La réduction du temps de travail avec le même salaire : UNE solution à bien des maux !

Les femmes qui gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes, une productivité du travail qui ne cesse d’augmenter, des inégalités qui se creusent toujours plus, un jour du Dépassement de la Terre qui avance année après année sont autant d’exemples qui démontrent que l’économie actuelle met sous pression notre société, la santé des travailleuses et travailleurs et notre environnement. 

Même s’il y a des mesures ciblées pour chacun de ces exemples, une solution commune existe: Il s’agit de la réduction du temps de travail à salaire égal !

 

Depuis plus d’un siècle, la revendication de réduction du temps de travail revient dans les discussions politiques et syndicales. Déjà en 1886, une manifestation pour la journée de huit heures tournait au massacre à Haymarket Square à Chicago. Trois ans plus tard, en souvenir, la Deuxième internationale proclamait le 1er mai “journée de lutte du mouvement des ouvriers et ouvrières”. En 1918, la réduction du temps de travail fait partie des revendications principales de la Grève générale menée en Suisse. Le mouvement féministe a contribué à ces luttes. Les féministes voulaient et veulent encore aujourd’hui obtenir également que le travail de reproduction soit aussi reconnu comme un travail socialement nécessaire et que le travail, rémunéré comme non rémunéré, soit réparti plus équitablement. Cette revendication figure d’ailleurs dans le manifeste de 2017 « Pour un socialisme pleinement féministe » des Femmes socialistes suisses repris par le Parti socialiste suisse et dans le manifeste de la grève des femmes du 14 juin 2019. Depuis, une motion de Tamara Funiciello a été déposée au Conseil national et sera prochainement débattue.

Une revendication syndicale, politique et féministe qui se révèle également écologiste. En effet, le mouvement de la Grève pour l’Avenir en fait son thème principal de la journée de mobilisation du 9 avril prochain.

Une solution résolument féministe

 

Aujourd’hui encore, le travail rémunéré et le travail reproductif non rémunéré sont répartis de manière très inégale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, les femmes participent de plus en plus à l’activité professionnelle et travaillent plus que les hommes si l’on fait l’addition du travail non rémunéré et rémunéré. Ainsi, 9,2 milliards d’heures de travail non rémunéré ont été effectuées en 2016, pour une valeur de 408 milliards de francs, dont deux tiers par des femmes. Malgré cela, elles gagnent toujours environ 20% de salaire en moins. Cette répartition inégalitaire ne désavantage pas seulement les femmes dans leur vie professionnelle. En effet, en cas de divorce et séparation ou lorsqu’elles partent à la retraite, elles ne parviennent guère à se constituer un capital suffisant dans le deuxième ou le troisième pilier. Un tiers des femmes n’ont pas de deuxième pilier et elles disposent en moyenne d’une retraite inférieure d’un peu moins de 37 % à celle des hommes. Une situation qui augmente le risque pour les femmes de se retrouver dans une situation précaire et qui s’observe également par le fait que les femmes sont plus tributaires que les hommes  de prestations complémentaires. Ce sont là quelques unes des raisons pour lesquelles les féministes de gauche disent non à AVS21.

 

La réduction du temps de travail à salaire égal est une réelle opportunité pour davantage d’égalité. Réduire le temps de travail offre plus de temps pour le travail reproductif et permettra ainsi de tendre vers une meilleure répartition à la fois du travail rémunéré et du travail reproductif au sein d’un couple, et donc d’améliorer la conciliation entre travail et vie privée. Cette solution permet ainsi de réaliser deux avancées: une répartition plus juste des revenus et de la fortune et une meilleure reconnaissance du travail de care.

 

Une proposition qui profitera aux travailleuses et travailleurs

 

La santé psychique et physique des travailleuses et travailleurs est mise à mal. Les résultats de récentes études démontrent que le Job Stress Index moyen des personnes actives en Suisse s’est encore détérioré en 2020 et cette détérioration est considérée comme étant significative par rapport aux indicateurs des enquêtes de 2014 et 2016.

Bien que la productivité ce cesse d’augmenter, nous en sommes toujours à des cadences de plus de 40 heures de travail hebdomadaire. De plus, les salaires réels stagnent. Une croissance importante du montant total des grandes fortunes durant ces dernières années, ainsi qu’une répartition de la richesse toujours plus inégale sont observées. Le système actuel se fonde sur la maximisation du profit individuel. De plus, les grandes entreprises n’ont eu aucun scrupule à reverser des dividendes et de maintenir des écarts salariaux moyen allant jusqu’à 1 :137. Sur la base de ce constat, les gains de productivité doivent être mieux redistribués et il n’est que justice que les travailleuses et les travailleurs qui génèrent ces gains puissent également en profiter. Et la réduction du temps de travail à salaire égal permet cette redistribution plus juste.

