir un colloque international consacré aux questions orthographiques : Orthographe, la crise de la trentaine ! A point nommé.

 

PS. Le lecteur peut sans autre enlever dans le texte qui précède les circonflexes de “dûment” et d'”embûches”, tout en les laissant sur les verbes et participes, mais il ajoutera par contre des traits d’union à deux-mille-quatre-cents. On en se refait pas (tout de suite). Bien à vous ! 

 

 

Olivier Maradan

Ayant exercé de multiples fonctions dans l'encadrement et la coordination de la formation, dont 21 ans au service des conférences intercantonales nationale et romande (notamment en tant que responsable d'HarmoS), Olivier Maradan s'est établi comme consultant indépendant et travaille depuis l'automne 2019 dans la gestion de projets et le conseil sur le plan institutionnel, de même que comme rédacteur et chargé de cours.

22 réponses à “Une salutaire inversion de vue sur l’orthographe

  1. La baisse des exigences est un coup de poignard notamment dans le dos des allophones.

    Ce n’est pas parce que se montrer exigeant demande plus de travail aux profs qu’il faut céder à leurs caprices. L’intérêt des enfants doit primer; ne pas les amener sur le chemin de l’exigence, c’est favoriser ceux dont les parents veilleront à pallier les déficiences de l’éducation publique. C’est gâcher l’égalité citoyenne et écraser les enfants les plus faibles. Car si ce n’est pas l’école qui pose des exigences minimales, la société s’en chargera. Et moins les enfants disposent de mots pour exprimer ce qu’ils ressentent, plus ils auront recours à la violence !

    Et le livre d’or n’a rien de ludique.

  2. Bien que vous tentiez de banaliser cette réforme en la présentant comme une péripétie de plus dans la longue évolution de la langue, vous passez délibérément sous silence les aspects profondément politiques et idéologiques qui sous-tendent ces changements.

    Que va-t-il se passer en réalité ? Les élèves privilégiés, ou naturellement plus intelligents, continueront à apprendre le français « traditionnel » dans des écoles privées et élitaires. Les autres apprendront un français simplifié aux exigences orthographique réduites.

    Le premiers occuperont les postes de dirigeants et les positions les plus hautes. Les deuxièmes végèteront dans des jobs bas de gamme … s’ils ne sont pas remplacés par des intelligences artificielles.
    Le fossé qui séparait l’aristocratie du peuple au XVIIIème siècle fera figure de petite rigole comparé au gouffre que représentera le véritable apartheid intellectuel qui caractérisera la société du futur.

    A force de nivellement par le bas, de dérives idéologiques de pédagogistes bureaucratisés et autres fanatiques de l’égalitarisme intégriste, on en arrivera à une situation pire que celle que l’on trouvait à une époque où le peuple n’avait pas d’instruction du tout, tellement les écarts de savoirs et de capacités d’expression seront gigantesques.

    Si le français n’est qu’une branche parmi d’autres, il est symptomatique d’un double échec : non seulement le but de rendre l’accès à une instruction de qualité pour tous est loin d’être atteint, mais en plus on arrive à l’effet exactement contraire à ce celui qui était recherché : on aggrave les inégalités à la place de les résorber.

    1. A voir les courriers que pond le grand manitou de l’entreprise qui m’emploie, je pense que ça fait belle lurette que pour occuper un poste dirigeant fortement rémunéré, il ne faut plus que manier des acronymes venu de l’anglais. Celui qui fait de belles tournures de phrases et tente de limiter les erreurs orthographique est perçu au mieux comme pédant, au pire comme incompétent car inefficace.
      Le carnet d’adresses et le milieu d’où l’on vient reste assurément le moyen pour séparer les hautes et basses couches sociales , moyennant quelques rares exceptions confirmant la règle. Comme le disait un autre bloggueur, au royaume des bornes les aveugles sont rois.

      1. Vous soulevez là le paradoxe de ceux que mon père appelait les « imbéciles compétents », soit des personnes parfaitement incultes mais qui maîtrisent un domaine pointu, souvent lié aux sciences, aux techniques, à la finance ou au management.

        Ils représentent cette classe de « riches subalternes » qui servent de bras armé et de justification morale à ceux qui détiennent vraiment le pouvoir.
        Par « détenir vraiment le pouvoir », j’entends la capacité à véritablement infléchir le cours de l’Histoire.

  3. J’illustre la pensée dominante actuelle dans une université romande.

    J’avais un examen la semaine dernière “open book”.
    Je me suis préparé avec des exigences personnelles, des fiches, etc. J’étais donc préparé à l’ancienne.

    Il y avait 100 points maximum.
    J’en ai obtenu … 110.
    Le niveau est tellement faible qu’il y avait 10 % de points bonus !

