Dissidents, déserteurs, profiteurs

 

L’Armée blanche et les civils quittent la Russie, mars 1920 (DR)

Que va faire la Suisse avec les Russes qui fuient leur pays pour échapper à la guerre déclenchée par ce dernier et qui risquent de demander asile sur le territoire helvétique ? J’ai posé cette question à Mme Karin Keller-Sutter, notre ministre de la Justice, lors du Forum des 100 organisé par Le Temps le 11 octobre. Mme la Ministre m’a donné une réponse formelle en confirmant que, selon la législation suisse, le fait d’être déserteur ne donne pas automatiquement le droit à l’asile, et que les 160 personnes en question à ce jour (selon le SEM) devraient suivre la procédure normale. Elle a aussi cité l’Érythrée à titre d’exemple comparable. Avec tout le respect que je porte à la législation suisse et à l’Érythrée, je me suis dit que le sujet méritait d’être élaboré davantage. Mais il n’y avait pas assez de temps.

J’ai été donc très heureuse quand, quelques jours plus tard, j’ai été contacté par la RTS avec une proposition de participer au débat sur ce sujet précisément, en compagnie de M. Nicolas Walder, conseiller national Vertes genevois et M. Philippe Bauer, conseiller aux États PLR neuchâtelois. Évidemment, j’ai accepté. Mais les 25 minutes prévues par l’antenne n’ont pas suffi non plus. Alors, j’y retourne.

The New York Times affirme que 800’000 Russes ont quitté le pays depuis le début de la guerre. D’autres sources donnent des chiffres similaires. On peut donc dire que l’exode actuel des Russes est comparable avec celui d’il y a presque pile cent ans.

A l’époque, l’exode des Russes blancs, ou la première vague d’émigration russe, a eu lieu suite à la défaite de l’Armée blanche dans la guerre civile qui a éclaté suite à la révolution d’Octobre, en 1917 – il suffit de lire « La Garde blanche » de Mikhaïl Boulgakov pour se rendre compte du cauchemar que cela a été.

Selon les chiffres de la Croix Rouge américaine, en date du 1 novembre 1920, 1’194’000 Russes ont fui leur pays. Selon la Société des Nations, en août 1921 ils étaient 1,4 mio. Le 1er novembre 1921, la Croix Rouge américaine comptait déjà 2 millions des Russes en exil. Certains historiens estiment le nombre des Russes qui ont quitté le pays entre 1918 et 1924 à 5 mio, en comptant les habitants des territoires polonais et baltes faisant partie de l’Empire russe avant la Première guerre mondiale et qui sont devenus citoyens des nouveaux états formés à son issue.

Certains parmi cette masse énorme sont restés dans les pays qui les ont accueillis dès le départ, d’autres ont dû se déplacer une nouvelle fois : quand, après la WW2 l’Armée soviétique est rentrée à Prague, les Russes blancs se sont précipités de partir, y compris vers la Suisse. La même chose à Vienne. Je connais à Genève plusieurs descendants de ces familles. Par exemple maître Tikhon Troyanov, le premier avocat russophone à Genève. Saviez-vous qu’à l’âge de 12 ans il a quitté Vienne et a traversé les Alpes à pied, avec toute sa famille y compris sa grand-mère paralysée ? Le voyage leur a pris cinq jours. La sœur de Vladimir Nabokov, Elena, a pu s’échapper de Prague avec son fils, et son mari, un officier de l’Armée blanche, les a rejoints par la suite. Elle maitrisait six langues et a eu la chance de trouver un travail à la Bibliothèque du Palais des Nations.

Cette première vaque de l’émigration russe a été donc composée, avant tout, des nobles, de l’intelligentsia, du clergé, des fonctionnaires, des militaires gradés. Ces personnes parlaient des langues étrangères, ils connaissaient l’Europe à travers leurs voyages, ils étaient européens dans leur esprit et pouvaient s’intégrer sans difficulté – il suffisait de leur tendre la main.