Qui plus est, introduire une telle mesure ne retire pas un volume de travail du marché du travail, mais le répartit sur davantage de personnes. La réduction du temps de travail à salaire égal permet ainsi de créer des emplois par le partage, tout en œuvrant à une répartition plus juste des revenus et de la fortune, voie royale vers une plus grande justice sociale. Ceci est d’autant plus important dans un monde du travail, où le travail manuel est remplacé par l’automatisation. Il en va de même pour la numérisation croissante.

Les fruits des progrès technologiques doivent profiter à toutes et tous et non uniquement servir à augmenter les profits des plus riches. De plus, l’Islande donne l’exemple: la semaine de quatre jours y a été expérimentée pendant 4 ans avec des résultats positifs. La productivité de l’économie n’a pas diminué, au contraire, et le bien-être au travail a augmenté.

 

Une mesure pour permettre un avenir sur notre planète

 

“Il n’y aura de véritable protection du climat que si le capitalisme est fondamentalement modifié”, affirme l’écrivaine et activiste canadienne Naomi Klein. En effet, le système actuel se fonde sur la maximisation du profit individuel et beaucoup y sont perdantes et perdants dans le monde. Pour une meilleure qualité de vie pour toutes et tous, le besoin de structures collectives qui favorisent le bien commun, l’équilibre et la justice semblent évidents. De même, un changement des circuits d’échanges commerciaux est nécessaire, pour miser sur la proximité.

La réduction du temps de travail est également bénéfique pour le climat car elle permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’exploitation des ressources naturelles par une baisse substantielle des rythmes de travail. Quand on sait que les 1 % les plus riches de la planète émettent 30 fois plus que les 50 % les plus pauvres (et 175 fois plus que les 10 % les plus pauvres, on comprend l’importance d’une meilleure répartition des gains de productivités et la réduction du temps du travail à salaire égal y contribuerait.

La consommation fait partie des enjeux de la reconversion écosociale de l’économie mais les choix de production le sont encore plus. La production ou plutôt la surproduction est aussi génératrice de gaspillage. Un gaspillage qui doit cesser et qui peut être atténué par une réduction du temps de travail.

 

La lutte continue !

Les cinquante ans du suffrage féminin au niveau national, voilà ce que nous fêterons le 7 février. Il aura fallu attendre le début des années 1970, alors que les femmes s’engageaient et se mobilisaient dans les mouvements de gauche depuis la fin du 19e siècle.

 

En 1918, Rosa Bloch-Bollag, présidente de la commission de l’agitation des femmes du PSS et seule femme du Comité d’Olten, fit intégrer la revendication du droit de vote des femmes à l’appel à la Grève générale. Même si ce ne fut pas la revendication la plus soutenue à l’époque, cela a toutefois permis de déclencher un débat politique sur les droits des femmes. Plusieurs propositions ont ensuite été faites au Parlement fédéral, mais il a fallu attendre 1959 pour que des femmes suisses puissent s’aventurer dans un bureau de vote. C’était en Valais, à Unterbäch, où le Conseil municipal avait décidé que les femmes de la commune devaient participer à la votation fédérale sur l’introduction d’un service obligatoire pour les femmes. Verdict du scrutin national ? 51,9 % de non.

 

Cette votation et surtout les débats qui l’accompagnèrent ont convaincu le Conseil fédéral de proposer un vote sur le suffrage féminin. Ainsi, en 1959, après un processus parlementaire quelque peu étonnant (les opposants ont accepté, pour ensuite encourager les citoyens à refuser), les deux tiers des hommes suisses qui ont voté ont dit non au suffrage féminin. Ils refusaient tout simplement aux femmes de faire entendre leur voix. De nombreux autres pays avaient pourtant introduit le suffrage féminin depuis le début du 20e siècle.

 

Ce revers ne reflétait toutefois pas la volonté de tous les cantons, puisque à Neuchâtel tout comme dans le canton de Vaud, le suffrage féminin a été accepté en 1959. C’est ainsi que la socialiste Hélène Chollet-Dubied est devenue la première conseillère générale élue en Suisse, à Colombier. Ce fut ensuite au tour de Raymonde Schweizer d’être la première députée. Notre canton, pionnier, a rendu audible la voix des Neuchâteloises en 1960.

 

Il fallut attendre le vote positif des hommes suisses, le 7 février 1971, après plusieurs mobilisations – des femmes mais aussi des mouvements de jeunesse ou étudiants –, pour que les Suissesses aient enfin le droit de vote et d’éligibilité à l’échelon national. Une victoire pour la démocratie, les droits humains et surtout pour la moitié des personnes du pays. Enfin, notre voix pouvait être entendue !

