Post Scriptum

(Au) Nom de Dieu !

« Non ! » tonna Cesla Amarelle, la pétulante Conseillère nationale, « Cela ne se passera pas comme ça !»

Pourtant, tout avait bien commencé. Dieu avait pu créer le ciel et la terre sans la moindre opposition. Les choses se gâtèrent toutefois rapidement. A peine s’était-Il exclamé « que la lumière soit ! » que Mme Amarelle fustigea ce « ton dictatorial, contraire à nos traditions démocratiques » et que par la voix de Ueli Leuenberger, les Verts exigèrent que l’énergie utilisée pour cette lumière provienne exclusivement d’éoliennes fabriquées en métal bio. Les socialistes, qui n’aiment pas se faire prendre de vitesse par les écolos, annoncèrent immédiatement que l’exploitation des masses laborieuses, y’en avait marre et qu’on ne forcerait pas les travailleurs à faire des heures supplémentaires pour faire face à la demande de lumière « Si négociations il doit y avoir, ce sera à la condition préalable qu’il n’y ait pas de conditions préalables » fit savoir le Président Levrat. Soucieux de montrer qu’il existait, Heinz Karrer, patron de Economie Suisse proposa donc la création d’un groupe de travail dont la tâche consisterait à mandater des d’experts dont la tâche serait d’animer une table ronde pour débattre du projet. Ce n’est qu’après que Dieu eut expliqué que la lumière proviendrait d’une grosse boule de feu dans le ciel, qu’il obtint le feu vert. Et la lumière fut.

Le second jour, ce fut le pied : personne ne s’opposa à la séparation entre ciel et terre – même si Bertrand Piccard fit savoir qu’il n’en voyait pas vraiment l’utilité.

Le troisième jour, catastrophe ! A peine Dieu avait-il crée les arbres, les fruits et les végétaux que Manuelle Pernoud, dans un « Spécial A Bon Entendeur » exigea que les produits de cette création soient bien conformes à l’ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires. Christophe Blocher, interrogé par l’excellent Alain Rebetez, poussa une beuglante, comme quoi le bon peuple suisse n’avait « ni envie, ni besoin de produits étrangers », fut-ce des fruits et légumes. Quant à la Fédération romande des Consommatrices, elle insista sur un étiquetage rigoureux et détaillé. Un peu las, Dieu confirma dans l’après-midi que les fruits et végétaux qu’il venait de créer seraient produits sans pesticides. Dans les minutes qui suivirent, les actions de Monsanto et Syngenta perdirent plus de 80 % de leur valeur. « Une situation qui montre une fois de plus la passivité de notre gouvernement » clama Patrick Odier, au nom de l’Association Suisse des Banquiers.

Le lendemain, Dieu se mit tôt à l’ouvrage, créant la différentiation entre le jour et la nuit, les étoiles et l’organisation des saisons, des jours et des années. Ce fut un box monumental. Le standard de la RTS explosa sous les appels paniqués des téléspectateurs qui prenaient les étoiles pour des OVNI. Interrogée par l’ami Darius au TJ, Doris Leuthard annonça qu’elle aurait préféré une journée de 34 heures, vu que « chai peaucoup à faire et qu’une chournée de 24 heures est pas assez». Elizabeth Teissier fit savoir qu’elle avait prévu tout cela dans son livre paru l’an dernier et qu’il convenait simplement de savoir lire entre les lignes. Quant à Christian Lüscher, jamais en retard d’un p’tit coup de pub et proche, comme on le sait, du petit peuple, il affirma que le PLR lancerait tout prochainement une initiative populaire « pour que le peuple soit consulté sur le calendrier de saisons ».

Le cinquième jour ne fut guère plus propice aux projets divins. Certes, les poissons peuplèrent les océans et les oiseaux le ciel, mais le WWF peupla les ondes radio. « Les espèces doivent être répertoriées et protégées » fit savoir son porte-parole qui précisa : « il fait interdire aux animaux de manger d’autres animaux, sinon ce sera l’anarchie et la disparition programmée de certaines espèces ! ». Le lobby des assurances maladies demanda immédiatement au Conseil fédéral de leur accorder une hausse des primes, vu le risque important de voir ces animaux transmettre des maladies aux humains.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, on aperçut Joseph Jimenez et Severin Schwan, respectivement patrons de Novartis et de Roche s’envoyer un magnum de Château Pétrus chez Benoît Violier à Crissier (14.300 francs sur la carte). Car qui dit « maladies » dit « médicaments » et qui dit « médicaments » dit « Roche et Novartis ». Quant au commandant de corps André Blattmann, il se contenta de souhaiter que les pigeons aient un statut spécial, « leur utilité en temps de guerre n’étant plus à prouver ». Enfin, Christian Grobet, qui n’aime pas qu’on l’oublie, il fit savoir, au nom de l’Asloca, qu’ »aucune dérogation aux absences de demande d’autorisation refusées ne serait accordée ». Une fois de plus, personne ne comprit de quoi il parlait.

En ce soir du cinquième jour, Dieu était inquiet. Il avait prévu pour le lendemain, de créer les autres espèces animales et L’Homme, qu’il voulait à son image. Or, il venait d’être informé par les services de M. Schneider-Ammann que l’article 354 alinéa 3 de la loi sur le travail interdisait toute création les samedis et dimanches et que par ailleurs, fallait tenir compte des délais référendaires. Dieu alla donc consulter Raymond Lorétan, un PDC dont la modestie était aussi légendaire que son réseau. Moyennant des honoraires que la pudeur nous empêche d’évoquer ici, ce dernier lui proposa une étude détaillée et analytique des divers éléments de la création divine en vue de les rendre conformes aux nombreuses normes en vigueur. Le tout en un maximum dix-huit mois.

Dieu, qui avait aussi prévu de dire aux Etres Humains « croissez et multipliez et peuplez la surface de la terre » fut pris d’un grand doute – et d’un gros coup de blues. Avait-elle vraiment raison de vouloir peupler la terre de gens avides de pouvoir, belliqueux et plus enclins à expliquer les problèmes qu’à chercher des solutions ? Quelques verres de Damassine plus tard, elle se décida d’aller de l’avant. Et c’est ainsi que les 10 commandements se sont transformés en dizaines de milliers de pages de lois, règlements, arrêtés et ordonnances fédérales, cantonales et communales, les unes autorisant « à condition que… », les autres interdisant « à l’exception de… ».

Comme le disait naguère le chansonnier Gilles : « chez nous, tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire ». Santé !

Note : ce texte est satirique et les personnes citées n’ont jamais prononcé les mots qui leur sont attribués. Je précise, parce qu’on ne sait jamais…

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