Post Scriptum

Avocats: tous voleurs ?

“Punaise ! 600 balles de l’heure ! Ils s’en mettent plein le pognes” serait-on tenté de dire en lisant l’article consacré notamment à l’Etude Schellenberg Wittmer paru vendredi dans Le Temps sous la plume de Ghislaine Bloch.

“Un taux horaire atteignant jusqu’à 700 francs de l’heure” précise un sous-titre de l’article et cela m’a interpellé. Je trouve déjà fort de café d’être facturé 140 francs de l’heure par mon garagiste qui, soit dit au passage, a dû acheter du matériel parfois fort coûteux, alors 600 francs de l’heure pour un “bavard”, cela semble énorme !

Oui, mais…faisons un petit calcul pour voir cela de plus près. Une année de travail compte quelque 1.820 heures. Un(e) avocat(e) ne peut pas facturer la totalité de ces heures, ne serait-ce qu’à cause des recherches, des déplacements, de la réflexion, etc. Donc, en gros, il/elle peut facturer quelque 1.300 heures par an. Plus si il/elle travaille plus que la moyenne des gens ou si, comme dans le cas de l’Etude citée, c’est une exigeance.

Pour un collaborateur pouvant facturer 350 francs de l’heure, cela correspond à un chiffre d’affaires de 455.000 francs par an pour l’Etude. Admettons que ce collaborateur gagne 250.000 francs par année (un bon salaire certes, mais rien d’exceptionnel), il coûte donc quelque 320.000 francs à l’Etude, charges sociales (AVS, Chômage, LPP, etc.) incluses. Si on ajoute encore sa part aux frais généraux (loyer, réception, secrétariat, communications, informatique, etc.), soit environ 50.000 francs par an, il rapporte quelque 85.000 francs par an aux associés, propriétaires de l’Etude. Sympa et plutôt bon à prendre…

Passons aux associés qui eux, peuvent facturer quelque 600 francs par heure. Cela correspond à 780.000 francs par an. Comme l’Etude évoquée est organisée en société anonyme, ces associés ne sont donc pas des indépendants, mais des salariés de leur société. Sur ces 780.000 francs, un bon 25 % part en charges sociales. Il reste donc 585.000 francs, moins la participation aux frais généraux, donc mettons qu’en en gros il leur reste un “salaire” de 500.000 francs par an. Super ? Certes, c’est mieux payé que manutentionnaire, mais moins que nombre de chirurgiens et qu’un directeur de banque.

Par contre, là où effectivement, les associés doivent se faire du blé, c’est en “exploitant” leurs collaborateurs (voir ci-dessus) et leurs stagiaires. Au sujet de ces derniers, ils ont beau dire qu’un stagiaire, cela prend du temps à former, j’affirme (ayant moi-même été stagiaire avant de passer mon brevet d’avocat) que nous effectuons le même travail que n’importe quel avocat, expérience en moins. Or donc, ces derniers gagnent en général entre 3.000 et 4.000 francs par mois. Mettons 3.500 francs en moyenne. Ils coûtent donc à l’Etude quelque 75.000 francs par année, charges sociales et participation aux frais généraux inclus.

Comme on leur demande de facturer quelque 1.450 heures par an à 200 francs de l’heure, cela correspond à un chiffre d’affaires de 290.000 francs pour l’Etude et donc, cette dernière encaisse quatre fois plus d’un stagiaire que ce dernier ne leur coûte ! Un sympathique “bénéfice” de 215.000 francs par stagiaire.

Donc, les 210 collaborateurs et quelque 20 stagiaires (entre les bureaux de Genève et de Zurich) de Schellenberg Wittmer pourraient rapporter plus de 20 millions de francs par an à ses 42 associés…

Ce que Benjamin Borsodi, managing partner ne dit pas (mais le lui a t-on demandé ?) est ce que gagnent réellement les avocats associés d’une grande Etude. La réponse ? Au minimum 1 million de francs par an, souvent beaucoup plus.

Quant aux avocats indépendants, il y a de tout: ceux qui peinent à gagner de quoi vivre, ceux qui se débrouillent pas trop mal et un petit 10 % (c’est mon estimation perso) qui se font plus de 3 millions de francs par an, comme un certain conseiller national genevois qui aime beaucoup se voir dans les media ou un chevalier de naguère au fume-cigarette en acajou et au vocabulaire fleuri.

P.S: je précise que ces chiffres – qui me semblent proches de la réalité – se basent une une estimation personnelle et non sur les déclarations d’impôt des diverses personnes concernées…

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