 

Cinquante ans. Un constat s’impose : tous les droits ont été obtenus après de longs combats. Le combat pour une société plus féministe n’est pas encore arrivé à son terme, nous le savons. Ce jubilé est néanmoins l’occasion de rendre hommage à Rosa Bloch-Bollag, Emilie Liberherr, Hélène Chollet-Dubied, Raymonde Schweizer et encore à toutes les femmes qui se sont battues, chacune à son niveau, durant cette longue lutte.

 

 

Une reprise pourra-t-elle être sociale, solidaire et écologique ? Elle le devra !

Vendredi 15 mai. En temps « normal », nous serions des dizaines de milliers à croiser les bras et / ou à descendre dans la rue pour sauver le climat. La Grève pour l’Avenir était annoncée de longue date, et les mobilisations amorcées en 2019, autant par la grève féministe que par les mouvements pour la défense de l’environnement, étaient plus que motivées pour remettre l’ouvrage sur le métier.

 

Las ! Au lieu de ça, depuis mars, nous sommes donc confiné-e-s, puis déconfiné-es, et ceci même dans un pays où le libéralisme économique a si bonne presse. Reste donc une question : comment va-t-on relancer notre pays ? Comment réussir à repartir sans foncer droit dans le mur en oubliant les questions sociales, migratoires et environnementales, sacrifiées sur l’autel de l’économie ?

 

Comment construire un avenir durable sur le plan écologique et social ?

 

Même si les émissions de CO2 ont tendance à baisser en période de crise, l’histoire a montré qu’elles remontent dès que l’économie reprend. Un fait qui persistera si nous ne revoyons pas notre modèle économique et notre façon de vivre, de consommer, de nous nous nourrir ou encore de nous déplacer. La crise sanitaire que nous vivons actuellement est le fruit de notre politique en matière environnementale. Alors certes, des mesures ont été prises, parfois avec retard, mais comment faire confiance aux scientifiques qui sont souvent annonciateurs de mauvaises nouvelles ? Devrons-nous attendre que les répercussions sur la santé soient réellement visibles et encore plus concrètes pour changer de cap ? Je ne l’espère pas.

 

Les projections sont claires : si nous ne le changeons pas de cap, dès 2030, ce seront 250’000 décès par an qui seront dûs à des causes environnementales : stress thermique, malnutrition, paludisme et dysenterie, sans compter tous les impacts économiques qui y seront liés. Bien sûr, l’Europe ne sera pas le continent le plus concerné, mais agir à tous les niveaux reste primordial sous peine de voir ces maux s’étendre à la planète entière. Après le colibri, le pangolin nous a montré comment un geste semblant anodin pouvait avoir un effet décuplé sur l’ensemble de la société.

 

La crise que nous traversons a démontré que nous pouvons réagir vite, voire très vite quand il y a urgence sanitaire. Qui aurait pensé qu’il était possible d’arrêter le trafic aérien ? Profitons donc de cette crise pour en tirer des opportunités : réfléchir à notre manière de consommer, de voyager, de vivre et d’évoluer. De construire ce fameux monde « d’après ». A ce prix, et seulement à ce prix, une transition écologique réussie serait possible… Cette crise sera-t-elle un détonateur suffisamment puissant ? Rien n’est moins sûr. Il faudrait des décisions politiques claires, des remises en question en profondeur de notre économie. Mais les croyances ont la peau dure : les dernières revendications de l’USAM en sont la preuve. Chiffres, profits, dividendes, aucune recherche d’équilibre, de notion de durabilité et surtout de solidarité. Avec si peu de considération pour les êtres humains, difficile de se mettre à se préoccuper des ressources naturelles, du climat et donc des générations futures.

 

Le temps est pourtant venu de bouter les visions mercantilistes et conservatrices hors de notre système de pensée. Place à «Grève pour l’Avenir – le Manifeste» ou encore au « Manifeste d’après », pour ne citer que ceux-ci. Place à une relance qui garantit une répartition des richesses, la justice sociale, la solidarité, une économie de proximité et les circuits courts ou la formation continue pour toutes celles et ceux subissant la transition technologique.

 

P.S. : Et non, mille fois non : l’aviation ne deviendra pas climato-compatible.

 

Écologie et féminisme, même combat ?

En fin d’année 2018, cette phrase de Françoise d’Eaubonne résonnait dans ma tête « Le rapport de l’homme à la nature est, plus que jamais, celui de l’homme à la femme. Il s’agit d’empêcher que ce rapport de destruction se transforme aujourd’hui en celui d’assassinat »[1]. Pour l’écologie ou pour le féminisme, nous devons mener des combats contre la loi du plus fort, des combats pour un développement durable. Cette phrase de F. d’Eaubonne a beau dater de la fin des années 70, elle a encore tout son sens en 2018.

