Coronavirus: quelles sanctions pour les contrevenants ?

(Image par Pete Linforth de Pixabay)

Le 16 mars 2020, le Conseil fédéral a durci les mesures destinées à lutter contre le coronavirus : interdiction des manifestations publiques ou privées, fermeture des magasins, restaurants et établissement de divertissement.  Quelles sont les sanctions en cas de non respect de ces règles?

Loi sur les épidémies

La loi sur les épidémies (LEp) prévoit à son article 82 des sanctions allant de la peine pécuniaire à la peine privative de liberté de trois ans au plus pour réprimer notamment le comportement de celui qui, par exemple, enfreint une interdiction totale ou partielle d’exercer sa profession ou certaines activités.

Celui qui se soustrait à une surveillance médicale, une quarantaine ou un isolement qui lui ont été imposés peut pour sa part être puni d’une amende allant jusqu’à 5000 francs (art. 83 LEp). Il en va de même de celui qui contrevient à des mesures visant la population (comme la fermeture des écoles, de certains bâtiments, l’interdiction de manifestations) ou enfreint des dispositions sur l’entrée ou la sortie du pays.

Ordonnance 2 COVID-19

L’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus telle que modifiée le 16 mars 2020 prévoit que quiconque, intentionnellement, s’oppose aux mesures prises, est puni d’une sanction allant de la peine pécuniaire à la peine privative de liberté de trois ans au plus (art. 10 d).

Cela dit, le comportement d’une personne qui contreviendrait aux mesures prises par le Conseil fédéral pourrait même être puni plus sévèrement. Tel sera le cas si son comportement constitue une infraction plus grave réprimée par le droit pénal, par exemple la propagation d’une maladie de l’homme.

Code pénal

L’art. 231 du code pénal réprime la propagation d’une maladie de l’homme. Cette disposition légale permet de punir celui qui, par bassesse de caractère, aura propagé une maladie de l’homme dangereuse et transmissible. Dans ce cas, la sanction minimale est la peine privative de liberté pour un an au moins. Elle peut aller jusqu’à cinq ans au plus.

La maladie propagée doit être dangereuse, c’est-à-dire propre, avec une probabilité élevée, à causer la mort, un danger de mort ou des atteintes graves à la santé. Cette disposition pénale, qui a d’abord concerné des épidémies telles que la peste ou le choléra, a ensuite été appliquée dans des cas de transmission du VIH. La grippe saisonnière n’a jamais été considérée comme entrant dans le champ d’application de cette norme. Il en ira à n’en pas douter différemment du coronavirus qui sévit actuellement. L’Office fédéral de la santé publique a en effet confirmé que le Covid-19 est une maladie dangereuse au sens de l’article 231 du code pénal.

L’infection intentionnelle, par exemple par haine, esprit de vengeance ou vilenie, d’une seule personne suffit a priori pour que cette infraction puisse être réalisée, car elle met en danger un nombre indéterminé de personnes (la jurisprudence ayant précisé que cette mise en danger pouvait revêtir un caractère abstrait). En clair: il suffit qu’une seule personne soit atteinte par la maladie dans la mesure où elle peut à son tour contaminer un ou des tiers.

La propagation du coronavirus pourrait également tomber sous le coup des infractions de lésions corporelles intentionnelles ou par négligence.  On peut également penser, dans des cas extrêmes, aux infractions contre la vie: meurtre ou homicide par négligence.

Bien évidemment, il faut espérer que la responsabilité individuelle et le bon sens prévaudront et que les les nouvelles règles seront scrupuleusement respectées, sans qu’il ne faille en arriver à sanctionner.


Mise à jour du 21 mars 2020

On vient d’apprendre qu’une première condamnation a été prononcée par le ministère public valaisan à l’encontre d’un gérant de bar-restaurant au motif que le 17 mars, vingt personnes consommaient sur la terrasse de son bar-restaurant. Le gérant de l’établissement a été condamné par ordonnance pénale à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis durant deux ans et à 2000 francs d’amende.

Miriam Mazou

Miriam Mazou est avocate à Lausanne et fondatrice de l'Etude Mazou Avocats SA. Elle est membre de la Fédération Suisse des Avocats (FSA), de la Société suisse de droit pénal (SSDP), de l'Ordre des Avocats Vaudois (OAV) et a été membre du Conseil de l'Ordre des Avocats Vaudois. Avocate spécialiste FSA en droit pénal, elle est l'auteure de nombreuses publications et donne régulièrement des conférences dans ce domaine, plus particulièrement en matière de criminalité économique. Elle est également Chargée de cours à l’Université de Lausanne.