L’édition 2016 de la biennale d’architecture de Venise vient de se terminer. Elle était particulièrement convaincante. Comme l’écrivent les organisateurs du pavillon français, il fallait sans doute un architecte du Sud, le chilien Alejandro Aravena, curateur de cette édition, pour réveiller l’engagement social des architectes. Il serait très optimiste de penser que ce réveil perdure et se généralise, mais certaines grandes expositions sont mémorables et inspiratrices, notamment pour les jeunes architectes. Espérons que celle-ci en fasse partie et qu’on ne revienne pas trop rapidement au formalisme vain et à la parade des egos.
Des rapports du front
Aravena a nommé son exposition ‘Reporting from the front’. Les rapports d’architectes et d’urbanistes qu’il est allé chercher ou qui lui ont été spontanément envoyés concernent 17 enjeux posés par Aravena comme centraux aujourd’hui. Cela va de la qualité de la vie à la banalité en passant par les inégalités, les déchets et la pollution. Rien d’extraordinaire dans cette liste de nos maux ordinaires, mais rassembler les solutions et les interrogations de l’architecture contemporaine autour de ces thèmes permet de s’occuper de l’essentiel. Peu de stars en parade donc, mais des personnes et des équipes qui tentent par l’architecture de rendre le monde habitable. On a ainsi vu dans cette biennale des projets qui utilisent le bambou, la brique et la terre avec des techniques contemporaines pour produire des constructions innovantes, chaleureuses et durables, ou d’autres qui trouvent des solutions pour loger décemment, rapidement et économiquement des réfugiés venant de zones de conflits.
L’architecture comme analyseur
La biennale a aussi donné une place de choix à des projets où l’architecture constitue une forme d’analyse du contemporain. Le groupe de Forensic architecture basé à Londres utilise ainsi les outils de l’architecture: l’image, le relevé, la carte pour enquêter sur les victimes civiles de drones militaires ou les migrants morts en Méditerranée ces dernières années. Le Suisse Manuel Herz propose de son côté une analyse très fine de la transformation d’un camp de réfugiés sahraouis en Algérie en ville et en véritable capitale en exil du Sahara occidental.
Contre le déclinisme
Cette façon concrète, modeste de se confronter aux enjeux qui comptent dans l’exposition centrale de la biennale a eu des effets sur la plupart des pavillons nationaux. Pas de stars, pas de grandes villes par exemple dans le pavillon français, mais des projets souvent de taille modeste et de qualité dans des villes secondaires et des territoires ruraux. Au sortir de cette biennale, le visiteur se retrouvait ainsi porté par autre chose que le récit du déclin, de l’amertume et du ressentiment qui a fait tant de dégâts ces derniers mois dans les scrutins politiques. Elle a mis en scène la capacité de l’architecture et de l’urbanisme à porter de l’espoir, de la beauté et du sens. C’est peu dire que nous en avons sérieusement besoin.