“A qui la faute” et “Que faire”?

Chers lecteurs, pour une fois mon texte est apparu pas à l’endroit habituel mais sur le site “principal” du Temps. Vous pouvez le lire ici . Grace à la gentillesse de Frédéric Koller, il est accessible à tous!

 

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’université Lomonossov. Après avoir passé 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

38 réponses à ““A qui la faute” et “Que faire”?

  1. Bonjour, je viens de terminer la lecture de votre papier d’opinion “«A qui la faute» et «Que faire»? Lettre ouverte à mes compatriotes russes et suisses ” . Un seul mot : Merci ! Ce texte est magnifique d’humanisme et fait tellement de bien par les temps qui courent.

    1. Cher Monsieur, merci infiniment pour cette réaction. J’ai toujours peut d’être mal comprise, pas comprise… Merci d’avoir tout bien compris!

  2. Chère Madame,
    Comme vous, j’ai des origines de l’Est mais de la Pologne . Votre opinion dans le Temps exprime exactement tout ce que je pense et je compatis avec vous et toutes celles et ceux qui en bons Russes condamnent cette agression ignoble sur un peuple qui est frère, tellement entre Russes, Ukrainiens et Polonais nous avons des origines communes.

    1. Chère Madame, merci beaucoup de votre témoignage de compassion et comprehénsion.

  3. Chère Madame, merci pour ce plaidoyer sincère et instructif.
    Dans cette guerre, un élément particulier m’intrigue.
    Dans la biographie de Chostakovitch que Krysztof Meyer a écrite, le compositeur, selon plusieurs sources, qualifiait le peuple russe – citant Dostoïevsky – de “yourodivy” (excusez mon orthographe!).
    Au-delà des mensonges et de la propagande – desquels je ne retiens rien, si ce n’est la détestation et le mépris qu’ils m’inspirent – certaines déclarations en Russie, que nous avons force peine à accepter et à comprendre ici, me paraissent confirmer ce que disait Chostakovitch.
    Pourriez-vous nous éclairer.
    Cordiales salutations.

    1. Bonjour, et merci pour cette question. “Yurodiviy”, ou Le fol-en-Christ, est une personne qui abandonne ses biens matériels et mène une vie de transgression des conventions sociales dans un esprit religieux. C’est une définition officielle. Mais dans la culture russe ce personnage a une place très particulière grâce à Alexandre Pouchkine et son “Boris Godounov”. D’ailleurs, dans l’opéra de Moussorgsky le rôle de Yurodiviy qui n’est présent sur scène que quelques minutes, a toujours été confié au théâtre Bolshoi qu’aux meilleurs ténors! pourquoi une telle importance? Parce que c’est lui qui annonce au tsar Boris la vérité sur ces crimes. A chaque tsar son Yurodiviy. Qui sera celui de M. Poutine?

    2. Merci de cet éclairage instructif. J’avais compris cela différemment et à tort.
      A l’occasion, je réécouterai Boris Godounov!
      Bien cordialement.

  4. Chère Madame,
    “que faire?” je pense que les Suisses comme tous les Européens, comme tous les êtres humains ne doivent pas se laisser rattraper par l’émotionnel mais doivent tenter de raisonner, d’analyser après avoir glané des informations selon différentes sources.
    Romain Gary avance que la cruauté, la brutalité ne peut être l’apanage d’un seul peuple; elle se déplace, passe d’un pays à un autre. Acceptons donc avec humilité que aujourd’hui certes la cruauté est surtout du côté de Poutine et ses acolytes, néanmoins hier elle était ailleurs, au Vietnam, au Rwanda, en Ukraine…
    En tant que Suissesse je me fais un devoir de tenter ce type d’analyse avec ceux que je rencontre et qui se limitent à un raisonnement manichéiste, un raisonnement réducteur qui ouvre la porte à toutes formes d’exclusion. Russophile je tiens à défendre cette posture politique, sociologique et humaniste.