5 millions (au maximum) en six ans versus 800’000 en quelques mois/semaines… Mais peut-on comparer ces deux vagues ?

La similitude majeure est évidente : personne ne quitte son pays quand il y est bien, quand il s’y sent en sécurité, quand il y voit l’avenir pour soi-même et ses enfants.

La différence majeure mérite d’être soulignée : les Russes blancs soutenaient le Tsar ou le gouvernement provisoire – le régime qui a donc été renversé par les bolcheviques arrivés au pouvoir. Les nouveaux émigrés quant à eux sont, en grande majorité, contre le régime en place et aimeraient qu’il change.

On me demande souvent de décrire cette nouvelle émigration Russe « en deux mots ». Une mission impossible, car elle n’est pas homogène. A mon avis, on peut distinguer trois catégories. La première – les « vrais » dissidents, c’est-à-dire ceux qui ont pris une position publique contre la guerre dès son éclatement malgré d’énormes risques et qui ont aussitôt quitté la Russie. C’étaient, avant tout, les artistes, les écrivains, les journalistes. La deuxième – les déserteurs, c’est-à-dire ceux qui se sont « réveillé » après l’annonce de la mobilisation partielle par le président Poutine. On peut les traiter de trouillards et dire qu’ils sauvent leurs peaux, mais on peut également dire qu’ils refusent tout de même d’aller tuer les Ukrainiens et que mieux vaut tard que jamais. Surtout, qu’il n’est pas encore trop tard, car la guerre continue. Finalement, il y a ceux qui j’appelle les « profiteurs » – ceux qui profitent à fond de tout ce que la Russie peut encore les offrir, tout en ayant des passeports « de secours » dans la poche et des résidences secondaires en Europe et qui se tiennent prêt à retourner leurs vestes quand le moment leur paraîtra opportun. J’espère que personne de cette troisième catégorie ne s’infiltrera parmi ceux qui cherchent aujourd’hui un refuge, pour ne pas discréditer les autres. Mais toutes les trois catégories ont un point commun : encore une fois, ce sont des personnes éduquées qui partent.

… 160 personnes. Je pense que, malgré la surcharge de travail actuelle dont je me rends parfaitement compte, le Secrétariat d’État aux migrations doit être capable d’étudier leurs cas un par un et de prendre des décisions justes. Il ne faut pas avoir peur des immigrés : écoutez la chanson de Charles Aznavour « Les émigrants », tout est dit. Parmi ceux que la Suisse a généreusement accepté au XXème siècle, il a y ceux dont l’association même avec la Suisse continue, aujourd’hui encore, à contribuer à son rayonnement dans le monde entier :  Vladimir Nabokov, Igor Stravinsky, Sergueï Rachmaninov, mais aussi Anna Tumarkina, la première femme professeur en Suisse (une rue à Berne porte son nom), Lina Stern, la première femme professeur de l’Université de Genève, Dr Ekaterina Kuzmina, médaille d’or de la Faculté de Médecine de Lausanne, précurseur de la nutrition saine, tellement à la mode aujourd’hui…. Cette liste peut être prolongée. Et je suis sûre que certains parmi ceux qui, aujourd’hui, frappent à la porte de la Suisse y ajouteront leurs noms.

L’indifférence est le fléau de l’humanité. C’est l’indifférence qui, à travers les siècles, contribue à produire les pires atrocités – de l’Holocauste au génocide du Rwanda parmi les plus proches de nous. Apprenons enfin de l’histoire, car, comme disent les Anglais – there is no fence against ill fortune.

 

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’université Lomonossov. Après avoir passé 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

29 réponses à “Dissidents, déserteurs, profiteurs

  1. La place d’un déserteur est en prison.

    S’ils veulent manifester leur opposition au dictateur russe, l’Ukraine recrute des soldats.

    La lâcheté n’est et ne sera jamais un motif d’asile.

