Des insecticides en avion

Cette anecdote est arrivée à une amie. Et peut-être l’avez vous vécue vous-même.

Vous vous asseyez dans l’avion, attendant le décollage. Vous observez alors que le personnel de bord passe à côté de vous avec des petites bonbonnes et spray quelque chose dans l’allée, en dessus des têtes.

Lorsque vous vous renseignez, le steward ou l’hôtesse vous dit que ce n’est rien.

En fait, après enquête, il s’agit d’insecticides.

Les pays asiatiques et l’Australie, notamment, demandent aux compagnies aériennes de vaporiser des insecticides dans les avions qui s’y rendent. Ceci pour éviter le “débarquement” d’hôtes indésirables dans ces régions.

C’est maintenant connu, les moustiques, par exemple, voyagent volontiers en avion. Parfois porteurs de maladies, ils peuvent infecter des personnes très loin de la région endémique. Il existe ainsi un “Paludisme d’aéroport”. En France, en 40 ans, 30 cas ont été déclarés (chiffres 2009).

Donc les avions sont désinfectés, de même que les passagers.

Mais que contiennent ces sprays?

Il s’agit principalement de phénothrine et de perméthrine, tous deux de la famille des pyréthrinoïde. Ces insecticides agissent sur le système nerveux des insectes. Remplaçant les organophosphates, très toxiques pour les humains, ils sont plus sélectifs…

…mais restent très efficaces. Suivant la publicité, la mortalité [des moustiques] est totale en 3 minutes!

Notons que ces insecticides sont aussi utilisés contre les poux ou dans les produits antiparasitaires pour les animaux.

Pas de risques donc pour notre santé en prenant l’avion?

C’est difficile à dire. Certainement qu’une exposition occasionnelle n’est pas trop grave.

Mais la question peut se poser pour les personnes qui prennent régulièrement l’avion et surtout pour le personnel naviguant.

Ainsi SAgE pesticides, du gouvernement canadien, considère que les effets aigus pour la perméthrine sont modérés, mais que les effets à long-terme, résultant d’une exposition chronique, sont extrêmement élevés. En laboratoire, sur des souris et des rats, des signes cliniques comme “surexitabilité, tremblements, effets sur le poids corporel et celui du foie” ont été observés.

Sachant que ces insecticides sont neurotoxiques, des effets à long terme sur le système nerveux, en cas d’exposition prolongée, pourraient donc être observés chez l’homme.

Il n’y a moins de données sur la phénothrine car elle n’est pas enregistrée comme pesticide, mais les mêmes constatations s’appliquent certainement.

Rappelons que la maladie de Parkinson, une maladie neurodégénérative, a été reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs en France en 2013. En 2018, une autre étude montrait que les riverains de zones agricoles étaient également plus sujets à cette maladie.

Le personnel naviguant respirant régulièrement ces substances pourrait-il aussi être touché?

C’est ce que pense Brett Vollus, steward pendant 27 ans, atteint à 52 ans de la maladie de Parkinson. Il a attaqué la compagnie aérienne australienne Quantas en 2013, mettant en avant le risque que présentent les insecticides pulvérisés dans les avions pour le développement de cette maladie.

Je n’ai pas réussi à trouver où en était l’affaire, ni si une jugement avait été rendu.

A l’heure où les différentes maladies se propagent de par le monde en bateau ou en avion, il est certainement important de limiter les vecteurs comme les moustiques.

Cependant, au vu des risques que présentent les pesticides, et surtout les insecticides, des études à long-terme sur la santé des personnes exposées régulièrement dans les avions me paraîtraient indispensables.

A ma connaissance, il n’y en a pas.

 

Références:

Queyriaux et al. 2009. Paludisme d’aéroport. Airport malaria. La Presse Médicale 38: 1106-1109.

 

Nathalie Chèvre

Nathalie Chèvre est maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne. Ecotoxicologue, elle travaille depuis plus de 15 ans sur le risque que présentent les substances chimiques (pesticides, médicaments,...) pour l'environnement.

Une réponse à “Des insecticides en avion

  1. Une autre anecdote à propos des sprays “aériens autant que volatils” (sans parler de l’air conditionné de l’avion qui exhale souvent le kérosène).

    Il y a déjà fort longtemps, j’ai ramené en fraude un chiot du Sénégal, pour ne pas le laisser mourir autant de coups de pied que de faim.
    Dans l’avion, les hôtesses passaient le fameux spray, dont vous dites qu’il tue aussi les poux.

    Le chiot de un mois et demie,caché à mes pieds dans un sac n’a pas émis un seul gémissement, même pas aux divers passages de douane…
    En tous cas, arrivé à Paris, le pauvre chiot en était infesté!

    Heureusement l’histoire s’est bien terminée, le chiot s’est révélé être un chien exceptionnel, même si je sais, et en fonction des épizooties, ce n’est pas non seulement recommandé mais interdit.
    Enfin, si on faisait tout ce que la loi préconise, on se demande comment l’on n’est pas déjà mort avec ce qu’elle ne préconise pas 🙂

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