    Et à la sortie de l’examen, les plus faibles se plaignaient de la difficulté de l’examen… Certains n’ont même pas compris certaines données… à l’université !!

    Or toutes les questions et toutes les réponses étaient dans le cours ! Zéro surprise, zéro réflexion personnelle… zéro difficulté.

    Vous pouvez baisser les exigences; vous pouvez baisser le niveau. Vous n’obtiendrez qu’une seule chose: ceux qui ont des parents soutenant, des cadres, des exigences et une culture du travail se démarqueront encore plus facilement. C’est la société que vous voulez? renforcer les inégalités de classe ?

    Il faut mieux payer les profs pour recruter de meilleurs profils; pas baisser le niveau pour que les profs insuffisamment qualifiés puissent suivre…

    Je rêve d’une société qui diffuserait l’euro de questions pour un champion; pas une société qui se met au niveau des candidats des marseillais à la plage…

    1. Merci pour vos réactions, en considérant les trois premières arrivées.
      N’y a-t-il pas une illusion d’optique dans votre appréciation ? Vous semblez tous les trois considérer que les décisions prises ont juste pour but de baisser les exigences de l’Ecole publique.
      Mais ce n’est pas du tout de ça qu’il s’agit : l’orthographe française reste un sujet difficile, qui comprend des règles et qui demeure donc exigeante. Mais les langues évoluent et le français n’y échappe pas plus que les autres. Il s’agit de se (re)mettre à jour avec cette évolution, reconnue dans les dictionnaires et les ouvrages de référence, mais insécurisée parce que des formes différentes se côtoient depuis des décennies et qu’elles sont pénalisées par certains prescripteurs et autorisées par d’autres. A quoi s’en tenir ? Les savoirs d’aucune discipline ne sont immuables et ils ont tous tendance à s’accroître au fil du temps.
      Plutôt que de simplement baisser les exigences ou de prôner une écriture simplement phonétique, comme sur le gag du commentaire qui suit, la décision évoquée porte sur les consignes données aux enseignants par rapport aux usages actuellement admis. A titre d’exemple, un tel aggiornamento a été fait entre pays germanophones voici une douzaine d’années et l’évolution de la langue allemande reste observée de près, ce qui est plus facile dans la mesure où tous ses pays locuteurs sont immédiatement voisins.

      1. Pour la langue allemande, c’était nettement moins ambitieux…

        https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Réforme_de_l%27orthographe_allemande_de_1996

        Et la difficulté de la présente réforme est qu’elle est le prolongement d’un nivellement par le bas (“pour simplifier l’apprentissage des élèves”…). Elle arrive donc au plus mauvais moment…

        Le résultat de pisa est mauvais? Simplifions les règles orthographiques…
        Les femmes sont harcelées dans la rue? Élargissons les trottoirs…

        Les cv sont déjà catastrophiques. Avec l’orthographe rectifiée, vous allez faire croire aux apprenants qu’ils écrivent juste, alors que ceux qui recevront leur cv n’y verront qu’un manque de rigueur…

        Viser la suppression des difficultés renforcent toujours les forts et abandonnent à leur sort les populations les plus vulnérables. Les enfants issus de classes défavorisées pouvaient s’élever dans la société par l’apprentissage de ses codes à l’école et du travail; là, vous les abandonnez. Vous leur dites que c’est à la société de s’adapter à eux… or cela ne fonctionne pas.

        1. Très bon exemple celui sur le CV ou de manière plus générale le cas d’un dossier de candidature. Si le responsable RH ne connait pas la nouvelle écriture, car il est simplement d’origine française, ce qui n’est pas rare, il pourra simplement écarté un candidat qu’il lui écrit “veuillez trouver le formulaire de candidature dument rempli”.

          1. Cher Monsieur Besson, merci de votre remarque. J’ai moi-même très souvent eu recours à l’exemple très caractéristique d’une lettre de candidature.
            On peut partir du principe que la personne qui la rédige le fera sur un traitement de texte, ou, si elle utilise sa plume, qu’elle fera usage de son dictionnaire préféré, dans les deux cas avec le souci d’éviter tout impair de style et d’orthographe. Au moment d’écrire dument ou dûment, le système de contrôle orthographique qu’elle utilisera acceptera les deux graphies (mais pas duement), parce qu’elles sont officiellement acceptées depuis 1990 et reconnues comme telles dans les dictionnaires depuis vingt à quinze ans selon les éditeurs, ce qui interagit rapidement sur le correcteur de Word.
            Cette personne soucieuse aura donc agi justement. Mais l’interlocuteur RH qui lira son dossier pourrait la pénaliser en ignorant que les deux graphies sont correctes et admises. C’est bien pourquoi une communication officielle des autorités scolaires est devenue nécessaire de nos jours, et l’aurait sans doute été depuis un certain temps déjà, pour (faire) reconnaître cette évolution de la langue et la prendre en compte dans ses propres publications et dans l’enseignement, en regard des usages effectifs et eux aussi dument enseignés de s’auto-contrôler.
            Une fois encore, il ne s’agit pas de révolutionner la langue ou l’enseignement, en ôtant artificiellement les difficultés pour simplement rendre l’apprentissage soudain plus aisé. Il s’agit d’être cohérents avec la langue actuelle telle que son évolution jusqu’aux années quatre-vingt a été acceptée par le Conseil supérieur de la langue française.