    Voilà une opinion que vous n’entendrez pas dans forum…

    1. @ Jean Paul: Si vous ne voyez pas la différence entre un déserteur qui refuse effectivement par lâcheté de défendre SON pays attaqué et un dissident qui ne veut pas, pour soutenir un régime dictatorial et brutal, aller tuer des innocents dans un pays étranger que ce même régime a sauvagement agressé, c’est que votre cas est vraiment désespéré! J’espère bien que tous les dissidents russes qui s’élèvent contre les atrocités de la guerre décidée par Poutine (et dans laquelle il est en train d’enliser son pays) seront accueillis avec générosité chez nous s’ils nous choisissent comme pays d’asile.

    2. Bonjour Jean-Paul,

      “S’ils veulent manifester leur opposition au dictateur russe, l’Ukraine recrute des soldats.”
      Dites-vous !

      Croyez vous que les ukrainiens accepteraient sans s’inquiéter d’une infiltration par des agents russes ?
      La réalité du terrain et d’un guerre est chose complexe. Qui ne se réduit pas à des opinions de principe assénées ainsi.

      Bonne journée Monsieur !

      —————————
      Bonjour Madame,

      “personne ne quitte son pays quand il y est bien, quand il s’y sent en sécurité, quand il y voit l’avenir pour soi-même et ses enfants.”
      Ce propos est tellement juste et raisonnable.
      Merci de votre constance à nous informer et à nous faire partager.

      Au plaisir de vous lire Madame,

    3. Jean-Paul….
      Je pense que vous n’avez jamais été en prison et moi je ne souhaite jamais y aller.
      On peut manifester son opposition dans un pays démocratique. Pas dans une dictature. Vous savez très bien ce qui se passe en Russie si l’on manifeste contre cette “opération spéciale”.
      La prison si on déserte. La prison si l’on manifeste.
      Ces “déserteurs” n’ont pas demandé à entrer en guerre en Ukraine. Ils ne sont pas attaqués et engagés pour se défendre d’un agresseur. Cette guerre ne les concerne pas et on leur demande d’aller servir de chair à canon pour assouvir le désir expansionniste de leur “président”.
      Comment pouvez-vous dire qu’un russe doit s’engager en Ukraine contre son propre pays? Contre ces propres concitoyens qui n’ont pas eu l’opportunité de refuser de servir dans cette guerre (car enrôlé avant la guerre sous la forme d’un exercice et se sont retrouvé au front).
      Est-ce lâche de ne pas vouloir mourir et tuer pour une cause que l’on ne soutient pas?
      Que ce passerait-il cher Jean-Paul si 800’000 soldats étaient mobilisés contre l’Ukraine?
      On devrait presque les remercier de refuser de combattre en Ukraine.

      1. Non.

        Lors d’une guerre, les hommes et les femmes se battent; iels ne viennent pas se dorer la pillule en Europe.

        Il n’y a qu’une alternative:
        – combattre du côté du dictateur;
        – combattre pour les libertés.

        La lâcheté doit être sanctionnée, pas applaudie !

        800’000 Russes combattant pour l’Ukraine feraient la différence. Le camp de la liberté gagnera avechonneur.

        800’000 lâches fuyant leur pays sont l’assurance du maintien du dictateur en place.

        1. Bonjour Jean-Paul,
          Je vous laisse profiter de votre liberté de parole
          Je sais au moins que si le conflit se propage on pourra compter sur vous pour défendre notre démocratie.
          Bonne fin de semaine

        2. A quand votre engagement dans les forces ukrainiennes ? Chacun peut se sentir concerné par un combat pour les libertés

        3. Bonjour Jean-Paul,

          Avez-vous vécu un jour une guerre, ou simplement approché un territoire en guerre ?

          Vous remerciant par avance de me répondre avec sincérité,

          1. J’ai été à Odessa en mars et mai, chercher des proches d’amis de la famille.

            En cas de conflit, je vous recommande de demander de l’aide à ceux qui se battent plutôt que ceux qui fuient par lâchetê.

