Université: pour une culture politique de l’humanisme.

 

 

 

Aujourd’hui, l’université comme le système scolaire obligatoire, sont la cible d’une politique de la dégradation institutionnelle. Certains politiciens et experts économistes méprisent les sciences humaines qui sont au cœur de la modernité éducative et universitaire. Ils menacent ainsi les fondements démocratiques de la fabrication des savoirs dont notre monde déboussolé a besoin.

L’effet de vérité

Dans notre société que blessent les violences économique, politique et climatique, le progrès moral et les repères face au désenchantement collectif dépendent de l’autorité forte des sciences humaines. Elles sont la mémoire des droits sociaux, de la perfectibilité humaine et des conflits de l’histoire qui ont forgé notre monde.

Dans leur langage universel, la littérature, l’histoire, la sociologie, l’anthropologie et la philosophie disent notre dette au passé et nos engagements pour demain. En décryptant les nouvelles mythologies inégalitaires de l’ultralibéralisme et du sécuritaire, en montrant que nulle richesse sociale ou matérielle ne peut être produite contre l’individu, elles prouvent qu’aucune société ne peut être abandonnée aux forces économiques et politiques qui bafouent l’héritage de l’humanisme en voulant réguler la société selon les impératifs idéologiques du marché et de l’équilibre budgétaire.

Contre la posture d’autorité de l’économie qui intimide pour accroître ses profits, les sciences humaines répondront par l’effet de vérité des hypothèses et du plausible. Liées par nature aux institutions de santé, de justice et d’éducation (trois richesses inestimables de l’État démocratique), elles éclairent les horizons d’attente collectifs et attisent l’intelligence sociale, dont l’appétit de la lecture, le goût de la discussion, l’obligation critique et l’effort synthétique.

Contre le fanatisme

Au-delà de leurs objets et de leur méthodologie, les sciences humaines constituent les savoirs et les compétences indispensables au lien social dans la réciprocité du respect identitaire. Magistère dont l’actualité est particulièrement brûlante depuis la guerre que la nébuleuse terroriste et obscurantiste mène contre notre mode de vie démocratique en assassinant notamment des intellectuels parmi la masse des innocents massacrés et en broyant les joyaux culturels des civilisations (1). L’éducation humaniste reste la meilleure façon d’endiguer le fanatisme homicide et la barbarie culturelle ! Appelant à “tuer” des enseignants “mécréants” et “pervers” (Le Monde, 5 décembre 2015), l’État islamique guerroie contre la tradition humaniste de l’esprit critique.

Les sciences humaines irriguent l’université au-delà de la fracture institutionnelle des disciplines et des facultés. Elles garantissent la tradition académique comme espace qui lie le savoir gratuit aux connaissances ancrées dans les défis du présent – un espace où la flânerie intellectuelle n’est pas un crime de lèse-majesté. Dans un pays comme la Suisse  privé de toute richesse hors du tertiaire, l’université d’aujourd’hui comme garantie d’un État moderne reste avec le système scolaire (obligatoire, post-obligatoire) et les apprentissages professionnels l’ossature de la société démocratique et le poumon de l’économie nationale. Quiconque nie cette évidence ne comprend rien à notre singularité socio-culturelle face aux défis de demain.

Le contrat égalitaire de l’éducation publique

L’université est solidaire du « contrat égalitaire » que présuppose toute éducation publique dans le temps long de la réflexion, contre l’écume des modes consuméristes et des démagogies politiciennes. Avec la spécificité des études littéraires, de la philosophie, de l’histoire sociale ou des idées, du droit, de la théologie, l’université combat l’amnésie culturelle qui induit l’intolérance identitaire, le racisme et le discours politique dépourvu de tout fondement éthique. Les sciences humaines et exactes ne peuvent que s’allier dans l’université forte de ses moyens pour promouvoir les savoirs et les connaissances sur lesquels s’appuie un développement social égalitaire. L’Alma mater vit de l’impératif humaniste – « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – qui n’est pas réservé aux académies en Utopie. En formant les citoyens libres et les cadres éclairés de la société, l’académie leur apprend à penser la dimension humaine du lien social. Solidaire avec les institutions d’éducation non universitaires, de santé et de développement pour le progrès social, elle outille intellectuellement les individus pour questionner l’avenir des sociétés, étudier leur passé et concevoir leur imaginaire. Elle permet de penser le choix des politiques culturelles, éthiques et économiques qu’une société démocratique privilégie si elle veut effacer la précarité sociale au lieu de l’accroître.

