Etude Corodis: Un dangereux malentendu

Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux.

Eugène Ionesco, La cantatrice chauve

Fin juin, la Corodis1 sortait une étude portant sur l’état des arts de la scène en Suisse romande2. Ce travail de recherche a été commandé par la CDAC3 et fait directement écho à la pandémie.

Comme toute crise, celle-ci aura agi en révélateur photo, montrant aux pouvoirs publics que la précarité matérielle, tant de fois décriée par les professionnels du domaine, était une réalité. On peut déplorer qu’il ait fallu une mise à l’arrêt du secteur et les nombreuses procédures d’indemnisation pour que cela devienne une préoccupation, mais mieux vaut tard que jamais.

Encore que, l’adage voulant que la route de l’enfer soit pavée de bonnes intentions ne sera pas démenti avec le cas de cette étude et de la tournure qu’a pris le débat à son sujet, qui crée un dangereux malentendu.

Paresse médiatique

 

Tout commence avec une dépêche de l’ATS. Comme son nom l’indique, le journaliste s’est dépêché de faire une pige sur un rapport de près de 100 pages… fatalement, le papier rate le cœur de l’étude (la précarité) pour se concentrer sur une de ses causes présumées: le système des arts de la scène – et ses compagnies indépendantes en premier – connaîtrait une “surchauffe”, mot pudique qui se traduit chez tout lecteur par “surproduction”. Parfaite amorce pour des débats animés: Voilà qu’après avoir été considérés “non-essentiels”, les acteurs culturels seraient trop ou, à tout le moins, trop productifs. Et nombre de médias de suivre la même ligne4. A l’aube de l’été, souvent morne en actualités, belle aubaine. Au point de faire interrompre sa fraîche retraite à un ancien red en chef pour ressasser des lieux communs5.

Tout cela sans qu’aucun ne prenne véritablement la peine de lire l’étude en entier au préalable, évidemment, ni même d’interroger les principaux concernés. Preuve en est l’absence totale de représentant-e-s de la scène indépendante dans les quelques débats occasionnés.

Ce qui devait arriver arriva et le directeur d’une institution au budget confortable de tenir un discours aussi fallacieux qu’outrancier sur une télé régionale6 en accusant les Cies indépendantes de concurrence déloyale. Cela pourrait prêter à rire tellement le grief est hors-sol (on rappellera que la notion toute libérale de concurrence libre et non-faussée interdit l’action de l’Etat… alors que son institution n’existe que grâce à la manne publique, ce qui en fait l’exemple-type de la concurrence déloyale au sens de l’Ecole de Chicago!), mais le risque demeure que cette intervention ancre une perception biaisée de l’étude dans le débat public.

Pour faire bonne mesure, la RTS emboîte le pas7 et c’est une autre direction d’institution qui met en garde face à la recommandation de l’auteur de l’étude d’augmenter le soutien aux Cies indépendantes, au prétexte que de telles augmentations se feraient “au détriment des institutions” dont le budget stagne et qui s’affaibliraient. Quand on sait que l’institution que cette personne dirige soiffe à elle seule 40% du budget cantonal dévolu aux arts de la scène8, ça ne manque pas de sel!

Pauvres riches et salauds de pauvres

 

Cette approche jésuitique de l’étude découle de deux facteurs. Le premier, sur lequel je reviendrai plus bas, tient à ses lacunes en termes de champs d’analyse. Le second provient du fait que l’étude dit la responsabilité des institutions dans la précarité ambiante. La festivalisation de certaines saisons y est pointée. Comprenez que le nombre de spectacles proposés augmente à mesure que leurs temps de jeu s’amenuisent. De plus en plus, mais de moins en moins longtemps. L’autre aspect mis en lumière est la tendance de certaines institutions à rogner les prix d’achat des spectacles – comptant notamment sur les fonds de la Corodis pour combler le manque. Dernier élément souligné par l’étude: la part parfois trop faible d’emploi régional dans ces institutions.

Ces trois points peuvent expliquer pourquoi certaines directions ont préféré dégainer en premier, défendant leurs prés carrés face aux précaires.

