Henri Vernes, le père de Bob Morane fête son centième anniversaire

À Arsène –  dans l’aventure de la vie.

À Benoît – à l’autre bout du monde, voisin de la Manicouagan.

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Henri Vernes, Vous êtes né le 16 octobre 1918 à Ath en Belgique.

Bon anniversaire Henri Vernes !

Et merci !

Savez-vous Henri Vernes que des adultes présomptueux affirment que l’on sort de l’enfance le jour fatidique où l’on dépose tristement sur le trottoir pour s’en débarrasser un carton rempli des volumes de Bob Morane ? Ces aventures cosmopolites qui paraissent sous votre plume déjà aguerrie dans la collection populaire belge Marabout Junior en 1953 avec La Vallée infernale. Un aventurier est né.

L’aventurier

L’aventurier qu’incarne Claude Titre dans la série télévisée française en 26 épisodes réalisés avec des bouts de ficelle (Les Aventures de Bob Morane, 2 saisons 1964-1965). L’aventurier mis en onde radiophonique et que chante en 1982 le groupe Indochine en hommage fraternel. Héros d’une bonne centaine d’albums de BD, Bob Morane est l’héritier de la grande littérature populaire du XIXe siècle, de Jules Verne à Gaston Leroux.

Après La Vallée infernale : près de 250 romans en tout jusqu’à aujourd’hui. Traduits tout autour de la planète. À des millions d’exemplaires. Parmi eux, entre dévoilement du monde, récit policier, conte fantastique, croisade contre le mal ou space opera, d’inoubliables épisodes, dont La griffe de feu, Oasis K ne répond plus, La croisière du Mégophias, La marque de Kali, Le masque de jade, Les chasseurs de dinosaures, La cité des sables, ou encore L’orchidée noire, Les compagnons de Damballah, Le maître du silence, L’homme aux dents d’or, Les mangeurs d’atome, Le temple des crocodiles, Le masque bleu, Terreur à la Manicouagan, Le mystérieux docteur Xhatan, Organisation Smog, Le samouraï aux mille soleils, Le talisman des Voïvodes, Les cavernes de la nuit, Les spectres d’Atlantis – ou encore le cycle d’Ananké.

Depuis La couronne de Golconde, s’y ajoute la spectaculaire saga terrestre et intersidérale de l’Ombre jaune, alias Monsieur Ming, savant hors norme, quasi immortel et ambigu génie du mal. Avec ses Dacoïts et autres créatures ténébreuses, il mène la guerre totale contre l’humanité en raison du déclin matérialiste de l’Occident. Grâce à la complicité secrète et amoureuse de la splendide eurasienne Tania Orloff, nièce de Monsieur Ming, Morane le met invariablement en échec. Parfois en y laissant quasiment la vie.

Tout autour du monde

Autour de la planète bleue tellement malmenée aujourd’hui – mais aussi dans l’enchevêtrement temporel avec la Patrouille du temps du colonel Craig et dans les vestiges archéologiques de continents disparus comme l’Atlantide ou Mu avec son ami sexagénaire l’archéologue Aristide Clairembart – on y lit l’aventure sous toutes ses formes. La grande aventure qu’enfant vous quêtiez déjà dans les romans fleuves de Louis Boussenard comme Le Tour du Monde d’un gamin de Paris (1883). Celle plus noire que vous a insufflé votre ami Jean Ray (1887-1964), l’immense auteur gantois de chefs d’œuvre de la littérature fantastique comme Le Grand nocturne (1942) ou Malpertuis (1943).

Échos d’enfance

Savez-vous Henri Vernes que mes volumes jaunes puis blancs de la collection Marabout junior puis Pocket Marabout sont toujours religieusement classés dans l’une de mes dix bibliothèques ? À l’abri de la poussière. Dans la parage des collections d’ouvrages sur les Lumières, la criminologie ancienne ou la littérature ancienne et moderne. Comment en effet renoncer au prodigieux réservoir imaginaire de l’aventure selon Bob Morane ?

Y gisent épars des pans désinvoltes ou préoccupés de l’enfance. En émergent les odeurs fragiles et les souvenirs inaltérables de lectures diurnes et nocturnes. Du temps volé aux adultes lorsque avec Bob Morane on rêvait à un futur plus heureux qui n’arrivait pas.

Les années passent. Le médiocre papier d’imprimerie des aventures de Bob Morane se fissure sous l’éclat persistant des couvertures bariolées dessinées par Dino Attanasio ou Pierre Joubert. À chaque épisode, elles montrent l’héroïsme de l’aventurier au visage aquilin qui affronte le mal, le péril ou l’imminence de la mort : parachutage périlleux, noyade, crash aérien, assassinat, sacrifice rituel, lutte avec des fauves, corps à corps subaquatique, poursuites et joutes terrestres, maritimes et aériennes.