  5. Chère Madame, Votre texte est excellent car il permet aux lecteurs de comprendre le conflit interne douloureux que vivent les Russes qui n’ont pas souhaité la guerre contre l’Ukraine et qui sont confrontés à des dilemmes redoutables de vie et de mort, la sienne et celle des autres. Dois-je m’engager héroïquement, au risque d’être tabassé dans un commissariat, de croupir dans un sordide lieu de détention, voire de mourir assassiné? Dois-je me taire et m’incliner au risque de passer à mes propres yeux pour un lâche? Et vous avez raison de comparer votre situation de Russe aujourd’hui à celle des Allemands qui ne soutenaient pas Hitler en 39-45. Les Suisses qui insultent ou agressent des russophones n’ont aucune idée du poids de l’appartenance à un peuple dont l’Etat est l’agresseur: ils ont le privilège de n’avoir connu que le confort moral de vivre dans un pays épargné et qui n’a pas d’ambition impériale. Je vous remercie donc vivement pour votre témoignage et je salue la rédaction du Temps de l’avoir publié dans son édition

  6. La déchirure qui émane de ces réflexions est très touchante, l’analyse est impeccable. Chaque phrase est pondérée, équilibrée, juste. On aurait besoin d’une presse qui pousse à raisonner, penser et non d’une presse qui semble presque se réjouir à relater heure par heure ce conflit atroce. Merci!

  7. Merci de votre page. Je crois que votre exposé et votre question (à qui la faute?) traduisent par trop une tentation manichéiste. Le manichéisme est un prêt-à-penser où s’abritent des milliers de consciences placées devant une situation absurde. L’émotion épuise, et il ne reste pas assez d’énergie pour penser et résister pacifiquement. La Russie, vous le savez mieux que quiconque, l’Ukraine, l’Allemagne, comme tous les pays du monde comportent des populations mixtes que les frontières de l’histoire ont réparties malgré elles sans logiques autres que celle des pouvoirs. Dès lors, revenir à l’Allemagne de la IIe GM me paraît envenimer la perception des enjeux actuels. Il ne serait pas inintéressant de confronter les origines géographiques et les ascendants de Sigmund Freud au déclin de la psychanalyse en Europe. Et, peut-être, de relire son essai, “Malaise dans la civilisation”.

    1. Ce soir, France Culture, émission “Par les temps qui courent”, prod. Marie Richeux. Invitée: Valérie Zenatti, traductrice en français de l’oeuvre de Aharon Appelfeld, notamment de son dernier opus, La Stupeur (éd. L’Olivier, 2022). En écoutant, nous sommes dans le “faisceau des Vivants”! Appenfeld est né en 1932 à Czernowitz, alors en Roumanie, aujourd’hui en Ukraine. D’autres agglomérations ont voyagé sur des terres mouvantes. Berditchev, par exemple: Vassili Grossman y est né. Avant lui, Joseph Conrad, le 3 décembre 1857. Balzac l’a visitée et y a vu une “Polka”… Je me permets de recommander la lecture de Under Western Eyes, roman-essai que Conrad a écrit sur la présence de quelques anarchistes russes à Genève… Tout ça pour essayer de dire que les identités des unes, des uns et des autres ne résistent pas à l’analyse des faits de guerre. Marcel Detienne, dans *L’Identité nationale, une énigme*, (Gallimard 2010, disponible aussi en poche) montre comment une identité, comme le passeport qui la légitimerait, ça se construit. Puissent les arbres déployer leurs ramures par delà des zones frontières figées, sans numéroter leurs racines et sans se référer aux branches mortes de leur essor. Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur votre blog salutaire.

  8. Chère Надя. Ne vous en faites pas, je suis persuadé que la majorité des Suisses sait faire la différence entre Poutine et sa clique et la population russe dans son ensemble. Population malheureusement soumise à un matraquage de propagande sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale et qui ne peut exprimer ses vrais sentiments sans courir de gros risques. Ceux qui mettent tous les Russes dans le même panier que Poutine sont ceux qui ont sur tout une vision simpliste, avec tous les “bons” d’un même côté et tous les “méchants” de l’autre; ce ne sont pas des gens intéressants et méritant d’être pris en considération.