Mais ils leur serait délicat de s’en sortir sans les lacunes de l’étude, qui facilitent la mauvaise foi.

Des angles morts pourtant cruciaux

 

La question des salaires tout d’abord. L’étude indique un médian de 6’000 francs pour les employés des institutions (en CDI) et de 2’700 pour les cies indépendantes (en CDD). Cela donne l’impression que les salaires passent du simple au double selon le circuit professionnel. Mais cette impression est fausse car il n’est pas tenu compte des indemnités chômage.
Ainsi, les 2’700 francs ne représentent pas le montant brut d’un salaire mensuel, mais le lissage des revenus annuels du travail sur 12 mois. Pour expliciter, cela représente par exemple 6 mois de travail à 5’400.- de salaire mensuel brut, étalés sur une année, comme si aucun autre argent ne venait le compléter. Ce qui n’est pas la réalité.

Quand la même étude indique que 59% de la production romande est réalisée à Lausanne ou Genève, on comprend aisément que personne ne peut vivre dans ces villes avec 2’700 francs. L’écart est donc comblé par les indemnités chômage. En oblitérant cet apport capital, c’est tout bonnement le statut d’intermittent qui est omis par l’étude. Une omission lourde de conséquences car elle conduit à faire peser des soupçons de sous-enchère salariale totalement infondés sur les Cies indépendantes.

Un autre angle mort, encore plus déterminant pour qui veut saisir convenablement la situation, est l’absence complète de données sur le financement public. Cette absence surprend d’autant plus que l’étude ayant été commandée par les services culturels cantonaux, on aurait pu imaginer les chiffres à disposition et que leur propre action serait aussi soumise à examen. Force est de constater que non et cela fausse complètement les conclusions de l’étude.
Car, soyons sérieux, si le sujet est la précarité, ses causes comme ses remèdes, alors la question du financement public est absolument centrale.
Les questions au cœur du problème sont celle des montants globaux et de leurs variations et celle, toute aussi déterminante, de leur répartition entre institutions et Cies indépendantes. Car si l’on veut faire à ces dernières le mauvais procès de leurs conditions salariales, la moindre serait de le mettre en lien avec les moyens à leur disposition.

Pour donner un exemple, aux chiffres connus, dans le Canton de Neuchâtel9, le budget global dévolu aux arts de la scène est de 1.2 millions de francs. Sur lesquels 976’000 francs vont aux institutions (3), festivals (4), compagnies conventionnées (4) et à la Corodis, quand 126’000 francs seulement vont aux projets des Cies indépendantes10. En gros, 80% contre 10% et ces minces dix pour-cents seraient “concurrence déloyale” et existeraient au détriment des institutions? Quelle mauvaise blague!

De la même manière, si l’étude mentionne bien que le mode de soutien public joue un rôle dans le foisonnement de projets, cet aspect est trop peu développé. Il est en effet souligné que les pouvoirs publics soutenant quasi exclusivement la production pure d’un spectacle, les compagnies sont amenées à chercher à produire le plus possible pour vivre. Cela parce que ni le nécessaire travail de recherche, ni celui des reprises ou de l’élaboration de tournées n’est vraiment soutenu. Si l’on complète cette donnée par le fait que les temps de jeu se réduisent, on voit bien que ce système ne peut conduire qu’à la « surchauffe » mentionnée. Elle est un effet et non la cause de la précarité.

Pour saisir d’où elle provient, il faut impérativement ajouter le volet des montants à disposition des compagnies indépendantes et les mettre en rapport avec ceux consacrés aux institutions et avec les emplois créés. C’est à leur lecture que l’on comprend que la précarité matérielle est inévitable: à moyens constants pour soutenir de plus en plus de projets, les soutiens se réduisent comme peau de chagrin. C’est cela qui conduit les Cies à produire d’autant plus pour assurer leur survie et la boucle de la “surchauffe” est bouclée.

L’étude est également borgne sur deux aspects d’importance. Le nombre de travailleurs et le public.

