Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Magistrat à la cour de Rome et brillant écrivain, Giancarlo De Cataldo, né en 1956 à Tarente, nous as habitués à des romans noirs… très noirs. On pense à son fameux « Romanzo criminale » – qui fut adapté pour le grand et le petit écran – à « Suburra » ou plus récemment à « Alba Nera ». Son nouveau roman, « Je suis le châtiment », rompt avec cet héritage d’intrigues labyrinthiques, de perversions mafieuses et de violences extrêmes. Il s’articule autour de la figure séduisante et complexe du procureur adjoint Manrico Spinori della Rocca, Rick pour les intimes, un aristocrate de vieille souche ruiné par une mère ludopathe. Un homme divorcé, amateur de belles femmes, et surtout d’opéra. Il assiste d’ailleurs à une représentation de « Tosca » quand, juste après le deuxième acte et parce qu’il est de garde, il se voit « convoqué dans un tout autre théâtre ».

Une scène de crime ? Pas à première vue. Stefano Diotallevi, de son nom de scène Mario Brans, un ancien crooner surnommé Mèche d’Or, semble avoir trouvé la mort dans un simple accident de voiture. Les freins de son Iso Rivolta modèle Fidia de 1973 – une voiture rare et fort chère – ont lâché. Son chauffeur, à son service depuis des lustres, n’a rien pu faire. Mais lui, en revanche, il s’en est sorti indemne.

Bien entendu, le lecteur apprend très vite que les freins de l’automobile avaient été sabotés et que la vie de la victime – véritable idole populaire dans les années 60 et 70 – était loin d’être lisse. Une tare à laquelle s’ajoute un environnement familial haut en couleur, un véritable panier de crabes aussi avides qu’impitoyables. Entre temps, les amateurs de femmes intrépides et rebelles tomberont sous le charme indéniable de l’inspectrice Deborah Cianchetti, la nouvelle collaboratrice brute de décoffrage de Manrico Spinori.

Pour nourrir ses personnages et son intrigue, Giancarlo De Cataldo puise dans son intime connaissance du monde de la justice et de l’opéra. Avec l’humour et la finesse qui le caractérisent, il nous offre ainsi la superbe description d’une « audience à juge unique » où Manrico Spinori fonctionne comme remplaçant. Ainsi pendant deux heures, devant des avocats commis d’office exténués, des témoins furieux d’avoir tant attendu et un président enfoui dans « de vertigineuses dunes de papier, tel un fantassin assiégé par les Huns », notre procureur soutient « l’accusation de trois recels de mobylettes remontant à sept ans et d’une escroquerie de 1800 euros ».

Côté musique et côté cœur, après avoir fait la connaissance d’une très belle femme passionnée d’opéra, notre procureur ne cesse de multiplier les clins d’œil et les citations renvoyant à ses œuvres favorites. Il en vient même à lui « parler des affaires qu’il avait résolues en piochant dans les classiques du mélodrame ». Sans surprise, c’est donc le livret d’un opéra qui, ici aussi, lui donnera la clé de l’énigme. S’agit-il de « La Bohème », « Idoménée », « Don Juan », « Le Trouvère » ou « Rigoletto » ? Si vous n’avez pas deviné, rendez-vous à la page deux cent vingt pour le découvrir.

 

« Je suis le châtiment ». De Giancarlo De Cataldo. Traduit de l’italien par Anne Echenoz. Editions Métailié, 240 p.

Giancarlo De Cataldo sera l’invité du Festival du Livre de Paris (21 au 23 avril 2023) et d’Italissimo (17 au 23 avril 2023). 

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

Une réponse

  1. Rouler dans une Iso Rivolta modèle Fidia est définitivement un gage de bon goût; rien que pour cela, il faut lire ce roman. Petite remarque supplémentaire: j’ espère que Deborah Cianchetti porte un beau calibre dans un holster d’épaule en cuir, confectionné par un vieil artisan de Florence. Si c’est le cas, alors ce monde est parfait.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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