Un SMS mortel… mais pas de meurtre

L’automobiliste qui a provoqué un accident mortel à la Chaux-de-Fonds alors qu’il utilisait son téléphone portable en conduisant a finalement été condamné à 14 mois de prison avec sursis.  Le Tribunal a retenu, comme le soutenait l’accusation, que la cause de l’accident ayant provoqué la mort d’un scootériste trouvait exclusivement sa cause dans l’utilisation, par conducteur de la voiture, de son téléphone portable. Les juges ont condamné l’automobiliste à 14 mois de prison avec sursis pour homicide par négligence.

Le procureur demandait pourtant une condamnation pour meurtre par dol éventuel, et une  peine de 5 ans de prison, le minimum pour cette infraction. Il soutenait ainsi que l’automobiliste avait non seulement estimé qu’une issue fatale était possible, mais qu’il avait également accepté une telle issue pour le cas où elle se produirait.

Une frontière difficile à tracer

L’infraction de meurtre par dol éventuel n’est pas fréquemment prononcée en matière de circulation routière. Elle a été retenue à quelques reprises en présence de rodéos routiers, comme par exemple en juillet 2017 par la Cour d’appel genevoise dans l’affaire du rodéo routier des Charmilles.

La frontière entre l’homicide par négligence et le meurtre par dol éventuel est souvent difficile à tracer, en particulier dans des affaires de ce type. Si le Tribunal admet que le conducteur, qui avait conscience des risques mortels, est parti du principe, par une imprévoyance coupable, que ceux-ci ne se concrétiseraient pas, il le sanctionnera pour homicide par négligence. Si par contre les juges estiment que le chauffard était non seulement conscient du risque létal, mais que de surcroit il l’a accepté pour le cas où il se produirait, ils le puniront pour meurtre par dol éventuel.

Des meurtriers potentiels sanctionnés d’une amende de 100 francs seulement 

Le fait de lire ou écrire des SMS en roulant est apparemment assez répandu, puisqu’à en croire une étude citée par la RTS,  30% des automobilistes agiraient de la sorte. Ce comportement causerait même un à deux décès par année en Suisse. Cela fait froid dans le dos.

Dans ces circonstances, il paraît choquant, et même inquiétant, que l’utilisation du téléphone au volant ne soit puni que d’une amende de 100 francs. La modicité d’une telle sanction, eu égard aux conséquences possibles du comportement réprimé est de nature à indigner. Si l’on peut débattre de la question de savoir si et dans quelles circonstances un chauffard doit être condamné pour meurtre, il parait évident que le fait d’envoyer des SMS ou de surfer sur internet en roulant devrait être plus sévèrement réprimé qu’à l’heure actuelle. Le conducteur sanctionné pour ce comportement doit réaliser la gravité de celui-ci. Il doit saisir qu’en agissant de la sorte il met en danger la vie des autres usagers de la route. Et qu’en cas d’accident mortel, il pourrait devoir faire face à une accusation de meurtre.

Miriam Mazou

Miriam Mazou est avocate à Lausanne et fondatrice de l'Etude Mazou Avocats SA. Elle est membre de la Fédération Suisse des Avocats (FSA), de la Société suisse de droit pénal (SSDP), de l'Ordre des Avocats Vaudois (OAV) et a été membre du Conseil de l'Ordre des Avocats Vaudois. Avocate spécialiste FSA en droit pénal, elle est l'auteure de nombreuses publications et donne régulièrement des conférences dans ce domaine, plus particulièrement en matière de criminalité économique. Elle est également Chargée de cours à l’Université de Lausanne.

Une réponse à “Un SMS mortel… mais pas de meurtre

  1. Une personne qui téléphone au volant sans le kit mains-libre est punissable d’une amende d’ordre de 100.- CHF. Par contre, pour l’utilisation du téléphone au volant, la personne sera dénoncée à la Préfecture et peut-être sanctionnée d’un retrait du permis de conduire.

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