Si l’étude montre bien une augmentation des emplois, elle ne dit rien du nombre effectif de travailleurs dans le domaine. Or, nous l’avons vu, une personne connaîtra plusieurs emplois dans une année, ainsi en va-t-il d’un secteur qui fonctionne par CDD et par intermittence. Pourtant, la croissance des emplois est mise en avant comme indicateur de la « surchauffe »

et même comme cause de celle-ci. Outre qu’il est particulier et rare de lire une étude socio-économique aborder l’augmentation de l’emploi avec perplexité, on voit que cette seule donnée est borgne si elle n’est pas reliée au nombre effectif de travailleurs derrière ces emplois.

Parce que, restons sérieux, si la conclusion devait être qu’il y a trop de travailleurs dans le domaine, alors deux mesures absentes du rapport devraient être prises sur le champ: fermer la haute école de théâtre, la Manufacture, qui met des dizaines de nouveaux travailleurs sur le marché volée après volée. Et il restera encore la seconde, à savoir déterminer qui ira dire à des personnes ayant 10, 15, 20 ou 30 ans de métier qu’il faut se reconvertir. Et sur quels critères?

Dernière lacune de l’étude: le public. Elle le regrette d’ailleurs et tente malgré tout de lui accorder un chapitre, mais faute de données, il reste hélas bien vide. Cette absence de chiffres de fréquentation est d’ailleurs assez étonnante, puisqu’après tout, c’est bien le public qui est le destinataire des productions en question.
Ayant été longuement interrogé par l’auteur de l’étude, j’ai eu l’occasion de lui dire ce que m’ont enseigné mes quelques 20 années de métier: on ne joue pas longtemps devant des salles vides. Et seule l’absence chronique de public pourrait permettre d’affirmer qu’il y aurait « surproduction ».

D’ailleurs, si l’étude avait des éléments sur les travailleurs du domaine, il serait intéressant de voir le nombre d’abandons dans les 5 à 10 ans suivant l’entrée dans le métier. Un métier merveilleux, mais aussi dur moralement et matériellement. Comme en témoignent les Cahiers noirs de l’intermittence11, publiés il y a 10 ans – démontrant que le problème ne date pas d’hier ni de l’augmentation des emplois pointée par l’étude.

Réinventer… la roue

 

Avec de telles lacunes, l’étude échoue fatalement à proposer des solutions portant en elles une amélioration concrète de la situation matérielle des travailleurs des arts de la scène.

Ainsi est-il proposé de multiplier les contrôles. Outre que cela crée une suspicion généralisée sur les employeurs indépendants, une telle mesure est superflue en diable: le soutien au projet obligeant à rendre des comptes à chaque dépôt de dossier. Le contrôle est donc déjà permanent. Une des raisons de cette volonté de contrôle est le deuxième pilier, auquel il serait demandé de cotiser dès le premier franc (comme cela est exigé à Genève). Seulement voilà, cette mesure est inopérante de l’avis même de la caisse de pension concernée (Artes&Comoedia) qui a bien dû constater que les montants cotisés sont si faibles que rares sont les rentes en découlant, la plupart des assurés encaissant un capital au moment de la retraite. Cela parce que les salaires sont trop rares et/ou trop bas. On ne peut donc détacher la question de la prévoyance de celle des salaires. Ce qui nous ramène aux montants des soutiens publics.

Il en va de même pour ce qui regarde l’adoption d’une charte, qui ne mange certes pas de foin, mais qui a déjà existé au début des années 2000, sous l’égide de BASIS (défunt Bureau des arts de la scène et des indépendants du spectacle), qui l’avait édictée pour créer un rapport de confiance avec les soutiens publics. Sans que cela ait été suivi d’effets concrets de leur côté. La même association réclamait d’ailleurs déjà des soutiens dans la durée pour les Cies indépendantes. Rien de nouveau en coulisses, donc.

Or, la mesure fondamentale pour répondre à la précarité des travailleurs du domaine, si elle est mentionnée dans l’étude, n’apparaît pas dans ses conclusions: augmenter les moyens dévolus aux Cies indépendantes. Cela pour permettre d’améliorer les conditions de travail, de financer non plus la seule production mais aussi tous les autres aspects nécessaire à celle-ci, d’augmenter les salaires, d’améliorer les futures retraites et de soutenir le magnifique élan créateur qui habite la scène romande.
Tout comme le missionnement des institutions pour accueillir au mieux la production romande est une condition sine-qua-non pour permettre de maintenir le nombre actuel de travailleurs des arts de la scène tout en ralentissant le rythme de création. C’est cela qui permettra de prolonger les périodes de jeu – soit en création, soit en tournée – et donc les périodes d’engagement des travailleurs.