Combattre les raclures

https://live.staticflickr.com/1178/1289310435_fd07d3710e.jpgFlanqué de son faire-valoir le géant roux écossais Bill Ballantine – moderne Porthos – autant buveur de whisky que le capitaine Archibald Haddock, Bob Morane le polyglotte combat depuis 1953 les pires raclures de l’univers. Les ordures de tous les genres. Il les défie avec la force morale de l’aventurier inoxydable qui hésite à tuer et celle musculaire du jiu-jitsuan et karatéka hors pair. Sous toutes les latitudes, dans tous les bas fonds, tout y passe : écumeurs des mers, négriers, trafiquants de stupéfiants (La fleur du sommeil), kidnappeurs d’enfants, truands, marchands d’armes, saboteurs d’avions civils (Panique dans le ciel), espions tueurs, mafiosi (Échec à la main noire), braconniers d’espèces menacées (Le gorille blanc), pilleurs de vestiges archéologiques (Le secret des Mayas), tyran oppresseur (Le maître du silence) ou encore industriels pivots de dictatures militaires (Tempête sur les Andes), exploiteurs de misère, terroristes transnationaux du SMOG (Terreur à la Manicouagan), nostalgiques nazis avides de revanche raciste (Le cratère des immortels), politiciens corrompus.

 

L’éthos du justicier

Don Quichotte moderne fonçant en Jaguar Type E, Indiana Jones avant la date, redresseur de torts, protecteur de la veuve et de l’orphelin, le « commandant » Morane a un peu vieilli, malgré ses 33 ans. Comme tout un chacun. Parfois il se ressource dans son monastère médiéval auvergnat. Or est-il anachronique ce goût de l’aventure qui stimule l’ancien pilote militaire, polytechnicien, collectionneur d’ouvrages rares et journaliste intermittent au journal Reflets ? La quête du bien qui l’anime est-elle déplacée dans notre univers livré au mal multiforme qui jamais ne désarme ? Comme d’autres figures justicières, Bob Morane conforte l’imaginaire social d’un monde meilleur auquel nous rêvons faute de pouvoir l’édifier. Telle est la force libératrice de la fiction tout autour de l’éthos du justicier.

 

Prolongeons avec : Daniel Fano, Henri Vernes et Bob Morane, une double vie d’aventure, Bordeaux, 2007, Le Castor Astral ; Rémy Gallart et Francis Saint-Martin, Bob Morane, profession aventurier, Paris, Encrage 2007 ; Sylvain Venayre, La gloire de l’aventure : genèse d’une mystique moderne : 1850-1940, Aubier, coll. « Historique », 2002.

 

LDM 39

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Michel Porret

Professeur ordinaire puis honoraire (UNIGE), Michel Porret préside les Rencontres Internationales de Genève. D’abord libraire (CFC), il obtient sa maturité classique au Collège du soir avant un doctorat en histoire avec Bronislaw Baczko. Directeur de Beccaria. Revue d’histoire du droit de punir et des collections L’Équinoxe et Achevé d’imprimer (GEORG), il travaille sur la justice, les Lumières, l’utopie, la bande dessinée. Parmi 350 publications, dernier livre : Le sang des lilas. Une mère mélancolique égorge ses quatre enfants en mai 1885 à Genève, 2019. L'actualité nourrit son lien comparatiste au passé.

13 réponses à “Henri Vernes, le père de Bob Morane fête son centième anniversaire

  1. Vers 1960, un petit libraire de la rue Voltaire vendait les Bob Morane d’occase pour 1 franc. C’était trop cher pour les garder; alors le bandit en reprenait 2 et t’en donnait un autre… ce qui fait que je les ai presque tous lus, mais je n’en ai plus qu’un seul. Souvenirs lumineux de ces lectures dévorées. Merci de les avoir ravivées.

    1. Faites les marchés et les bouquinistes à Paris ou Bruxelles, on les trouve encore. Le seul soucis c’est si vous les désirez en éditions d’origines! Il y a aussi un club qui peut vous aider. Bonne chance.

  2. Que de souvenirs! J’attendais toujours avec impatience la sortie du prochain “Bob Morane”, que je dévorais immédiatement. Bon anniversaire Henri Vernes et merci pour nous avoir fait rêvé d’un monde où le droit et la justice finissaient toujours par triompher … et après quelles aventures!

  3. Eh bien, moi également je ne suis pas sorti de l’enfance. Dans ma cave, un carton est bien rempli des Vernes, héritage de mon frère aîné, qui les avaient lu un peu avant moi; je les ai connu d’abord par leur couverture, avec ces illustrations “réalistes” qui constituent une partie du charme de l’objet; j’attends de remonter le carton à la lumière quand mon fils sera en âge de lire! J’espère qu’il aura moins de cauchemars que moi avec les “Poupées de l’Ombre jaune”, qui m’avait bien effrayé.

