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Loudenne : l’éveil de « la belle endormie » du Médoc

Avez-vous déjà entendu parler de l’hôtel Païva ? Construit sur les Champs-Elysées au milieu du XIXe siècle, cet hôtel particulier a été offert par l’un de ses nombreux maris à la courtisane Thérèse Lachmann (plus connue sous son titre de marquise de Païva). Aujourd’hui, le grand public a oublié cette belle marquise et son incroyable palais où, sous les ors et les marbres, sommeille le souvenir des fêtes d’autrefois. Mais cet hôtel, devenu le siège d’un club privé très sélect, ressuscite parfois son brillant passé en recevant quelques hôtes extérieurs.

 

Un lieu mythique

C’est dans ce palais, donc, que Château Loudenne, autre lieu mythique, a choisi de présenter sa « renaissance » à la presse. Longtemps qualifié de « belle endormie », le fameux domaine viticole du Médoc est situé  sur les rives de la Garonne, à deux pas de Saint-Estèphe. Comme l’hôtel Païva, cette chartreuse XVIIe fut longtemps le rendez-vous chic et branché de l’intelligentsia et des grands propriétaires bordelais. Outre le vin, bien sûr, on y cultivait aux XIXe et XXe siècle une certaine idée de l’art de vivre, du raffinement et de la légèreté.

 

Tombé dans l’oubli à la fin du XXe siècle à la suite de divers rachats plus ou moins heureux, Loudenne, qui appartient désormais à la Maison Camus (cognac) et à un groupe de spiritueux chinois, vient de se donner les moyens de renouer avec sa splendeur passée pour retrouver son juste rang parmi les plus grands vins de Bordeaux. Pour cela les nouveaux propriétaires ont modernisé les chais, rajeuni l’image du château, développé l’œnotourisme haut de gamme et demandé à Philippe de Poyferré – un ancien de Ducru-Beaucaillou -, de prendre la direction du domaine. Ils envisagent aussi à terme une certification bio sur plusieurs parcelles.

 

“Produire un Médoc authentique”

Après nous avoir fait déguster de vieux millésimes de Loudenne dans la salle de bains de marbre puis dans la salle à manger de la Païva, Philippe de Poyferré explique son ambition : « Je ne veux pas produire un rouge consensuel mais un authentique Médoc typique de son appellation, avec une dominante très marquée de cabernet sauvignon. ». Même si le rouge représente actuellement une cinquantaine d’hectares (sur des sols argilo-calcaires et graves garonnaises), le blanc sec (12 hectares) doit aussi, selon Poyferré, devenir emblématique de l’exigence historique de Loudenne. Un objectif qui se traduit notamment par l’arrêt de la vente en grande distribution.

 

Trop tôt encore pour juger de ce virage donné par Philippe de Poyferré, arrivé à Loudenne en 2018 (« une année épouvantable pour la vigne !», maugrée-t-il). Les échantillons de blanc sec que nous avons dégustés (2015, 2016, 2017, 2018), à dominante de sauvignon et sémillon, présentaient des arômes d’agrumes et de miel, avec parfois des notes fumées. 2018, fermé et un peu vert, manquait encore un peu de complexité. Les rouges, élevés partiellement en fûts neufs, étaient quant à eux puissants et d’un beau grenat profond. Ils révélaient d’élégants arômes de fruits noirs, de vanille, une belle complexité et des tannins très présents, voire trop présents (car pas assez fondus) sur les millésimes les plus récents.

 

Affaire à suivre

« Nous nous sommes donné les moyens d’égaler voire de dépasser d’ici dix ans le niveau de qualité de Chasse-spleen ou de Maucaillou », affirme Philippe de Poyferré. Affaire à suivre, donc, et je ne choisis pas le mot « affaire » par hasard, puisque d’ici là, Loudenne, autour de 25 euros la bouteille pour les rouges et d’une quinzaine d’euros pour les blancs, devrait être dans sa catégorie l’un des meilleurs rapports qualité-prix du Médoc.

 

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