Ces éléments ont d’ailleurs été évoqués dans une récente tribune du Syndicat suisse romand du spectacle (SSRS) parue dans Le Temps12.

Sans augmentation de moyens, viendra alors la tentation d’une sélection élitaire ou à l’audimat. Mais comme elle ne fera pas disparaître par magie les personnes déjà actives dans le domaine, elle se traduira donc par un transfert de charges du chômage à l’aide sociale pour les “déclassés” (et dont les cantons ne sortiront pas gagnants) et par la violence sociale qu’une telle option contient en elle. Sans parler de l’appauvrissement d’une offre culturelle qui perdra de sa diversité, comme en témoignent les réactions à Bienne face à la volonté de l’exécutif de diminuer de moitié l’enveloppe dédiée aux soutiens aux projets13.

Alors, que les augustes membres de la CDAC entendent cette vérité de La Palisse: pour résoudre le problème de la précarité, il va falloir bourses délier! Comme le disait Jean Vilar: “L’art n’a pas de prix, il a un coût.

Illustration: photographie d’un théâtre abandonné, Buffalo, État de New York, USA.

  1. Commission romande de diffusion des spectacles www.corodis.ch
  2. https://drive.switch.ch/index.php/s/bWJRY97xBwtg37A
  3. Conférence des chefs de service et délégués aux affaires culturelles https://www.ciip.ch/La-CIIP/Organisation/Conferences-de-chefs-de-service/CDAC
  4. https://www.laliberte.ch/news/suisse/une-suroffre-artistique-650852 ou https://www.lenouvelliste.ch/suisse/arts-de-la-scene-une-suroffre-entraine-une-precarisation-des-artistes-1193878 entre autres articles
  5. https://www.letemps.ch/opinions/suisse-romande-y-spectacles
  6. https://www.lemanbleu.ch/fr/Emissions/98175-Geneve-a-Chaud.html
  7. https://www.rts.ch/info/culture/spectacles/13222982-ralentir-pour-mieux-lutter-contre-la-precarite-dans-les-arts-de-la-scene.html
  8. Panorama, page 8, ligne TPR https://www.ne.ch/autorites/DESC/SCNE/Documents/PANORAMA_2019-2020.pdf
  9. Idem
  10. Idem. En 2019, on voit que 20 projets ont été soutenus via cette enveloppe. Cela représente une moyenne de 6’300 francs par projet. Soit à peine plus que le coût d’un mois de travail au minimum syndical SSRS-UTR, cotisations comprises.
  11. https://lecourrier.ch/2011/11/29/le-cahier-noir-qui-fait-mal/?
  12. https://www.letemps.ch/opinions/arts-spectacle-quils-mangent-brioche?
  13. https://www.grrif.ch/articles/bienne-met-sa-culture-au-regime-la-comedienne-pascale-gudel-monte-au-front/?

Matthieu Béguelin

Saltimbanque protéiforme, tour à tour comédien, metteur en scène, podcasteur ou auteur, Matthieu Béguelin se consacre au théâtre sur les planches et le bitume comme sur les ondes. Cinévore et phile, il défend la liberté artistique comme condition première de la liberté d’expression.

11 réponses à “Etude Corodis: Un dangereux malentendu

  1. Intéressant. Beau développement.
    Cela me rappelle que lorsque j’étais directeur d’une galerie d’Art et d’une association à but non lucratif ( le tout, bénévolement sans salaire), mon champs d’action culturel n’appartenait tout simplement pas au monde du spectacle, lui-même scindé entre culture et loisirs de masse.
    Il eût fallut pour être pris au sérieux, se baptiser «  lieu d’Art Contemporain », et n’avoir strictement rien à vendre. Nos autorités ne s’intéressaient qu’à soutenir soit la culture de loisirs de masse, soit une culture de prestige apte à damer un tant soit peu le pion aux grandes structures des villes « phares »
    À la fin, c’est l’audimat et le snobisme qui emporte les mises.
    Dans le monde des officialités politiques et des administrations autorisées, très peu de choses changent avec le temps.