Le temps long de la pensée critique

Matrice des sciences humaines, l’histoire, comme l’écrivait l’immense Georges Orwell (1903-1950) dans 1984 est un « palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que nécessaire ». À l’instar de l’histoire, les sciences humaines affrontent les menaces budgétaires et les politiques populistes qui vont en précariser les moyens et les périmètres institutionnels, tout en démoralisant les étudiants. Enfants des sociétés démocratiques, les spécialistes en sciences humaines donnent du sens au passé et au présent. Ils ne sont pas des experts qui travaillent dans l’urgence médicale, pénale ou boursière. Souvent marqués par des actualités dramatiques (guerre, précarité, totalitarisme, terrorisme), les grands livres en sciences humaines publiés depuis un siècle résultent d’enseignements universitaires, dans la longue durée de la réflexion, par des enquêtes sur le terrain, en archives, en bibliothèques et aujourd’hui sur la toile. A l’instar du temps scolaire, le temps académique est un temps long et coûteux comme celui de la démocratie : tel est le prix social de la connaissance indispensable à rendre les individus autonomes et créatifs.

Les sciences humaines ne sont pas vouées à étudier le passé à l’aune du présent, car elles forgent la conscience critique des femmes et des hommes d’aujourd’hui. Pivot de l’éducation publique qui autonomise les enfants, elles sont dépositaires du capital social et symbolique qui permet à une société de tenir debout. Leur responsabilité morale est donc élevée, comme le seront les moyens de chaque enseignant qui participe à la chaîne démocratique de l’éducation obligatoire, post obligatoire et universitaire. Toute politique niant ces évidences est suicidaire et ruine l’avenir des institutions d’éducation publique.

Armer la démocratie

Anthropologues, archéologues, juristes, théologiens, historiens, littéraires, philosophes, politologues, psychologues, sociologues, enseignants, chercheurs : unissez-vous avec les autres collègues de l’université! Il s’agit d’ouvrir  un front commun de résistance humaniste avec les enseignants de l’éducation publique obligatoire et post-obligatoire. Partout où cela est possible. La menace politique et budgétaire qui pèse aujourd’hui sur les systèmes d’éducation et les sciences humaines qui en sont la matrice doit unir dans la légitime défense spirituelle les savants, les enseignants et les intellectuels pour riposter démocratiquement à l’offensive obscurantiste contre l’école, l’éducation, la culture et l’université. Ni l’école ni l’université ne sont des entreprises privées. Elles ne peuvent pas appartenir à celles et à ceux qui aujourd’hui en fragilisent la destinée en jouant aux apprentis sorciers. Seule la société est dépositaire de ses institutions d’éducation qui doivent perdurer pour les générations futures.

Les sciences humaines éduquent les individus dont le monde de demain aura besoin. Elles forgent aussi nos rêves fraternels pour un monde meilleur. Les valeurs de l’humanisme critique, comme fondement de l’enseignement, sont les ingrédients du bien social et de la modernité démocratique. L’école et l’université en restent les pivots essentiels, n’en déplaise aux fanatiques obscurantistes. Unies, elles fabriquent les savoirs pour la défense même de la démocratie. En affaiblissant l’éducation publique, on désarme l’État démocratique, à l’instar de la guerre totale qui brise l’esprit par l’anéantissement des bibliothèques.