            Vu le nombre de soutien à ceux qui fuient, je donne pas cher de l’Occident ces prochains hivers…

  2. It is a WONDERFUL article ! Thank you Nadia for offering to your readers such fair and clear analysis.

  3. Madame,
    Vous dites très justement ‘L’indifférence est le fléau de l’humanité. C’est l’indifférence qui, à travers les siècles, contribue à produire les pires atrocités – de l’Holocauste au génocide du Rwanda parmi les plus proches de nous.’ Mais comme toute la bien-pensance occidentale vous ne dites mot des atrocité commises depuis 2014 par le régime ukrainien contre ses propres populations russophone du Donbass !

    1. “Guerre en Ukraine : plus de 5.600 civils tués en six mois – ONU

      Du 24 février 2022 au 23 août 2022, l’ONU a enregistré 13.560 victimes civiles dans le pays. Au moins 5.614 civils ont été tués, dont 362 enfants, et 7.946 ont été blessés, dont 610 enfants. Mais selon l’ONU, le bilan réel est vraisemblablement beaucoup plus lourd.

      Plus de 90% de ces victimes ont été causées par l’utilisation d’armes explosives à déflagration employées dans des zones densément peuplées.”

      Sources: Nations Unies | Onu Info, 24 août 2022 (https://news.un.org/fr/story/2022/08/1125872)

      Et vous, quelles sont vos sources sur les prétendues atrocités ukrainiennes au Donbass?

        1. Intéressant retournement: en citant AFP|Factuel, sauf à vous contredire vous-même, n’admettez-vous pas que les 13’000 civils tués au Donbass selon la journaliste Anne-Laure Bonnel sont du pur mensonge démenti par l’ONU? AFP|Factuel cite en effet un rapport de mars 2020 dans lequel le Haut commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) consacré à la situation en Ukraine établit que sur ces 13’000 morts quelques 10’000 appartenaient aux forces armées des deux camps, pour 3’350 civils (même proportion, ou presque, parmi les blessés):

          “Le HCDH estime le nombre total de victimes liées au conflit en Ukraine (du 14 avril 2014 au 15 février 2020) à 41.000-44.000 : 13 000-13 200 tués (au moins 3.350 civils, environ 4.100 forces armées ukrainiennes et environ 5.650 membres de groupes armés) ; et 29 000-31 000 blessés (environ 7.000 à 9.000 civils, 9.500 à 10.500 forces ukrainiennes et 12.500 à 13.500 membres de groupes armés)”, détaille le rapport.”

          Toujours selon AFP|Factuel, ces chiffres sont confirmés par un rapport de la Cour Pénale Internationale (CPI).

          Ne peut-on dès lors s’étonner que l’ancien expert des Nations Unies que vous affirmez être fasse un tel amalgame entre les chiffres officiels fournis par son ancien employeur avec les élucubrations des chaînes d’extrême-droite CNews et Sud-Radio, ainsi qu’avec le documentaire contesté, retiré de sa diffusion publique, d’une pseudo-journaliste licenciée de son poste à l’Université de Paris 1?

          Mais sans doute suis-je victime de la bien-pensance occidentale…

          1. Monsieur ou Madame l’anonyme R.D.,
            Celle que vous qualifiez de pseudo-journaliste a fait son constat en 2014. Les chiffres du HCDH que vous citez couvrent la période 2014-2022. Cherchez l’erreur !

    2. Vous omettez également de préciser que les Tchétchènes étaient déjà en Ukraine en 2014 n’est-il pas, donc que Poutine y était déjà influent, étrange…

  4. Merci pour ce bel article. Comme rejeton de cette génération systématiquement effacée de l’Histoire qui fut celle de l’émigration russe des années 1920, aux points communs et aux différences entre elle et celle des dissidents d’aujourd’hui, comme vous je vois aussi, pour les points communs, le niveau d’éducation – comme plusieurs dissidents actuels, la première émigration, à l’origine du mot “apatride” tel que l’a défini Fridtjof Nansen, Haut Commissaire de la Société des Nations pour les Réfugiés – faisait partie de l’élite russe -, mais encore la tendance à jouer profil bas dans leur pays d’accueil. En effet, les émigrés ne sont-ils pas trop souvent – pas toujours sans raison, il est vrai – considérés comme des “cinquième colonne” potentiels?