  9. Chère Madame,
    Merci pour cet article très bien écrit et que je comprends parfaitement. Étant originaire d’Alsace, mes parents m’ont souvent relaté ce qu’ils ont vécu sous l’occupation allemande et durant leur évacuation en Allemagne par l’occupant. Lors de l’évacuation, ils ont été hébergé et nourris par des Allemands qui n’avaient pas grand chose, mais qui le partageaient avec ces Français arrivé en Baden-Wurtenberg sans rien. Ces allemands n’étaient en rien Hitlériens, bien au contraire, mais n’avaient pas le choix que de subir s’ils ne voulaient pas finir avec une balle dans la tête.
    Durant l’occupation par l’armé allemande, nombre de soldats dont beaucoup n’avaient pas 20 ans fermaient les yeux sur tous les “trafics” interdits de nourriture et prévenaient les habitants quand des soldats “hitlériens” étaient dans les parages.
    Beaucoup d’hommes alsaciens ont été enrôlés de force dans l’armée allemande (les malgré-nous) sans avoir le moindre choix. Mon père, à 18 ans, enrôlé de force a pu s’échapper une nuit du régiment qui allait vers le front de l’est pour revenir à pied en France tout en portant l’uniforme allemand… Il a eu un mal fou avec plusieurs camarades de son village à expliquer aux américains arrivés dans l’est de la France qu’ils n’étaient pas allemands, mais alsaciens et retournaient dans leur village.
    Ce que vous décrivez est identique, confusion entre peuple et dirigeants et je m’insurge quand je lis que des représentations d’œuvres Russes ont été déprogrammées dans certaines villes ou que des personnes aux origines Russes ont des soucis avec leur banques car portant des noms d’origine Russe ou de double nationalité.
    Il est temps de faire la différence entre le peuple et les dirigeants, le peuple subissant ce que les dirigeants leur imposent.
    Votre article, je l’espère, permettra d’éclairer les lecteurs sur la complexité des guerres et des peuples qui les subissent des deux côtés et que les amalgames sont toujours trop simplistes et rapides et que la réalité est bien différente.
    Je citerai le témoignage que j’ai pu entendre de deux danseurs étoile du Bolchoï en tournée et qui sont en couple, lui étant Russe et son épouse Ukrainienne… Les deux totalement dévastés par ce qui se passe.

  10. L’essentiel de votre page me semble tourner autour de l’idée “Les Russes qui sont contre la guerre ne doivent pas être maltraités”. C’est vrai mais le problème terrifiant n’est-il pas comment cela va-t-il se terminer? Vous évoquez les anti-hitlériens allemands. Une question cauchemardesque alors, si vous allez jusqu’au bout de votre comparaison (1945): est-il concevable que la Russie connaisse un sort comparable après une guerre nucléaire? Est-ce réellement impossible? Je n’en suis pas si sûr si les USA le décident. Alors Europe kaputt aussi! “Que faire?” qui ne soit pas une escalade, telle est la vraie question

  11. Madame,
    Dans le récent article dans Le Temps vous idéalisez en peu votre peuple , qui étant « good boys » après la 2ème guerre mondiale est devenu soudainement « bad guys » et que c’est incompréhensible pour vous . Permettez mi vous rappeler que jusqu’à 1941 la Russie était alliée des allemands nazi , ensuite elle nous a imposé à l’Est leur atrocités , que parmis les Ukrainiens il y avait aussi ceux qui collaboraient avec les Allemands, qui ont exterminaient atrocement des milliers de citoyens polonais , donc parler de good guys est quelque peu présomptueux vu l’histoire .
    Ce qui se passe n’est que la suite , dans un pays qui n’a jamais fait mea culpa, et les Russes sont quand même libres de s’instruire , mais leur problème comme le vôtre est de vouloir oublier cet héritage totalitaire , d’où votre arrogance typiquement russe.