Avec Fabrice Brandli, UNIGE

  1. Paul Veyne, Palmyre. L’irremplaçable, Paris, Albin Michel, 2015.

Stratégie de l’effroi

patrouille-sécuritaire

Le terrorisme et la loi : la magistrale conférence donnée le 11 novembre, dans le cadre des Rencontres internationales de Genève devant 1500 personnes, par l’ancien garde des sceaux Robert Badinter prend aujourd’hui une singulière et éprouvante actualité. Avec hauteur et solennité, entre magistrat et tribun démocrate, après avoir souligné l’évolution du terrorisme ciblé (contre les fonctionnaires militaires, policiers, judiciaires et civils de l’appareil d’État) vers le terrorisme aveugle et collectif (masse des civils), Robert Badinter a rappelé une double évidence. Premièrement : la riposte au terrorisme ne peut que résider dans la vigilance et l’autorité forte de l’État de droit. Autorité forte ! À l’inverse, la juridiction d’exception est le piège liberticide que nous tend la nébuleuse terroriste. Cette idéologie de la mort en action qui métastase le corps social et mine le régime démocratique. Deuxièmement : le terrorisme est devenu une probabilité croissante dans les sociétés ouvertes et libérales que vomissent les adeptes de l’âge de fer. Vous « vivrez longtemps avec le terrorisme ! », a conclu lucidement Robert Badinter. Prenons acte !

Mass murder

Treize novembre, vendredi soir, dans la même ville, à la même heure, des individus paisibles croisent des tueurs déterminés qui les massacrent froidement. Du stade de France aux rues peuplées des 10e et 11e arrondissements, la tuerie de masse (« mass murder »), qui a endeuillé Paris, fait écho à celle de janvier 2015. Il s’agissait alors de liquider les héritiers libertaires de mai 1968. Maintenant il s’agit de plonger dans l’effroi la génération hédoniste des villes multiculturelles et cosmopolites (au moins 19 nationalités parmi les victimes) qui refusent l’intégrisme au nom de la diversité et de la liberté dans les relations humaines.

Le bain de sang du 13 novembre montre l’implacabilité de l’hyper violence de la guérilla urbaine. Sa nature imparable aussi, puisque la sécurité absolue est impossible dans les mégalopoles contemporaines. Il suffit de prendre un train à grande vitesse à une heure de pointe pour mesurer la potentielle vulnérabilité des gares : le risque zéro est utopique. Jailli de n’importe où, frappant froidement à l’improviste, évitant la confrontation directe avec les forces de l’ordre policières et militaires, tirant parti d’une connaissance fine du tissu urbain visé, l’action directe des tueurs en bande vise les points les plus vulnérables de nos villes aux sociabilités ouvertes – sportives, culturelles, fraternelles, festives, consuméristes.

Le feu nourri de la haine

Feu roulant sur les terrasses remplies de consommateurs,  liquidation haineuse du public juvénile du Bataclan (salle de spectacle) emporté par le rock californien : les méthodes des exécuteurs collectifs ressemblent aux tueries perpétrées par les commandos de la mort des régimes fascistes. La lâcheté est l’équation fondamentale du massacre urbain. La dysmétrie du passage en est la signature vile: des armes de guerre contre des corps désarmés, de l’acharnement contre des femmes et des hommes terrassés au sol. S’y ajoutent la fuite des assassins mais aussi leur anéantissement dans l’apocalypse meurtrière de l’auto-explosion (comment s’élabore un tel fanatisme ?). La scène du crime est une scène de massacre collectif couverte de centaines de douilles d’armes automatiques. Aveuglés par la haine, les meurtriers tirent à feu roulant. Inlassablement, en tenant le coup du meurtre de masse.

Se recueillir

Apresle 13NOvembre2015 (9)

Manifestations solennelles, recueillement et minutes de silence confortent évidemment notre fraternité humaine, religieuse et citoyenne avec les victimes de la mort planifiée. Rites  de passage émotifs pour surpasser la souffrance et fabriquer le deuil : ces gestes collectifs ou individuels rappellent notre attachement aux valeurs de la vie qu’abominent les mercenaires des massacres collectifs. Mais cela suffit-il ? De couronnes mortuaires en discours politiques solennels sur l’unité nationale, de minutes de silence en indignation émotive, pouvons-nous continuer à assister hébétés à la guérilla urbaine qui monte en force et en intensité ? Pouvons-nous continuer à vivre protégés par des forces policières et militaires en renonçant à nos sociabilités tout en étant plongés dans l’effroi collectif, perceptible hier aux quatre coins de “Paris endeuillé” ? Sommes-nous condamnés à nous incliner  drame après drame sur les traces sanglantes et les dépouilles meurtries du massacre urbain ? Aujourd’hui, des civils décimés, demain peut-être des hôpitaux ou des écoles dans la ligne de mire du terrorisme urbain en ses ramifications transnationales.

