La chaîne du pénal
Sourd à l’opposition parlementaire, judiciaire, politique et syndicale, le magistrat préfère la sécurité privée à celle qu’assurent les fonctionnaires assermentés de l’État. Des contraintes budgétaires motivent en outre ce recours à des agents externes à la fonction publique: il serait moins coûteux de privatiser la sécurité que de la garantir avec les moyens publics !
Éthique du glaive
Il est aisé à un observateur sourcilleux de remarquer que le convoyage privé semble renouer avec l’économie de la chaîne de l’Ancien régime affermée à des entrepreneurs qui en tirent bénéfice.
Est-il vraiment souhaitable que le monopole de la violence de l’État pénal puisse ainsi générer le bénéfice économique d’acteurs privés ? Certainement inhérent au marché de la sécurité et des missions régaliennes, le clientélisme politique est-il compatible avec l’impartialité de l’État pénal ? Punir est une fonction trop grave pour en dénaturer les fondements étatiques par idéologie sécuritaire et contrainte budgétaire. Déplorer la privatisation croissante des tâches régaliennes de sécurité et de justice est moins une “posture idéologique” qu’une mise en garde démocratique contre la généralisation de tels usages.
Question: comment colmater la brèche croissante de la privatisation de la sécurité publique ?
Dans certains contextes politiques et sociaux, cette privatisation des tâches régaliennes de l’État ne peut être que liberticide. Au-delà du problème sectoriel des douze agents de sécurité privée qui assureront, bon an mal an, le convoyage des détenus entre les lieux de détentions et le palais de justice, la privatisation des tâches régaliennes pose très largement le débat démocratique sur la nature institutionnelle et le fonctionnement de l’appareil judiciaire. L’éthique pénale n’est pas compatible avec des intérêts privés. A moins de retourner vers l’Ancien régime des délits et des peines.
Aujourd’hui il est aisé de privatiser le convoyage des détenus. Demain, des compagnies commerciales offriront peut-être d’autres services judiciaires et policiers (arrestation, garde à vue, interrogatoire, etc.) dont le coût avantageux pourrait mener l’État à soumettre encore davantage sa souveraineté régalienne aux lois du marché. Que deviendront les libertés et les droits des justiciables dans la marchandisation générale et la privatisation du glaive ?
Attention, Robcop veille au grain sécuritaire !
(1) Sur la sécurité privée du transport des forçats ferrés sous l’Ancien régime, voir le beau livre de Sylvain Rappaport, La chaîne des forçats, Paris, Aubier, 2006.
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