    Ce statut de parias, de sans-grades et d’étrangers sur la Terre – “L’exil est ma patrie”, dit Vladimir Volkoff – n’enlève rien à l’apport des émigrés à leurs pays d’accueil, comme vous le rappelez au sujet de la Suisse. Combien de Lausannois qui fréquentent la Place de la Riponne savent-ils qui était Gabriel de Rumine, auquel ils doivent le Palais qui porte son nom? Comment ne pas citer aussi la France avec ses écrivains, scientifiques et artistes français d’origine russes? Parmi celles et ceux qui m’ont marqué dans mon enfance, mon adolescence et plus tard, comme journaliste (je les cite sans ordre) Henri Troyat, Joseph Kessel, Nathalie Sarraute, Sacha Guitry, Marc Chagall, Serge Gainsbourg, Robert Hossein, Romain Gary, Marina Vlady, Léon Zitrone, Jean Ferrat, Pierre Tchernia, Ariane Mnouchkine, Haroun Tazieff, Masha Meril, Roger Vadim, Yves Mourousi, Jacques Tati, Joe Dassin, Laurent Terzieff et bien d’autres…

  5. Vos source d’information sont le ”New York times” et la ”Croix Rouge Américaine”.
    C’est comme croire” Mickey Mouse”. Renvoyé tout ce petit monde a Disneyland est une bien meilleure idée.

    1. Bonjour Madame Sigal,

      Pouvez-vous nous en dire plus ?
      Expliquer, argumenter,nous éclairer, expliciter, au choix…. Bref, nous en dire plus que ce court message où l’on vous imagine très convaincue et informée.

      Vous remerciant par avance,

  6. À Jean-Paul,

    Merci pour cette réponse qui éclaire la rudesse de votre propos.

    Ancien haut-gradé d’une armée qui n’est pas neutre, ma première vie , j’ai vécu des guerres ou engagements au feu. Ceux qui affrontent légitimement un ennemi ont donc évidemment ma préférence. “Le courage ne se contrefait pas” disait Bonaparte.

    Mais j’ai aussi assisté à des fuites et exodes de femmes et d’hommes fuyant la folie d’un régime et de ses sbires. Il est parfois difficile de poser catégoriquement le mot de lâcheté sur certains comportements, voilà ce que le temps et l’expérience m’ont appris.

    Et j’avoue être plus inquiet des soutiens ( discrets ou non ) dont bénéficie Poutine en Occident et ailleurs.

    Merci à vous ,Madame Sikosky ,si vous publiez cette réponse. Je comprendrais que vous ne le souhaitiez pas ,pour ne pas encombrer votre billet.

    1. Poutine est un criminel de guerre. Et sa place est dans une prison.

      Pour renverser un criminel de guerre et libérer son peuple, il n’y a qu’un moyen: prendre les armes. Pas fuir.

      Si les Ukrainiens appelés à combattre (*) avaient fui, Poutine et ses sbires seraient où aujourd’hui ? Moldavie?, Finlande? …

      (*) Un déserteur est une personne remplissant les conditions d’une conscription. Mes paroles ne portent pas sur celles et ceux qui ne remplissent pas ces critères. Merci de ne pas les étendre aux “civils” (enfants, handicapés, personnes âgées, etc…).

      1. “La réalité du terrain et d’une guerre est chose complexe” vous dit Sylvain, en réponse à votre commentaire. Comme ancien délégué du CICR et d’une ONG suisse de secours à l’enfance, pour avoir vécu la guerre sur le terrain sans aucune expérience militaire – la mienne est insignifiante comparée à celle de Sylvain -, je ne peux que vous confirmer son propos. Mes visites de prison où des combattants transformés –ils le disent eux-mêmes – en machines à tuer et rescapés de l’enfer du champ de bataille étaient détenus et prêts à en découdre pour s’évader, m’ont au moins appris, si je n’en avais pas déjà conscience, que sous l’uniforme il y a l’homme.