        2. Une réforme moins ambitieuse ? Le nombre de règles ou de mots concernés est-il vraiment inférieur ? Et est-ce réellement significatif ?
          Mais surtout, la situation de départ de l’allemand est incomparable : 

          une langue très logique avec des règles strictes, peu d’exceptions et une orthographe pratiquement phonétique !

      2. Qui trop embrasse mal étreint…

        Doit-on simplifier le français au nom de la modernité ou doit-on au contraire lui garder ses mystères accumulés au fil du temps qui en font le reflet d’une culture et d’une histoire? Le débat que pose Le Temps au travers de nombreux articles ou de votre blog est intéressant, mais il n’est pas certain que les arguments des thuriféraires de l’écriture épicène et simplifiée soient très convaincants.

        Tout d’abord, le recul du niveau scolaire n’a pas grand chose à voir avec la complexité de la langue. Car ce recul n’est pas général. En Asie, l’exigence en matière d’éducation demeure voire augmente. Et je ne pense pas que des langues avec des gammes de tons et des milliers de caractères à apprendre par coeur soient plus simples que le français…

        La réalité me semble beaucoup plus crue : dans les pays où le recul de niveau est manifeste, il est principalement du à plusieurs décennies d’errance pédagogique, de désengagement des parents dans l’éducation de leurs enfants et de baisse des exigences au nom de la lutte contre les discriminations sociales, d’origine ou de genre.

        Alors ne pourrait-on pas raison garder dans les réformes pédagogiques? Des évolutions sont certes nécessaires : « Cent femmes et un chien se sont promenés sur la plage » peut légitimement choquer. Assouplissons donc certaines règles…

        Mais pour le reste, ne massacrez pas une langue qui a été un formidable véhicule d’assimilation pour pour des générations d’étrangers. Ecoutez Cioran, Ionesco, Beckett ou Gary vous dire leur amour du français. Respectez la souplesse d’une langue par laquelle une femme peut être un génie et un homme une ordure. Et de grâce, ne nous imposez pas de remplacer « hommage » par « femmage » et « fraternité » par « sororité » au nom de l’ultra-féminisme militant.

        Au final, il est fort dommage que les pédagogues soient plus intéressés à un « reset » de l’histoire et de la culture qu’à une réflexion sur la formation et l’éducation dans une société 4.0 et 5G pour laquelle le « temps de cerveau » des jeunes doit être mobilisé par les media et les réseaux (a)sociaux et ce, au détriment de l’apprentissage, de la réflexion et de la transmission…

        A trop vouloir nous imposer vos vues, vous allez réduire le français à une novlangue qui convergera avec le globish dans une sorte d’espéranto .net pour le plus grand bonheur des Big Techs…

  4. Que des exécutifs, chez nous en Suisse, prennent de telles décisions sans en débattre avec les législatifs ni les citoyens, ça me laisse pantois.

    1. Mes yeux saignent… Je dirai à l’élève de corriger la forme afin que je puisse juger le fond! Sinon, c’est sa note sera un “1” pour sa participation à l’épreuve, rien de plus.

  5. Je suis d’accord que la langue française doit évoluer et s’accorder à l’usage qu’en fait une majorité d’entre nous, citoyens francophones.

    Mais dans ce cas, pourquoi vouloir imposer une réforme si elle ne convainc de loin pas la population ? Les récents sondages indiquent qu’une très forte majorité est réticente à ce changement et de compte pas l’adopter. Pourquoi ce passage en force au lieu d’une remise en question ?
    Pourquoi les mêmes qui veulent faire voter maintes fois la population sur le choix d’un modèle d’avion de combat se gardent bien de la consulter quand il s’agit d’un sujet qui l’appartient et qui la concerne directement dans sa vie quotidienne ?

    Je ne crois pas qu’imposer une “évolution” impopulaire puisse réellement servir la langue.

    Créer des nouveaux mots typiquement français plutôt que de reprendre celui en anglais, ça par contre, ce serait à la fois classe et évolutif. Comme le font les congolais et les québécois.