    1. Monsieur, je ne suis pas d’accord avec vous mais chacun lit comme il veut. Vive la liberté de l’expression, et de la perception.

    2. Je trouve que vous faites un peu rapidement l’amalgame entre peuple et dirigeants. Croyez-vous que toute l’Allemagne était nazie ? Croyez-vous que tous les citoyens de la RDA étaient pro régime communiste ? Il fait vraiment être naïf pour croire cela, car dans ces cas, vous n’aviez simplement pas le choix !
      Combien sont morts en voulant passer à l’ouest ? Tous savaient que s’ils partaient ils risquaient leur vie et leurs proches restés sur place risquaient gros…
      Merci de ne pas faire ce genre d’amalgames et de relire l’histoire en se replaçant dans le contexte de l’époque et non le contexte actuel.

    3. Les officiers de la Wehrmacht qui ont organisé l’attentat manqué contre Hitler en août 1944 étaient tous de haute lignée prussienne. Les militaires qui ont planifié l’attentat manqué contre Nicolas 1er le jour de son intronisation, le 14 décembre 1825, place du Sénat, à Saint-Pétersbourg, avaient tous pris part à la campagne de Russie contre Napoléon et appartenaient à la haute noblesse russe. Difficile d’être moins Allemand et moins Russe pour les uns que pour les autres.

      Dostoïevski, arrêté en 1848 avec ses camarades du cercle Petrachevski et soumis à un simulacre d’exécution, avant d’être gracié à la dernière minute puis envoyé au bagne pendant quatre ans sur ordre du même Nicolas 1er, n’est pourtant pas réputé pour être un modèle d’europhilie, que l’on sache.

      Alexandre Herzen et Nicolaï Tchernitchevski, que Madame Sikorsky cite – bien que tout les opposait sur le plan économique et social -, figurent dans les livres d’histoire parmi les précurseurs de la révolution de 1917. Etaient-ils moins Russes pour autant?

      Depuis le 24 février dernier, ce sont non seulement les Ukrainiens qui fuient la terreur de cette guerre insensée, mais les Russes eux-mêmes, par milliers, comme cette génération systématiquement effacée de l’Histoire qui fut celle des émigrés russes des années 1920, soit l’élite du pays, fuyant la terreur bolchévique.

      Or, un tsar de carnaval, ex-agent du KGB et petit-fils du cuisinier de Lénine et de Staline, auto-promu “lider maximo” grâce au soutien d’une junte de ploutocrates parvenus et enrichis à la faveur du chaos de l’ère Eltsine, chaplinesque “duce” et nouveau faux Dmitri – l’histoire russe n’est pas avare en imposteurs – possédé par son fantasme d’une Russie d’opérette déconnectée des réalités présentes, a renvoyé son pays natal deux siècles en arrière, comme le relève à juste titre Madame Sikorsky, qu’il faut saluer ici pour son courage à s’exprimer et remercier pour son émouvant message.

  12. Superbe édito auquel je souscris à 100%! Le peuple russe mérite mieux que ce despote! Les “élites” s’en sortiront mais quel futur pour tous ceux qui ne vivent pas à Saint Petersburg ou Moscou?
    Merci de continuer à nous éclairer.

  13. Je trouve le ton des commentaires très intéressant : que de périphrases et de circonlocutions.
    « Il ne faut tomber dans le manichéisme » pour les uns, « il ne faut pas confondre le peuple et son gouvernement » pour les autres. On fait référence à Chostakovitch ou Dostoïevsky. Que de « mais » et de « si ».

    Il ne me semble pas me rappeler que les Etats-Unis lors de l’élection de Trump et des péripéties qui en découlèrent eurent droit à autant de nuances savantes et je ne suis pas certain que la Chine, s’il lui prenait d’envahir Taiwan, bénéficierait d’analyses aussi subtiles et de citations de Confucius pour expliquer son acte agressif.

