© Arsène Doyon–Porret
Déconcertés.
Impuissance. Nous sommes les témoins décontenancés des mécanismes sociaux de le peur urbaine.
Celle qui réverbère l’offensive virale d’une grippe redoutable chez les plus âgés, mais peut être bénigne chez les enfants.
Le piège épidémique se resserre de jour en jour. Métropoles vulnérables du consumérisme en berne !
Peur collective : faut-il relire le début de L’Étoile mystérieuse d’Hergé (1942) ?
L’Italie du nord est maintenant placée en zone fermée: “zona rossa”. Le confinement s’étend à toute la péninsule: quel est l’État qui peut dominer une telle situation? Difficile à dire.
Notre désarroi augmente à la même vitesse que celui des autorités politiques. À quels saints se vouer pour rester de marbre ? La science vaincra le mal infectieux.
Faut-il céder à la panique ?
Céder à quoi… elle est là la panique. Elle fait dégringoler les cours de la bourse, flamber le taux de l’or, vider les restaurants, compliquer les échanges sociaux et saturer en France le Samu mais aussi fermer les écoles dont les préaux s’emplissent de la tristesse du vide.
Niveau d’alarme 1… 2… bientôt (disent-ils) 3.
Masques et solution hydro-alcoolique en ruptures de stock chez les pharmaciens.
Les boîtes de raviolis industriels disparaissent des rayons des supermarchés. Enfin une bonne nouvelle !!
Généraliser le télétravail ? Généraliser l’eucharistie virtuelle pour éviter les contaminations autour du bénitier ?
En temps réel, la statistique morbide focalise l’alarmisme médiatique.
Scoop ou éthique de la transparence ?
Quart d’heure après quart d’heure, France Info chronique l’avancée du fléau. À l’unité près !
La fièvre virale de l’information fiévreuse !
La bourse nationale aux contaminés et trépassés coronaviriens remplace celle des valeurs bancaires.
Souffrance en direct !
Police de l’épidémie.
Isolement des aînés. Traque du « patient zéro » à l’origine de la chaîne infectieuse, disent-ils.
Identification du cluster douteux. Dépistages des affaiblis. Hospitalisation des malades.
Les écoles et l’université en vigilance maximale. Le Recteur de celle de Genève actif sur la ligne de front !
Les salles de spectacle bientôt closes.
Les matchs de foot à huis clos !
Même le salon de la sacrosainte automobile fermé à Genève : c’est tout dire !
Quoi encore ?
Un peu de fièvre… faut-il courir à l’hôpital ?
Désarroi.
Quelques sourires complices dans la rue… beaucoup de méfiance sourde.
“J’ai mal à la gorge… tu crois vraiment que ?”
Rires salvateurs aussi :
“A Bruxelles, au bistrot, on commande deux Corona et une mort subite ! “
“Tu connais l’histoire de ce trapéziste qui est tombé au sol car son partenaire a refusé de toucher sa main !” ?
Au café du commerce, bientôt déserté, entre deux chopes tièdes (bouillon de culture ?), les commentaires inquiétants vont bon train.
Imaginaire xénophobe de l’effroi, apocalypse, solutions expéditives :
“Que font les autorités ? C’est la faute aux Chinois ! C’est normal ils mangent des singes, des rats et des serpents ! Même des ragondins de 7 kilos. Sans rien dire des pangolins avec leurs écailles ! Faut renvoyer tous les malades suspects chez eux. Et les Suisses, tu les renvoies où ? Ah oui t’as raison ! C’est sûrement un coup des Russes qui préparent l’offensive ! Non les Arabes qui se vengent ! T’as rien compris, c’est nettement Trump qui veut détruire l’Europe. C’est peut-être la fin du monde ! Tu crois que Dieu est fâché ?”
Au bord du terrain de foot, où le mercredi après-midi jouent les enfants rieurs, colère gratuite ! Murmures obsidionaux, œil noir, de mères qui en fulminent d’autres. Celle-là, elle n’a « certainement pas lavé les mains de son fils ! C’est honteux ! ». Déraison galopante !
Désarroi !
Bref, le complotisme, la méfiance fraient avec le populisme émotif.
Pourtant, « Y’a qu’à obéir… ! » Tout ira bien !
Rester à la maison, ablutions palmaires du matin au soir, masque chirurgical si besoin, « bonne » distance corporelle dans les lieux publics et les transports en commun, éternuements dans le coude (assez difficile en fait… le pli du coude est plus adapté !), mouchages prohibés, confinement domiciliaire, interdiction des rassemblements publics de plus de 1000 personnes, – voire moins avec des listes de présence pour remonter la piste virale… au cas où .
Se protéger pour protéger les autres.
Rôles et contrôle !
Surtout plus de bises et plus de poignées de mains.
On joue du coude pour se dire bonjour. L’épidémie grippale aggravée devient le cauchemar du pire des mondes possibles.
Une vraie dystopie avec la répétition générale en taille réelle de la gestion politico-sanitaire de la crise nationale.
Celle qui est attendue mais que tous redoutent.
Et les enfants dans le désarroi épidémique ?
Arsène 10 ans, matin-soir, dialogue et échange avec son père :
« Papa, il est vraiment terrible le coronavirus ? »
« C’est trop cool si on ferme les écoles ».
« Tu sais, je n’y pense pas, j’ai pas peur ».
« Papa, la bonne nouvelle, c’est que la pollution diminue, car les gens ne prennent plus l’avion ! »
« Sur le préau, les enfants sont protégés, y’a pas de copains malades ! »
« À l’école, on a la fiche technique avec la photo du virus : il est comme ça, rond avec des terribles antennes ! »
« Les Aliens, ils peuvent attraper la maladie ? Les stormtroopers, ça oui ! »
« La maîtresse, elle est rien chouette, car elle nous rassure ! »
« Si on fait comme ils disent, si on se lave bien les mains, il ne nous arrivera rien ! »
« Avec les potes à l’école, on parle du virus comme tout le monde, rien de spécial, juste les cas ».
« T’as vu papa, Genève devient une ville-fantôme ! »
« Papa, y’a des nouveaux morts ce matin ? »
La vie continue. Science et conscience….dans le tintamarre du désarroi.
Rassurer et protéger ! Surtout, ne pas manger de raviolis en boîte !
« Eh dis papa, on va se promener ? »
... ça c’est certain !