  2. Il y a trop, c’est certain. L’Etat ne peux pas soutenir de la médiocrité parce que ces personnes se sentent artistes.
    Dans quel métier, la personne incompétente reçoit une aide de l’Etat.
    Un spectacle où quelques bobos font présences ne mérite pas d’aide. Des incompris ? Si c’est le cas l’auteur devrait changer de job.
    L’art ce n’est pas de se dire artiste, mais de faire partager de l’émotion et parfois un message. Un message sans émotions, ce n’est pas de l’art.

    Dans quel pays autant d’argent est donné à la culture? Dans un bassin romand, la qualité est en proportion et visiblement il y a trop de pseudo artistes. Il vaut mieux bien soutenir la qualité que de fonctionnariser la médiocrité.

    C’est quoi ce tabou à protéger la médiocrité parce que le rêve, c’est d’être artiste? C’est ridicule.

    Augmenter les moyens de la culture n’est pas la solution, puisque chaque année des écoles sortent des pseudo artistes. Ça n’aurait pas de fin.

    Le public est un bon critère, l’art c’est fait pour transmettre, pas pour faire de l’entre-soi entre bobo. Il y a déjà trop d’argent dans la culture, des salles vides. Un pays riche peut subventionner n’importe quoi, mais avec un crise économique, ce ne sera plus possible.

    Que la culture populaire, la culture de qualité soient subventionnées, oui, le reste non.

    C’est le public qui fait l’artiste, ce n’est pas le fait de s’autoproclamer artiste.

    1. Hahaha, en tous les cas, vous maîtrisez l’art du trolling. Quand bien même je vous dirais bien, Motus, de rester bouche cousue, j’ai quelques questions:

      1. Sur quels chiffres vous basez-vous pour dire qu’il y a « trop »?
      2. Êtes-vous sûr du sens de « médiocrité »?
      3. Qu’est-ce que la “compétence” en termes artistiques?
      4. Qui décide de qui est un artiste?
      5. Sur quel critères?
      6. Qui mesure qu’une émotion soit passée? Et sur quels critères objectifs?
      7. Quel argent? Vous avez des chiffres?
      8. C’est quoi, la “qualité” pour un spectacle?
      9. Le critère du public ne se trompe-t-il jamais? Balzac, Modigliani, Mozart, Manet, etc?

  3. Excellente analyse, merci!
    Le monde artistique est un monde difficile à évaluer à l’aune des critères communément utilisés (économiques). Je partage votre avis qu’il faut créer un terreau suffisamment favorable pour que puisse émerger des projets indépendants intéressants. Je me demande toutefois si il ne manque pas parfois quelques compétences (marketing, économiques, etc.) à ces artistes indépendants ? Comment faire pour leur faciliter l’accès à ce type de compétence?

    1. Merci de votre commentaire. Ces dernières années, passablement de choses sont entreprises niveau administration ou marketing, notamment via les institutions. Cependant, le nerf de la guerre est le même: sans moyens supplémentaires, difficile d’engager ces compétences quand le financement du volet artistique est ténu.

  4. Cher monsieur, vous êtes désarmant de naïveté (ou alors vous faites exprès). Vous devriez lire Bourdieu, qui pourtant n’était pas vraiment de droite…
    Les institutions qui touchent les subventions sont légitimes, celles qui visent à en obtenir ne le sont pas ou sont en voie de légitimation.
    On évitera de s’étendre sur les divers aspects qui permettent de dire qui est légitime, qui ne l’est pas et qui est en voie de l’être, mais d’un point de vue financier, si chaque membre de compagnie indépendante touchait 6000 francs et bien ça susciteraient de nouvelles vocations qui elles-mêmes ne toucheraient que 2700 francs et ainsi de suite quoi qu’on en dise.
    Par ailleurs, le monde change, cela n’a pas dû vous échapper… Si aujourd’hui, plus de gens préfèrent passer leur temps devant Netflix et les jeux vidéo qu’au théâtre et au cinéma, qu’y peut-on ? A-t-on subventionné le music hall et le caf conc’ sous prétexte que l’industrie du disque leur faisait une concurrence inadmissible, et l’industrie du disque sous prétexte que Spotify ne respecte aucune règle.
    D’un point vue plus local, on remarquera aussi que les artisans boulangers cèdent chaque jour devant la grande distribution et qu’on ne les subventionne pas… mais qu’il arrive à certains d’entre eux qui font un pain exceptionnel de résister et même plus… Le Monde a fait un article sur ce sujet pas plus tard qu’hier !