    La Russie berceau du « socialisme réel » inspirerait-elle à certains nostalgiques une forme de mansuétude rétrospective (affligée certes, mais mansuétude tout de même) ?
    Le charme (extrêmement discret à mon goût) de l’ « âme russe » aurait-il chez certains quelque effet aveuglant ?

    1. On connaît votre très fine perception de l'”âme russe”. Exemple (lu sur le blog de Suzette Sandoz, le 21 mars dernier):

      “…la Russie est un pays, un peuple et une culture qui me laissent complètement indiffèrent et pour lesquels je n’ai ni attirance ni sympathie. Je suis imperméable à l’ ” âme russe”.

      Ceci ne vous empêche d’ailleurs pas d’épancher votre flouze de bidet sur ce blog-ci. Quelques lignes plus loin (dans le même post cité ci-dessus), vous ajoutez: “…jusqu’à présent la Chine et l’Inde continuent à commercer et à avoir des relations avec la Russie.” Pour vous rassurer, les pays européens – Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Espagne et Portugal en tête – n’ont pas coupé tous liens avec la Russie, bien au contraire. Est-ce un hasard si, dans un héroïque et viril show de front commun “in abstentia”, ils ont, comme par hasard, oublié de soumettre pétrole et gaz russes aux sanctions – version occidentale de farce stalinienne? Ceci pourrait d’ailleurs vous intéresser:

      “Guerre en Ukraine : l’Europe a acheté près de 17 milliards d’euros de gaz et de pétrole russes depuis le début du conflit -16,8 milliards d’euros : c’est le montant des importations européennes d’hydrocarbures russes depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, selon des estimations du Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea).”

      Comme au “Pays de l’Or Noir”, Tintin dirait aujourd’hui que grâce à Rastapopoutine et à son gang d’oliogarques, ça gaze, sur le front de l’or noir. Bref: “bouzillenesse as usual”.

      Ne confondez-vous pas “âme russe” et relents de gaz oil? Le cas échéant, sauf à être imperméable aux seconds (à chacun son “aqua sancta”), qu’attendez-vous pour souscrire à des actions Gazprom et Rosneft? A cours actuel du rouble, elles devraient offrir de vraies aubaines de placements, non?

      Après tout, ne dit-on pas que l’argent n’a pas d’odeur et que les choses n’ont d’âme que celle qu’on leur prête?

      1. Je vous remercie de vos remarques cher anonyme contradicteur.

        Puisque vous faite référence à mon commentaire sur le blog de Madame Sandoz, vous remarquerez que je rends attentif au danger que représente la mise de la Russie au ban des nations et le risque qu’un bloc anti-occidental comprenant la Russie, la Chine et l’Inde se constitue contre nous. Tant qu’à me citer, autant le faire jusqu’au bout …

        La géopolitique mondiale (les gros sous et les intérêts économiques en sont ô combien partie intégrante) est en train de se redessiner sous nos yeux à grande vitesse et, comme le disait très justement Yves Rossier dans Infrarouge l’autre soir, il va falloir réussir la paix avec la Russie sans quoi on pourrait bien avoir « un deuxième services » d’ici dix ou vingt ans.

        Cette guerre en Ukraine est déjà la conséquence des erreurs commises par les dirigeants occidentaux qui n’ont pas su intégrer le vaincu de la guerre froide dans le concert des nations, malgré les avertissements répétés de Poutine.

        Dans ce processus de redistribution des cartes à l’échelle planétaire et des très dures négociations qui vont en découler, la sympathie que l’on peut avoir pour la culture russe (ou pas) ne devrait pas interférer dans la capacité à voir ce pays tel qu’il est, avec ses forces et, surtout, ses faiblesses. Sans périphrases ni circonlocutions.

