La renaissance du vin de Chambord (second épisode)

J’ai eu l’honneur, lors de ma récente visite pour la célébration des 500 ans du château de Chambord, d’être le premier journaliste à déguster le vin blanc fabriqué sur le domaine à partir des vignes replantées en 2015. Dans la cuisine de la ferme de l’Ormetrou, qui appartient au domaine de Chambord, Annie Bigot, la responsable de l’exploitation, Yann Sausseron, le vigneron, et moi-même avons sorti trois verres à pied estampillés du domaine et sorti d’un frigo une bouteille non étiquetée (la pose des étiquettes était prévue pour le samedi suivant). Une belle bouteille dite « à la baronne », ce modèle ayant été identifié dans la cave personnelle du maréchal de Saxe, maitre de Chambord au milieu du XVIIIe siècle.

Dégustation avec Yann Sausseron, le vigneron de Chambord.

Des arômes de fleurs blanches, de pêche et de miel

Une fois dans les verres, le vin révélait une robe jaune pâle et un joli nez de fleurs blanches, pêche et miel, typique de ce fameux cépage romorantin qu’affectionnait François Ier, et désormais emblématique de l’appellation Cour-cheverny. Même si ce premier vin plein de fraicheur et de charme, élevé en cuve inox, est à boire dans les cinq ans (car il est issu de jeunes vignes), cette dégustation est très encourageante. Si encourageante, même, que le domaine entend produire à terme des vins de garde et étoffer sa gamme avec un AOC Cheverny blanc mêlant sauvignon et orbois.

Le prix auquel est vendue cette première cuvée du 500 e anniversaire (30 euros) est à la mesure de l’événement qu’il symbolise, mais aussi de la rareté de l’offre : seulement 3 000 bouteilles et 400 magnums en vente pour cette année 2019. Le rouge, en revanche, à 17,50 euros, est plus abordable. Le bénéfice de cette vente étant affecté à l’entretien du vignoble et du château, cela pourrait inciter les visiteurs à ouvrir plus facilement leur portefeuille.

 

Une vigne quasi éternelle

Autre argument qui justifie ce prix : le vignoble du domaine de Chambord est entièrement conduit en bio, et les vins blancs qu’on y produit sont à leur manière – du moins pour certains – des trésors patrimoniaux. La moitié des pieds de romorantin qui y ont été plantés sont en effet issus de vignes qui auraient résisté au phylloxéra à la fin du XIXe siècle, et qui n’auraient jamais été greffées depuis. Une rareté absolue dénichée par Henry Marionnet, vigneron solognot fameux pour ses vins purs, sans soufre et non modifiés par l’homme. Reproductibles par marcottage, donc sans nécessité de greffe, ces vignes quasi éternelles seront encore là dans mille ans si elles ne connaissent pas d’incident de parcours, affirment les spécialistes. Ainsi, déguster le romorantin de Chambord, c’est non seulement se faire plaisir avec un vin bio très agréable à boire, mais aussi participer à la renaissance d’un patrimoine historique.

 

Doper l’œnotourisme

Même si certainsde vignerons alentour ont pu s’effrayer de cette royale concurrence, ils se consoleront peut-être en se disant aujourd’hui que la renaissance du vin au domaine de Chambord, ainsi que l’exposition « Chambord, l’utopie à l’œuvre » (1), devraient doper l’œnotourisme autour de ce château qui attire un million de visiteurs par an. De quoi faire marcher le commerce et, espérons-le, réconcilier tout le monde.

 

(1) Comment, lancée en 1519 par François Ier, la construction du château de Chambord déboucha sur la plus étonnante prouesse architecturale de la Renaissance française ? Quelle fut l’influence de Leonard de Vinci dans ce projet, et, 500 ans après, qu’inspire Chambord aux architectes du monde entier qui explorent les utopies du futur ? Vous avez jusqu’au 1er septembre pour découvrir, en même temps que le vignoble et les vins du domaine, cette passionnante exposition-anniversaire.

Olivier Le Naire

Olivier Le Naire, journaliste et écrivain, ancien rédacteur en chef adjoint du magazine français L’Express, est passionné par l’univers du vin et des spiritueux. Auteur de nombreux livres, dont "Découvrir lez vins bio et nature" publié chez Actes Sud, il est diplômé du fameux Wine & Spirit Education Trust (WSET). Juré de concours vinicoles, il anime aussi les formations de L’Atelier des Dégustateurs.

7 réponses à “La renaissance du vin de Chambord (second épisode)

  1. C’est passionnant ce que vous nous racontez là, cette aventure d’un plant que l’on croyait disparu et qui revit.

    Une question: existe-il aussi quelque part des plants de cabernet-sauvignon “pré-phylloxérique”, qu’on pourrait également faire revivre? Si oui, il faudrait les replanter.

    Une information (que vous ne connaissez peut-être pas): en Valais tout le monde connaît la petite Arvine, un cépage local délicieux. Mais tout le monde a oublié la grande Arvine, ou grosse Arvine, un autre cépage, très ancien et qu’on croyait disparu. Un passioné, Olivier Pittet, a recueilli quelques rares seps de grosse Arvine qui vivotaient par-ci par-là, dans des fossés, au milieu des ronces. Il les a sélectionnés, bouturés, patiemment replantés et aujourd’hui il en a quelques hectares. Je vous signale cette belle histoire (http://www.grossearvine.ch) qui peut vous intéresser.

    1. Merci beaucoup pour cette information sur la grosse arvine. Pour l’heure, je suis incapable de vous répondre concernant le cabernet sauvignon, mais il se trouve que ce sujet pique ma curiosité et que je compte bien faire une enquête, puis écrire un post de blog sur ce sujet dès que j’aurai un peu de temps. A suivre, donc…

    2. Il y a soixante ans, mon père avait acheté deux hectares de vigne en Bandol AOC, avec un plant, dont je ne me rappelle plus le nom (croit me souvenir qu’il avait un peu trop d’alcool et de ses grains roses).

      Malheureusement, à l’époque et même en payant, il était impossible de trouver quelqu’un pour l’entretenir et il ne reste plus aujourd’hui que des restanques où prolifèrent pins et autres genêts!

      Peut-être un jour, un passionné restaurera tout ça?

      1. P.S. Oui, car je suis sûr que le dit cépage, qui était déjà rare à l’époque, a encore sa génétique enfouie dans le sol 🙂

      2. Il y a aujourd’hui de plus en plus de candidats à l’installation en viticulture, et cela m’étonnerait que ces deux hectares (surtout à Bandol !) restent longtemps en friche.

        1. Bon, si vous avez un client (oui, suis en pétard avec ma famille qui veut racheter pour des clous) prix euros 600’000 + 200’000 de travaux, un r^ve, mais…!

          1. P.S. Bon, c’est une ancienne bastide de 300 ans de fût, à 500m d’un village de 12’000 habitants 🙂

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