        C’était au temps où le droit humanitaire bénéficiait encore d’un certain respect de la part des pays signataires des Conventions. Mais avec la multiplication des guerres dites “hyprides”, ce respect a fondu comme neige au soleil. A lire la presse, la tâche des délégué(e)s sur le terrain doit être au moins dix fois plus compliquée aujourd’hui qu’elle ne l’était de mon temps (années soixante à septante).

        Pourtant, le “troisième combattant” comme on appelle le délégué du CICR depuis que le docteur Marcel Junod, délégué de l’institution genevoise et premier occidental à s’être rendu sur les sites d’Hiroshima et de Nagasaki quelques jours après les explosions qui les ont rayées de la carte, a écrit un livre autobiographique sous ce titre, ce troisième combattant porteur de son seul badge de la Croix-Rouge, de sa connaissance des Conventions et de sa bonne volonté pour toute arme, n’est pas moins exposé, voire même plus qu’un combattant, aux dires des militaires eux-mêmes.

        La guerre a ceci de révélateur sur le caractère humain que les lâches s’y comportent parfois en héros et les braves se dégonflent à la moindre alerte. En ceci, on ne peut encore une fois que donner tout à fait raison à Sylvain quand il dit, avec la longue expérience qui est la sienne, que la guerre, la pire des passions humaines, est une chose trop complexe pour être réduite à quelques affirmations simples, sinon simplistes.

        Cordialement,

        R. D.

          1. Bonjour Jean-Paul,

            Bien que n’étant pas le destinataire de votre message, je prends la liberté d’insérer un post.

            Les déserteurs du dernier instant visibles en Russie, qui n’ont pas critiqué la guerre de Poutine ( pour autant est-il facile de s’opposer dans une dictature ?) mais se décident brutalement à fuir car tout aussi brutalement ils se sentent concernés ( par la peur ),ne sont pas des opposants mais des opportunistes.
            Il fallait, pour être crédibles, qu’ils se réveillent plus tôt, comme l’ont courageusement fait certaines femmes et certains hommes russes.( Voir aussi les manifestations féminine en Iran).

            L’article de Blick ne montre pas une Suisse qui puisse être fière d’elle ou faire la morale.

            Vous remerciant d’avoir partagé cet article,

          2. Cher Jean-Paul,

            Comme je n’ai aucune compétence en matière de désertion (dans mes fonctions de délégué, je n’ai jamais eu à traiter de tels cas), je ne peux me référer, comme vous, qu’aux lois en vigueur à cet égard, en particulier à la LAsi. Quant au cas cité par le “Blick”, sans autre référence que son article il ne m’appartient pas de juger, ni de critiquer la décision prise par les autorités fédérales. Je ne peux que faire des constats:

            Toujours selon le “Blick”, “Le père de famille est un activiste, critique envers le gouvernement de Vladimir Poutine.” Ceci n’a, semble-t-il, pas suffi au Tribunal administratif fédéral (TAF) pour considérer le père de la jeune Milena, non comme un opportuniste (pour reprendre la formulation de Sylvain) mais comme un véritable opposant au régime en place en Russie. Par ailleurs, les menaces, intimidations et agressions physiques subies par la mère de la jeune femme n’ont pas suffi, elles non plus, à plaider en leur faveur, ses deux filles et elle, aux yeux des autorités. On ne peut que le déplorer.

            Soyez pourtant assuré que mes remarques ne sont en aucun cas une critique, et encore moins un rejet de votre point de vue tout à fait légitime sur ce sujet aussi complexe que délicat, bien au contraire.

            Bien à vous.

  7. “Le véritable exil n’est pas d’être arraché à son pays ; c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer.”
    (Edgar Quinet, historien (1803-1875)

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