Riposter

Le fondamentalisme islamiste est intolérable à l’instar des autres fondamentalismes. Comment riposter à la stratégie de l’effroi ? Certainement pas en revenant sur les vieux refrains culpabilisants et culturalistes de la tolérance, ni en procédant à des amalgames fratricides. Tout revient maintenant sur les politiques nationales de sécurité. Depuis soixante-douze heures, la demande sociale de sécurité est palpable, alors que les forces de l’ordre sont au taquet !

Le défi terroriste est terrible dans sa complexité, notamment pour mettre fin aussi à ses effets  parmi les milliers de femmes, d’enfants et d’hommes qui au Proche-Orient en paient le prix fort.

Nulle réponse simpliste n’est crédible, dont celle des populistes qui font feu de tout bois dans leur volonté de clôturer dans la peur xénophobe nos sociétés multiculturelles, de jouer la carte des divisions fratricides et de dénoncer le “laxisme de la justice”. Si rétorquer démocratiquement à l’hydre du mal reste la priorité politique et juridique sous l’État de droit, il est évident que les prochaines et inévitables répliques terroristes contribueront à renforcer l’autoritarisme et les solutions sécuritaires de l’endiguement policier.

Emplie de la gravité républicaine, l’allocution du lundi 16 novembre de François Hollande devant le Sénat réuni à Versailles frappe par son fléchissement  sécuritaire (évitable ?),  mis encore sous la houlette constitutionnelle de l’État de droit. La guerre juste menée par une large coalition sera-t-elle, in fine, l’arme inéluctable du retour à la sécurité intérieure ? Nul ne peut le prédire. 

Penser

Rétorquer démocratiquement à la stratégie de l’effroi terroriste devrait amener  à évaluer lucidement ce qui, depuis une génération au moins, exclut de la République une génération issue de l’émigration. La génération perdue de l’éducation nationale. La génération renvoyée à l’impasse miséreuse de la ghettoïsation socio-culturelle, de la prolétarisation galopante, du délit de faciès, de l’accumulation des haines identitaires, du chômage incessant et de la survie dans la petite et grande criminalité organisée. Une marginalisation où le radicalisme islamiste enracine, avec une grande détermination politique, son idéologie totalitaire en recrutant, de manière directe ou indirecte, des activistes et des tueurs capables de répandre l’épouvante du terrorisme de masse comme forme supposée de la vengeance historique post-coloniale. Un recrutement de tueur au prix du suicide terroriste dans la haine sociale de tout mode de vie incompatible avec le fondamentalisme. Entre effroi collectif de l’hyper criminalité terroriste  et culture sécuritaire dont les effets politiques sont encore invisibles, nous pourrions vite atteindre une  forme inédite de vulnérabilité démocratique.

“Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur”. Robert Badinter (http://www.liberation.fr/societe/2015/01/07/).

Conférence de Robert Badinter (Rencontres internationales de Genève), 11 novembre 2015:https://mediaserver.unige.ch/fichiers/view/91605

 

 

 

 

 

 

 

 

L’embellie de bourreaux

Ultime maillon de la chaîne punitive, le bourreau est une figure sociale vieille comme le monde. Son infamie flétrissait celles et ceux qu’il anéantissait dans l’éclat du supplice :  “La marque du crime est incrustée sur mon front, je suis moi-même un criminel condamné pour l’éternité” – P. Lagerkvist (1891-1974), Le Bourreau (1933), traduit du suédois (1952).

