Dès l’après-guerre, les pesticides ont commencé à être utilisés à large échelle et ils ont largement contribué à ce que l’on appelle la “révolution verte“. Or ces substances ont été développées pour être toxiques, et après la mise en évidence des effets désastreux du DDT par Rachel Carson dans les années 60, les scientifiques et le public ont commencé à se méfier de l’utilisation des pesticides.
Dès la fin des années 1980, on a ainsi vu apparaître des législations pour réglementer la mise sur le marché des pesticides. En parallèle, les scientifiques ont commencé à chercher ces polluants dans l’environnement et les gouvernements ont mis en place des législations définissant des valeurs limites, notamment dans les eaux.
Ce travail n’était pas simple. Les techniques analytiques pour rechercher les substances chimiques dans l’environnement en étaient à leurs balbutiements et il n’était possible de ne chercher qu’une ou deux substances à la fois, et encore à des concentrations assez élevées.
Dès les années 2000, les outils analytiques se sont perfectionnés rapidement, et il a ainsi été possible à la fois de diminuer les limites de détection, mais aussi de chercher des dizaines de substances à la fois. C’est à cette époque que les scientifiques ont commencé à s’intéresser au médicaments dans l’environnement. On s’est ainsi aperçu que l’on trouvait de nombreux résidus dans les eaux, médicaments issus de la consommation humaine.
Mais pesticides et médicaments ne sont pas les seuls polluants issus de nos activités quotidiennes. Et depuis très récemment, nous avons commencé à nous pencher sur le cas des substances cosmétiques.
Or le défi est de taille: si il existe 400 pesticides et 2000 médicaments sur le marché, il y a plus de 6000 substances cosmétiques utilisées au quotidien. Il est à l’heure actuelle impossible de toutes les chercher, et encore moins d’évaluer leurs effets.
Donc si l’on veut s’intéresser aux cosmétiques, il faut d’abord faire un tri qui permettra de mettre en évidence les substances potentiellement les plus problématiques, ceci afin de les chercher dans l’environnement et notamment dans l’eau.
C’est un travail que nous effectuons en collaboration avec le Service de l’eau de la Ville Lausanne. Dans un premier temps, nous avons décidé de nous focaliser sur les shampoings pour cheveux normaux et les gels douches.
Première étape et non la moindre, il a fallu commencer par répertorier toutes les substances contenues dans ces cosmétiques. Heureusement, la loi suisse oblige les fabricants à mentionner toutes les substances contenues dans le produit. Toutes? Non pas tout-à-fait car les parfums sont mentionnés comme tels et la ou les substance(s) chimique(s) le composant ne sont pas nommée(s).
De manière intéressante, nous avons remarqué que le marché des cosmétiques est assez mouvant. En effet, les compositions changent très rapidement et il arrive que les ingrédients trouvés à une date donnée ne soient plus les mêmes quelques semaines après.
Qu’avons-nous donc appris?
L’essentiel des produits sont constitués à plus de 70% d’eau. L’eau est donc toujours en première position dans la liste des ingrédients. En effet, les composés sont donnés par ordre décroissant en terme de quantité, sauf pour les composés en dessous de 1% qui sont mélangés.
Gel douches et shampoings sont ensuite constitués de tensioactifs et de co-tensioactifs représentant jusqu’à 20% du produit. Environ 5% sont des adjuvants, soit des substances ajoutées à un produit pour améliorer ses propriétés, ainsi que des gélifiants.
Finalement, les ingrédients qui servent de support à la publicité pour le produit (odeur, par exemple abricot, et principes actifs, par exemple aloe vera), de même que les colorants et les conservateurs ne constituent que 0,5 à 3% du contenu.
Pas de grandes différences donc entre les différents gels douches, ou shampoings pour cheveux normaux. La base est la même et seuls quelques pourcents font la différence. Notons que c’est sur cette base (publicitaire) de que nous choisissons nos produits !
Après l’analyse de 252 gels douches et 52 shampoings, nous avons établi une liste de quelques 250 substances chimiques à étudier.
Ces substances ont été passées au crible des données connues de toxicité et d’écotoxicité et une liste prioritaire de 31 composés a été établie. Elle contient quelques tensio-actifs, mais surtout des adjuvants, des parfums et des conservateurs. Certains sont déjà connus comme le méthyl-paraben ou le phénoxyethanol.
Le Service de l’eau de la Ville de Lausanne est en train de développer des méthodes d’analyse pour chercher ces substances et d’ici quelques temps, nous devrions pouvoir savoir si on les trouve dans les eaux. Il faudra alors évaluer si elles présentent un risque important pour les écosystèmes aquatiques.
Référence:
Copin et al. 2018. Etude des gels douches et des shampoings. Que cache la liste des ingrédients des produits cosmétiques? Aqua & Gas no 6.
Sujet important, beau travail. Attendons les résultats de la suite de cette recherche. Rappelons nous que la quantité d’eau disponible sur notre planète est définie et sa répartition bien connue ( Ex: notre corps est constitué d’eau à environ 70%; l’eau douce disponible inférieure à la quantité d’eau salée, etc.). L’arrivée de ces substances diverses et variées, diluées dans l’environnement pose un problème de santé publique, au-delà des préoccupations techniques justifiées d’un usine de retraitement des eaux usées. Merci.
Explications très intéressantes sur ces produits que l’on chérit au quotidien dont les “spécialistes cosmétiques” (vendeuses, esthéticiennes, coiffeuses, journalistes des rubriques Beauté dans les magazines, etc..) nous expliquent par A plus B que tel produit est le meilleur parce que vos cheveux, votre peau seront agréables au toucher …, soyeux/soyeuses … que vous serez enfin la plus belle pour aller danser … les soirs d’été … :-)))
Belle journée à vous