  6. L’écriture d’une langue est un système de signes, pas une “valeur”. L’Histoire est jalonnée de simplifications, d’épurations ou d’emprunts linguistiques qui ont correspondu, au plan politique, à la colonisation, voire à l’instauration de dictatures: latinisation de l’écriture du viêt-namien, réforme par Attatürk, fiction d’usages de l’italien par Mussolini, katharevoussisme du grec sous les Colonels, etc. Le seul fait qu’il faille des kilomètres de commentaires pour ôter ici ou là un circonflexe montre à quel point le débat est mal engagé. Le plus amusant réside dans ce phénomène curieux: la réforme arrive au moment même de l’adoption de l’épicène; or, on observe que le participe passé qui marque le féminin quand l’objet est placé en amont du verbe conjugué avec l’auxiliaire avoir est de plus en plus passé sous silence lors même qu’on veut ajouter du féminin artificiellement. Oui, “l’inconscient est structuré comme un langage”, et votre orthographe délimite vos songes… Le Guide du typographe romand vous renseignera pour le reste!

    1. Bien vu ! On peut ajouter aux phénomènes que vous citez la bienvenue suppression, dans la langue russe après 1917, du ъ, њ, љ et autres signes, qui suivaient tous les mot terminés par une consonne, sans aucune utilité. Dieu sait si la révolution communiste a été une horreur effroyable, mais dans ce domaine précis, ils ont fait très bien. Ce que nos réformateurs romands préconisent, en revanche, c’est de renier l’étymologie des mots français en supprimant par exemple le circonflexe dans certains mots, mais de manière anarchique. Les élèves sortant d’un milieu allophone ou moins cultivé seront les premières victimes de ce nivellement par le bas.

    2. On peut également mentionner l’exemple du chinois simplifié (par Mao), en Chine continentale, par opposition à Hong Kong, Macao et Taïwan. L’écriture de la langue est donc toujours un choix hautement politique !

  7. Oh la la, quelle méchanceté! Pauvre dame qui se vengerait sur les élèves en mettant plein de rouge dans la marge! Dans le passé, j’ai enseigné le français au CO Genève. Jamais je n’ai imposé de dictée ni de devoirs discriminatoires. L’une des premières choses que je programmais, c’était d’inviter les enfants à visiter une ancienne imprimerie. La vue des caractères typographiques et l’intellection de la page à composer les amenait toutes et tous (alors en classes “hétérogènes”) à comprendre à quoi pouvait bien servir l’orthographe. On sait que l’âge moyen de l’acquisition de l’orthographe du français se situe vers 18 ans et résulte de conventions pratiques. Le français, que cela nous plaise ou non, est un produit colonial, apporté par les Romains et dont les descendants de Charlemagne nous ont fourni les premiers vagissements. L’évolution phonétique, affaiblissant peu à peu le système vocalique du latin a généré une “culpabilité” envers la perte de parlers régionaux et une soumission devant une langue “noble”. Cf. Le livre du très rimbaldien Alain Borer, ▪︎De quel amour blessée▪︎ Gallimard, 2014. Allez voir comment Ronsard ou Montaigne orthographiait. Et les manuscrits de Rousseau? Mais la langue de Racine peut tout à fait être abordée à côté d’un message publicitaire contemporain. L’essentiel est d’ouvrir l’écriture à tous, tout le temps, de travailler le texte de notre langue et de donner l’envie d’apprendre. Les apprentis ont désormais des claviers numériques à disposition, peuvent aisément en changer, observer comment ça fonctionne. Les enseignants n’ont qu’à adapter leurs méthodes et à transmettre, plutôt que de bougonner sans cesse! Bonne suite.

  8. Cette réforme est simplement lamentable. Baisser le niveau de la langue, le “simplifier” de la sorte, reste un pas de trop vers une simplification de la pensée, ni plus ni moins. Sans parler même de la discrimination sur le marché de l’emploi que cela va occasionner.

    Bientôt une ère de Novlang? On y va tout droit, et c’est fort triste.

  9. Félicitations, enfin un article réfléchi et sensé sur un sujet généralement si émotionnel : depuis 1990 (déjà !) se déchaine un flot quasi ininterrompu d’ignorance et de haine innommables !

    Concernant votre exemple, on pourrait presque préférer l’orthographe anglaise “onion”. Mais l’Académie française aurait-elle jamais validé une telle audace?

    Personnellement, j’ajouterais volontiers à la liste « aujourdhui » (sur le modèle de « prudhomme »), un des mots les plus courants et pourtant les plus compliqués de notre langue.

    PS : vous oubliez de mentionner « évènement », antérieur d’au moins plusieurs décennies aux rectifications en question, mais néanmoins la seule forme absolument conforme à la prononciation.

  10. Suis-je si seul maintenant que toute la Suisse Romande se soulève contre cette sottise ? Des parlements, Jura et Genève pour l’instant, s’y opposent. Une pétition avec plusieurs milliers de signatures va être adressée à la CIIP, qui outrepasse son rôle.

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