    1. C’est dommage, d’entrée de cause, d’évacuer la démonstration de la légitimité, ça vide votre première affirmation.

      Ensuite, la culture n’est pas soluble dans le marché. Cela parce qu’elle ne produit pas en soi de la valeur d’échange, mais de la valeur d’usage. A quoi on ajoutera que l’aspect industriel qui existe dans certains domaines (cinéma et musique principalement) nous enseigne qu’il est à l’opposé de la créativité. Remix perpétuels, remakes et suites qui s’enchaînent sans la moindre innovation de fond ou de forme, rien qui participe à l’évolution du domaine ou de la société. Tout comme le pain précuit vendu dans les grandes surfaces n’innove rien et n’a aucune particularité.
      Par ailleurs, on notera que les cinémas qui proposent autre chose que les blockbusters sont justement subventionnés.

      Ensuite, comme dit tant dans l’étude que dans ma critique, il n’y a pas de chiffres sur la fréquentation. De là, je me demande bien sur quoi vous vous basez pour dire que les gens préféreraient les jeux vidéos ou Netflix. Outre que ça n’est pas le sujet du présent billet, il est ridicule d’opposer ces activités au fait d’aller au théâtre ou au cinéma. Ce ne sont pas des expériences du même ordre. D’une part le théâtre est un art vivant, ce que n’est pas le cinéma, et d’autre part la dimension commune de l’expérience n’a rien à voir avec un plateau télé dans son salon.

      A ce propos, puisque vous citez Bourdieu, vous devriez (re)lire ce qu’il a écrit sur la télévision. Ça devrait suffire à ne pas se féliciter de la tendance que vous avancez.

      Enfin, lisez l’étude, vous comprendrez peut-être ma critique – ce que vos propos sur les salaires pratiqués sont loin de prouver.

  5. Hahaha, la culture aime la censure, semble-t-il. Dommage car mon commentaire n’avait rien d’injurieux – à moins qu’il ne soit injurieux de parler de « naïveté désarmante ». J’imagine donc que c’est l’argumentation qui ne vous plaît. Bel exemple du sens du dialogue qui vous anime et qui en dit long sur votre conception du public et de l’art. A deux ou trois, il y a moins de risques… « et que pas une oreille ne dépasse, je déclame ! »

    1. Aucune censure, juste que je ne passe pas ma vie collé à un ordinateur ou à un téléphone… 2h d’attente, quelle terrible souffrance!

  6. Merci ! Vraiment cela fait du bien de lire un discours cohérent sur une analyse quelque peu orientée politiquement. Mais toutefois je me demande quel est le but de cette étude ?
    Un aquarium sans poissons?

    1. On peut en effet se le demander. Selon comment elle sera utilisée, elle pourrait servir de caution “scientifique” pour casser les reins de la scène indépendante. Cela équivaudrait à un massacre social pour la profession, dont les seules planches de salut seraient celles d’institutions qui créent bien moins d’emplois que les Cies indépendantes. Cela en suivant l’adage qui veut qu’on ne prête qu’aux riches.
      M’est avis qu’elle dit surtout la relative méconnaissance du fonctionnement des arts de là scènes de la part des pouvoirs publics. Ils n’ont toujours pas saisi qu’un domaine fonctionnant en écosystème ne peut voir un de ses éléments en danger sans que l’ensemble le soit.
      A nous, une fois encore, de le leur expliquer…

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