La criminalité continue de diminuer en Suisse

Lundi 23 mars 2015, la statistique policière suisse de la criminalité 2014 a été livrée au public: un vent d'optimisme y règne, à mesure que pratiquement tous les indicateurs sont au vert, mais aussi parce que de nouveaux records encourageants y fleurissent.

Première bonne nouvelle, les homicides intentionnels réalisés (le crime le plus grave de notre Code pénal) sont au nombre de 41, soit le niveau le plus bas depuis la création de la statistique policière de la criminalité en 1982, un premier record historique en Suisse (le taux d'homicide est de 0.5 pour 100'000 habitants en Suisse, contre environ 0.8 à 1.0 en Allemagne ou au Pays-Bas, 1.2 en France, en Espagne ou en Italie, 1.9 en Belgique, 2.4 en Finlande). Et, encore mieux, les tentatives d'homicide sont au nombre de 132, soit également et logiquement le niveau le plus bas que la Suisse ait connu depuis qu'elle comptabilise le crime.[1] Ainsi, retenons que le nombre d'homicides réalisés, donc ayant entraîné le décès de la victime, a évolué de la manière suivante: une moyenne de 84 entre les années 1982-1991, de 85 entre 1992-2001, de 68 entre 2002-2008, de 50 entre 2009-2011, 45 en 2012, 58 en 2013 et 41 en 2014.  La diminution du phénomène est donc en fait de l'ordre de -30 à -50%! Autre paramètre réjouissant: les homicides intentionnel (y compris les tentatives) commis avec une arme à feu n'ont jamais été aussi bas qu'en 2014 (18), ce depuis 1982 (moyenne 1982-2013: 60). Seul bémol, le nombre de lésions corporelles graves commises avec une arme à feu (44) est 4 fois supérieur à celui de l'année 2013, laissant penser que, parmi les victimes, certaines d'entre elles auraient pu perdre la vie. Néanmoins, nous devons en conclure que nous nous trouvons à un niveau de meurtre inférieur à celui des années nonante, ce malgré tout ce que l'on peut penser de notre vulnérabilité due à la modernité, à la chute du mur de Berlin, à l'islamisme fondamentaliste d'Al Quaïda ou de Daesh, au traumatisme helvético-helvétique de la définition de l'espace Schengen et de sa libre-circulation, à la nouvelle mobilité ou à la globalisation. Décidément, le discours politique sécuritaire, toujours très populiste, est bien éloigné de la réalité.

Outre les homicides intentionnels et de manière générale, on observe que le volume total de criminalité a diminué lorsque l'on considère 2014 par rapport à 2013 (-9%), et même de manière encore plus marquée par rapport à 2012 (-14%),  tant et si bien que nous nous trouvons en 2014 en-dessous du niveau 2010. Si l'on pénètre dans le détail des infractions, on peut voir que les délits de violence ont diminué pour la 5ième année consécutive (-14% depuis 2010). Nous vivons donc dans une société qui tend à moins de violence contrairement à ce que presque tout le monde pense et croit. A noter que les brigandages ont aussi diminué de manière significative par rapport à 2010 (-17%) et même très significativement par rapport à 2012 (-34%). Autre bonne nouvelle, les brigandages commis avec une arme à feu, au nombre de 271 en 2014, sont bien moins nombreux que la moyenne 1982-2013 qui s'élève à 383 (le nombre était même de 416 en 2010 et 551 en 1991); il s'agit donc d'une diminution de 30% par rapport à la moyenne. La sécurité de la Suisse n'est donc pas généralisable aux seules menaces de braquages réalisés par les banlieusards français armés de Kalachnikov profitant de passer une frontière qui n'existe plus pour attaquer nos richesses bijoutières et horlogères.  

Enfin, les infractions au patrimoine diminuent elles aussi: de -2% par rapport à 2010 et -17% par rapport à 2012. Parmi celles-ci, les cambriolages, qui préoccupent beaucoup la population, sont au nombre de 52'338 en 2014, soit 20% en-dessous de la moyenne 1982-2013, et 37% en moins par rapport à l'année record des 32 dernières années, à savoir 1998 avec 83'416 cambriolages. Nous avons donc, en Suisse, 85 cambriolages en moins, par jour, que durant l'année 1998. La situation ne s'est donc pas dégradée dans notre pays, malgré la peur caricaturale des bandes de délinquants roumains, géorgiens, kosovars ou issus du printemps arabe, de Navarre ou d'ailleurs.

Même les mineurs se comportent toujours mieux en matière de délinquance. S'ils représentaient encore, en 2010, 17% du nombre total des auteurs d'infractions au Code pénal dénoncés par les polices suisses, ils ne sont plus que 11.4% en 2014. On ne peut donc même plus en faire un bouc émissaire sécuritaire, ni un programme électoraliste, comme ce fut le cas entre 2007 et 2009.

En conclusion, retenons enfin que l'indice de performance des polices suisses, le taux d'élucidation, a passé le seuil des 30% pour la première fois depuis la création de la statistique policière de la criminalité. Et si nous vivions quand même dans un merveilleux pays…


[1] D'ailleurs et à ce sujet, toutes les prédictions de Mme Marie-Hélène Miauton, dans son pamphlet sécuritaire "Criminalité en Suisse – la vérité en face" (2013, Ed. Favre), sont totalement déjouées et annulées par les résultats 2014, démontrant que l'exploitation conjoncturelle de la sécurité sur un plan politique est difficile et souvent inopportune.

 

Olivier Guéniat

Chef de la police judiciaire neuchâteloise depuis 1997, Docteur en Sciences forensiques, Olivier Guéniat est né en 1967. Son grand dada: les stupéfiants. Ses sphères de compétences: les statistiques de la criminalité, les violences conjugales, les interrogatoires et les auditions de police, la délinquance des jeunes. Il est aussi chargé de cours à l’Ecole des sciences criminelles de l’UNIL et à l’Institut de psychologie et éducation de l’UNINE.