Or, les bourreaux ont heureusement disparu des 97 pays abolitionnistes pour tout crime de droit commun, politique et militaire (dont l’Union européenne avec la Suisse). Au contraire de ce progrès pénal qui doit s’universaliser, les exécuteurs sont régulièrement actifs, notamment dans 31 États aux U.S.A., ainsi qu’en Chine ou en Iran. Le bourreau a d’ailleurs particulièrement la cote en Arabie Saoudite, de même que dans les zones terrorisées par  Daesh comme l’ont montré en 2015 les  égorgements commis par des sbires déguisés en exécuteurs.

Dans le royaume pétrolier, le bourreau a le statut de “personnel religieux”. Son traitement est au bas de l’échelle salariale de la fonction publique. Cette année, l’administration saoudienne a recruté huit nouveaux exécuteurs. La monarchie absolue islamique prévoit-elle l’augmentation des mises à mort, des mutilations corporelles et des flagellations jusqu’au sang pour des condamnés à des peines moindres? Depuis janvier 2015, 110 personnes, au moins ont été pénalement tuées sur les places d’Arabie Saoudite. Forte augmentation par rapport aux deux dernières années: 78 exécutions en 2013, 87 en 2014 (AFP)1. Femmes, hommes, ressortissants nationaux et étrangers: le sabre du bourreau saoudien est égalitaire.

Les condamnés politiques risquent gros. Âgé de 21 ans, fils d’un opposant au régime, torturé pour aveux, condamné à mort pour un “délit politique”, soit manifestation tenue contre le régime à l’âge de 17 ans, le jeune opposant chiite Ali Mohammed Al-Nim serait sur le point d’être décapité. Son corps crucifié sera exposé jusqu’au “pourrissement” pour intimider les récalcitrants à l’ordre royal.

Le spectacle de la douleur

http://www.alterinfo.net/photo/art/default/5147123-7681656.jpg?v=1358845613

Le spectacle de la douleur saoudien est immuable. Il mêle archaïsme et modernité. Le rituel suppliciaire repose sur la décapitation publique au sabre par l’exécuteur vêtu blanc que protège un cordon armé. Le supplicié est à genoux, parfois étendu au sol, parfois les yeux bandés. Le crime pénal accompli, suit la levée du cadavre mutilé par une ambulance. Homicide, viol, vol à main armée, sorcellerie, adultère, sodomie, sabotage et apostasie: fourre-tout sécuritaire, arsenal du maintien de l’ordre public, le contentieux capital du royaume saoudien ressemble comme une goutte d’eau à celui qui avait cours dans la monarchie de droit divin en France sous l’Ancien régime. De François 1er à Louis XVI, le supplice de la roue ou de la pendaison visait à réactiver publiquement la souveraineté absolue du roi que blessait le crime d’un sujet.

Ancien Régime

En Arabie Saoudite, la similitude pénale avec l’Ancien Régime européen va jusqu’à l’exécution publique du supplice par décollation. Censée intimider les éventuels délinquants, une telle publicité n’est que l’instrument répressif pour forger la discipline sociale et remettre les esprits déviants dans le droit chemin de l’orthodoxie politique et religieuse. Dans la France de Louis XV, le 1er juillet 1766 à Abbeville, âgé de 21 ans,le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre est condamné à mort et exécuté pour impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominable. Il aurait blasphémé contre une procession religieuse et tailladé un crucifix. Torturé pour aveux, il est décapité publiquement. Son corps mutilé est jeté au bûcher.

Après Voltaire et Beccaria, au nom des droits de l’Homme, l’Europe éclairée a vomi l’atroce exécution du chevalier de la Barre, réhabilité en 1793.

Que dirons-nous devant le sort funeste du jeune opposant politique Ali Mohammed Al-Nim si Ryad en décide la décapitation publique puis la crucifixion d’infamie? Quelle légitimité expiatoire donne de facto Riyad aux bourreaux recrutés par l’ “État islamique”? Comment inciter les États rétentionnistes à abolir cette culture de la mort pénale qui légitime les violences les plus archaïques ? Comment arrêter l’embellie des bourreaux?

1 Croisement de diverses sources émanant d’ONG.