Polars, Polis et Cie | Le blog de Mireille Descombes

Le Parmesan Carlo Lucarelli n’est pas homme à respecter la chronologie. Après avoir plongé son commissaire De Luca en pleine guerre froide dans « Une affaire italienne », il a choisi, avec « Péché mortel », d’explorer un moment tout à fait particulier dans l’histoire de la Péninsule, la période d’incertitudes et de troubles qui s’étend du 25 juillet au 8 septembre 1943. Durant ces quelques mois, comme le rappelle en tête de chapitre des extraits du quotidien Il Resto del Carlino, les alliés débarquent en Sicile, le roi prend la tête des forces armées, Mussolini démissionne (avant d’être libéré). Les Allemands, quant à eux, refusent de déposer les armes, la guerre continue.

Petit frère latin du berlinois Bernie Gunther créé par le grand Philip Kerr, le commissaire De Luca vit à Bologne. Il navigue comme il peut dans ce monde en ébullition. Apolitique, profondément intègre, il ne se soucie guère de plaire au pouvoir en place. S’il doit faire le salut fasciste, il s’y résout, mais oublie le plus souvent d’épingler l’insigne à sa boutonnière. Je suis un policier, « c’est mon métier, qui reste identique même quand l’Etat change », insiste-t-il, comme si cette posture était encore possible. Son seul souci: démasquer les coupables, faire triompher la vérité. Et quand il est sur une affaire, tenaillé par le besoin de savoir, il est pris par une véritable frénésie, une sorte de transe qui lui fait oublier tout le reste, y compris, parfois, sa fiancée Lorenza.

Et une tête sans corps….

« S’il n’avait pas trébuché, il serait mort ». Dès la première phrase, Carlo Lucarelli met son lecteur dans l’ambiance. L’objet gonflé et mou comme un oreiller dans lequel le visage de De Luca vient s’enfoncer est un corps. Un corps sans tête. Le commissaire et son équipe s’apprêtaient à prendre au piège un trafiquant dont la demeure regorge de saucissons, de jambons, de lard, de mortadelles, de savon, d’huile…et accessoirement de cocaïne. Par hasard, dans la maison d’à côté, ils tombent aussi sur un cadavre. Peu après, une tête est retrouvée, près d’une écluse, « une face hagarde comme celle d’un Christ en croix ». L’énigme semble résolue. Hélas, la tête n’appartient pas au corps. De Luca se retrouve avec deux meurtres sur les bras.

L’enquête, on le devine, va le conduire jusqu’au plus hautes sphères du pouvoir. Pas de quoi l’inciter à rebrousser chemin. En revanche, quand la Gestapo lui demande la liste des juifs de Bologne, De Luca se confronte aux limites de sa loyauté. Sa sécurité par ailleurs ne semble plus garantie. Que le lecteur se rassure, notre intrépide enquêteur va s’en sortir et faire triompher la vérité. Mais à quel prix….

 

« Péché mortel ». De Carlo Lucarelli. Traduit de l’italien par Serge Quadruppani. Editions Métailié, 256 p.

Mireille Descombes

Mireille Descombes

Scènes et mises en scène: le roman policier, l'architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d'art, d'architecture et de théâtre.

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A propos de ce blog

Scènes et mises en scène: le roman policier, l’architecture et la ville, le théâtre. Passionnée de roman policier, Mireille Descombes est journaliste culturelle indépendante, critique d’art, d’architecture et de théâtre.

Photo: Lara Schütz

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