  4. J’avais une douzaine d’années et je n’aimais pas beaucoup lire. Lors d’une visite chez un de mes cousins, je lui en fais la confidence et il me dit : “Tiens! Lis ça, tu m’en diras des nouvelles…” et il me prête “Le Samouraï aux mille soleils”. De retour chez moi, je le lis d’une traite, je suis emballé. Je retourne voir mon cousin : “Passe m’en un autre!” Il avait le sens des affaires, ce cousin, et peut-être aussi, étant mon aîné de deux ans, des lectures plus substantielles. Alors il me vend toute sa collection (une trentaine de volumes Marabout Junior) pour 5 francs. J’avais quelques économies, j’ai cassé ma tirelire et j’ai passé des heures sous les draps avec une lampe de poche à lire en cachette mes précieux Bob Morane. Par la suite, où que j’aille, il fallait que j’achète d’autres volumes que l’on ne trouvait plus qu’en Pocket Marabout. Je les ai lus, je les ai relus et je les ai toujours, et je les lis encore. C’est mon fils désormais qui m’offre ceux qui me manquent et qu’il dégotte dans des bouquineries ou sur le Bon Coin.
    Désormais à la retraite, j’ai repris la lecture de ma collection, en suivant l’ordre des publications : source de plaisir inépuisable, source de découvertes en tous genres, je n’en finis pas de m’extasier à chaque volume devant le génie, l’inventivité et la culture de M. Henri Vernes. A 100 ans, ce jeune vieillard, peut se réjouir d’avoir donné à la jeunesse le goût de lire et de lui avoir inculqué des valeurs humaines qui non seulement sont toujours d’actualité mais prennent un sens encore plus fort à notre époque.

  5. Bonjour,

    j’aimerais préciser que Bob Morane n’est pas karateka mais jiu-jitsuan. Monsieur Dewisme était membre du même, club que moi càd L’Académie Belge de Jiu Jitsu sous la direction de Maître Georges Leroy.

    Monsieur Dewisme fait d’ailleurs référence à la fin de ‘l’ombre jaune’.

    Salutations distinguées

    1. Mais à la fin du Masque de Jade Bob annonce vouloir se rendre au Japon pour y apprendre le karaté dont les atémis et autres coups fatals lui serviront tout au long de ses aventures, notamment contre la sulfureuse Miss Ylang-Ylang!

  6. Grand lecteur de Bob Morane dans ma jeunesse j’ai perdu de vue ses aventures à partir du 100eme Commando Épouvante, pris par les études et la lectures d’autres auteurs. Maintenant à la retraite et par ailleurs grand amateur de science fiction ( qui constitue la plus grande partie de ma bibliothèque ) je découvre qu’autre la série de l’ombre jaune qui flirte avec la SF Henri Vernes a écrit plusieurs dizaines d’aventures de Bob Morane se déroulant dans l’univers de la SF. Or je ne sais plus ou trouver des volumes de Bob Morane actuellement , les Editions marabout n’existant plus ou du moins de faisant plus paraitre ses aventures. J’ai toujours conserve une dizaine de romans de bob motrane . Ou peut-on trouver actuellement des reeditions ou des n° de Bob Morane???

    1. Bonjour
      Je suis exactement dans le même cas que vous. J’avais laissé Bob et Bill après leur 100 ème aventure.
      Un jour la passion m’a repris et j’ai complété ma collection jusqu’au numéro 200 (Les Secrets de l’Ombre Jaune) en me les procurant en parfait état (car pour moi les Bob Morane c’est sacré!) sur les sites Price Minister et E Bay. Depuis je les relis sans me lasser.
      Cordialement
      Jean-Michel

  7. Cher Bobmoranophile,
    Ayant les 142 Bob édités par Marabout, les 46 de la collection Fleuve noir, je complète actuellement ma collection des 68 Bob Morane en poche édités par Claude Lefrancq, collections facilement achetables en occasion sur internet (rakuten ou ebay ou abebooks ou amazon ou fnac par ordre croissant de prix).
    Je relis les Bob nouvellement achetés avec un réel plaisir d’adolescent alors que je viens de commencer une nouvelle vie de retraité.
    Ne pas négliger les bd dont certains sont de toute beauté.
    Je ne néglige pas les romans de SF et les classiques de la littérature (Mr. Pickwick en livre de poche actuellement).
    Relire un Bob, c’est retrouver les membres familiers d’une famille.
    En espérant que cela vous aide à retrouver votre adolescence.
    A l’attention du génie créateur des Bob Morane:
    Merci infiniment, M. Henri Vernes ainsi qu’à l’ensemble de vos pseudonymes, pour tout les plaisirs de lecture que vous m’avez offerts.
    Très longue vie à vous.
    J’ai gardé précieusement une lettre que vous avez eu l’amabilité de m’adresser dans les années 80.
    Bien amicalement, car c’est bien une relation d’amitié que vous avez établi avec vos lecteurs.

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