SwissCovid : quelles sanctions en cas de contrainte?

Dès ce jeudi 25 juin, il est possible d’utiliser l’application SwissCovid en Suisse. Le Conseil fédéral vient en effet d’adopter l’ordonnance sur le système de traçage de proximité, permettant le lancement de l’application dédiée.

La loi sur les épidémies (LEp) a été modifiée en conséquence et contient de nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 20 juin 2020.

Ces modifications législatives permettront à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) d’exploiter un système de traçage de proximité pour le coronavirus SARS-CoV-2 (système TP) qui enregistrera, grâce à l’application SwissCovid, les rapprochements entre les téléphones portables de personnes qui participent au système et les informera si elles ont été potentiellement exposées au coronavirus.

Aucun désavantage

La participation au système TP est volontaire. La loi mentionne expressément que les autorités, les entreprises et les individus ne peuvent pas favoriser ou désavantager une personne en raison de sa participation ou de sa non-participation au système TP. C’est ainsi que l’art. 60a al. 3 LEp en vigueur depuis le 20 juin 2020 prévoit que la participation au système TP est volontaire pour tous. Il précise que les autorités, les entreprises et les particuliers ne peuvent pas favoriser ou désavantager une personne en raison de sa participation ou de sa non-participation au système TP et que les conventions contraires sont sans effet.

D’après le Message du Conseil fédéral, il est ainsi exclu, par exemple, que les employeurs puissent exiger de leurs collaborateurs la participation au système TP. L’utilisation des transports publics, la fréquentation de restaurants ou de fitness ne peuvent pas non plus dépendre du fait que l’application SwissCovid soit ou non installée ou utilisée sur le téléphone portable de l’usager.

Amendes prévues

L’art. 83, al. 1, let. n LEp entré en vigueur le 20 juin 2020 prévoit même qu’une peine d’amende sera infligée à quiconque refuse intentionnellement une prestation destinée à l’usage public à une personne en raison de sa non-participation au système TP. Mais attention, une telle amende ne pourra être prononcée que s’agissant de la discrimination d’une personne en lien avec le refus d’une prestation destinée à l’usage public. S’agissant des autres situations, aucune disposition pénale spécifique n’est prévue.

Toutefois, selon les cas, et comme le mentionne expressément le Conseil fédéral dans son message, la disposition du code pénal réprimant la contrainte (art. 181 CP), pourrait le cas échéant trouver application.  Se rend en effet coupable de contrainte que celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La sanction dans un tel cas de figure – et à mon sens peu importe que l’on soit ou non en présence d’une prestation destinée à l’usage public – est plus sévère puisqu’il peut s’agir d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le législateur a ainsi voulu, par l’adoption de l’art. 83, al. 1, let. n, garantir une protection spécifique contre la discrimination de personnes selon qu’elles participent ou non au système en punissant spécifiquement tout refus d’une prestation destinée à l’usage public. Restera à savoir quelles prestations pourront être considérées comme  destinées à l’usage public.  A titre de comparaison, en matière de discrimination raciale, une prestation destinée à l’usage public – dont le refus est punissable d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 261 bis al. 5 CP) – se définit comme une prestation offerte de façon standardisée à un nombre indéterminé de personnes. Il s’agit notamment des moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés, parcs, etc.

Miriam Mazou

Miriam Mazou est avocate à Lausanne et fondatrice de l'Etude Mazou Avocats SA. Elle est membre de la Fédération Suisse des Avocats (FSA), de la Société suisse de droit pénal (SSDP), de l'Ordre des Avocats Vaudois (OAV) et a été membre du Conseil de l'Ordre des Avocats Vaudois. Avocate spécialiste FSA en droit pénal, elle est l'auteure de nombreuses publications et donne régulièrement des conférences dans ce domaine, plus particulièrement en matière de criminalité économique. Elle est également Chargée de cours à l’Université de Lausanne.