        Je pense donc que les questions que pose Madame Sikorsky, « à qui la faute ?» et « que faire ?», ne sont pas les bonnes pour aborder cette période difficile et dangereuse.
        Il faudra apprendre à aller au-delà.

        Je peux concevoir que tout cela ne soit pas très moral mais il me semble que ce sera le prix à payer pour façonner, peut-être, une paix à peu près réussie dans l’intérêt de toutes les parties.

        1. A mon tour de vous remercier pour votre réponse, cher Monsieur, mais vous prêchez à un converti. En effet, je suis parmi les premiers à avoir dénoncé l’arrogance et le mépris avec lequel les Occidentaux – OTAN et UE en tête, avec Washington, comme toujours, en arrière-plan -, ont traité le président Poutine quand, à peine venu au pouvoir, une de ses premières initiatives a été de leur tendre la main: comme vous vous en souvenez sans doute, il proposait aux premiers d’intégrer la Russie à l’OTAN – en ces jours où ils était encore possible de rêver à un avenir meilleur, le Dalai-Lama n’avait-il pas suggéré de déplacer le siège de l’Alliance Atlantique à Moscou? – et aux seconds d’y faire participer son pays au marché européen.

          Mais qu’avait à faire l’OTAN aux portes de la Russie avec ses troupes, ses lance-missiles, ses tanks, sas bombardiers et ses navires de guerre et qu’y fait-elle encore, et même plus que jamais, trente ans après la dissolution du Pacte de Varsovie? Et que faisait l’UE à Kiev pendant la révolution orange et celle de Maïdan en février 2014?

          De plus, comme l’a rappelé récemment le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans une récente émission de CNN, ce n’est pas la Russie qui a rompu les accords de Minsk, mais l’Ukraine. Quoi d’étonnant si, à la fin, le maître du Kremlin a perdu patience? Ceci excuse-t-il pour autant son agression brutale, cynique, meurtrière et destructrice, en violation du droit international et humanitaire, et d’abord de la morale – seule, après tout, à dénoncer la guerre?

          Personne n’aime être humilié et, comme on dit, les peuples ont la mémoire longue. Ceci dit (quitte à vous surprendre), dans le fond je partage votre analyse à plus d’un égard, et suis tout à fait de l’avis de notre ancien ambassadeur à Moscou, Yves Rossier, que nous allons devoir apprendre à faire avec la Russie si nous voulons vivre dans une Europe en paix – un peu comme si dans un mariage, à la question que poserait à la mariée le prêtre ou le représentant de l’état-civil, “acceptez-vous de prendre Monsieur Untel pour époux? , elle répondrait “hélas, oui”.

          Cordialement et sans rancune, j’espère.

    2. Il ne s’agit pas de ton, Monsieur, mais d’exercice de la nuance et de la complexité. Vous pensez que la situation – dont nous sommes tous responsables – devrait être approchée avec plus d'”efficacité stylistique”? Vous pouvez toujours relire Aragon et Triolet pour passer un bon weekend…

  14. Vous avez raison. Parce que l’Allemagne a déclenché la seconde guerre mondiale et les nazis, coupables des horreurs que l’on connaît, bannissons Bach, Beethoven, Schumann, Brahms, etc.
    Je vais de ce pas écouter les symphonies de Charles Ives (compositeur intéressant soit-dit en passant!)…

  15. Les regrets sur le passé sont à oublier. Dans le futur, Zélenski aura le choix entre se résigner à ce que le Donbass soit séparé de l’Ukraine ou continuer à se battre quand cette région sera tenue par les Russes. Les Occidentaux devront soit cesser de le soutenir quand ce Donbass sera devenu une forteresse russe imprenable soit augmenter alors leurs apports d’armes, punir les pays qui refusent de sanctionner les Russes. Intervenir directement serait -il à étudier pour tenter d’arrêter le jeu de quilles dont l’étape suivante serait une mainmise russe sur l’Ukraine tout entier. Munich ou pas Munich? Agir ou ne pas agir?

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