 

Une année 2018 marquée par la mobilisation féministe, d’abord latente ensuite grandissante. Mois après mois, ça s’active, ça chauffe dans les milieux féministes, dans les collectifs cantonaux, pour une grève des femmes, une grève féministe le 14 juin prochain. Une mobilisation bouillonnante qui fait suite au mouvement planétaire #MeToo, mais pas seulement. En effet, la Suisse n’est pas épargnée par les discriminations envers les femmes. En février de cette année, l’OCDE dévoilait que la Suisse tenait la 26èmeposition au glass-ceiling index, juste devant la Turquie. Insupportable? Oui, totalement pour un pays riche et développé comme le nôtre. Et ceci alors que la Suisse a adhéré à l’Agenda 2030 de l’ONU dont plusieurs des objectifs sont en lien avec l’égalité des sexes[2].

 

En parallèle à ces mobilisations citoyenne, politique et syndicale, un autre sujet brûlant, un autre mouvement citoyen s’enflamme. Face à une atmosphère qui se réchauffe, la population de notre pays, de notre planète, manifeste son mécontentement par rapport à la l’inaction de nos gouvernants. Alors que tous les voyants sont au rouge vif et que les experts scientifiques interviennent à toutes les occasions possibles pour le faire entendre, la population est en effet en droit d’attendre autre chose. Les articles, émissions et reportages s’enchainent à ce propos et depuis peu, on évoque même un mouvement du type « grève du climat » qui germe chez les jeunes, l’avenir de notre pays. Voilà un signal fort envers les politiciens suisses pour qu’ils apportent des réponses claires et rapides, et surtout prennent leurs responsabilités ! A quand une réelle démocratie écologique ?

 

Deux mouvements, deux combats mais une seule manière d’y répondre de la majorité parlementaire. Le camp bourgeois fait fi de la moitié de la population, tout comme de l’avenir de notre planète et donc de notre société. Quelle arrogance ! Cela en devient insupportable !

 

Une arrogance qui ne tient pas compte des revendications des femmes d’un côté et d’une remise en cause de notre façon de consommer de l’autre. Les réponses libérales sont toutefois toujours les mêmes : « cela coûtera trop cher à l’économie » ; « laisser faire le marché, cela va s’autoréguler » ; « cela va prendre du temps, mais… » et pire encore, certains arrivent se convaincre que les mini-réponses apportées seront appropriées. Des postures hautement paternalistes ! Pas de mesures concrètes pour atteindre l’égalité salariale, tout comme pour faire face à la précarité chez les femmes – ceci alors que, rappelons-le, plus de 20’000 personnes défilaient dans les rues de Berne le 22 septembre dernier (une première prise de température pour le 14 juin 2019) – et, in fine, aucune avancée dans la politique climatique.

 

Mais finalement ce sont toujours les plus démunis économiquement qui font les frais de cette politique de l’autruche. Par l’immobilisme qui en découle, les femmes sont toujours discriminées sous nos latitudes et elles subissent de plein fouet la crise climatique dans les pays où des conflits en découlent. Et dans notre pays, les bas revenus devront constater dans un avenir proche que les mesures d’adaptation au climat ne sont accessibles que pour les riches. Quand on sait que les femmes seules avec enfants sont un des groupes à plus haut risque concernant la pauvreté, l’inaction contre la crise climatique ne pourra qu’accroître, une fois de plus, les inégalités. Des inégalités dénoncées en France et qui pourraient expliquer la forte présence des femmes dans le mouvement des gilets jaunes.

 

L’année 2018 restera toutefois marquée par une avancée parlementaire. Le 5 décembre dernier, l’Assemblée fédérale a élu, le même jour, au premier tour, deux femmes Conseillères fédérales. Si l’on peut s’en réjouir pour la représentation des femmes en politique et donc pour une meilleure démocratie, en est-il de même pour la question climatique ? Même si on se souvient de la décision de la sortie du nucléaire, qui avait été prise avec une majorité de femmes au Conseil fédéral, il n’est pas dit qu’il en ira de même pour le défi climatique. Je n’en sais rien, j’attends de voir. La seule chose dont je suis convaincue en ce moment, c’est qu’écologie et féminisme resteront mes combats pour 2019, pour plus d’égalité, pour plus de justice écologique et sociale !

 

 

[1]EAUBONNE, Françoise d’, 1978 Écologie/féminisme. Révolution ou mutation ? Paris, Éditions ATP.

[2] Les indicateurs du développement durable en lien avec l’égalité des sexes sont décrits positivement car une amélioration est visible. Toutefois, si l’on prend la tendance actuelle pour l’égalité salariale par exemple, il faudra attendre 2045 pour l’atteindre.

Egalité au sein de l’Université, est-ce demander la lune ?

Il y a exactement 20 ans, je débutais mes études en Sciences de la Terre à l’Université de Neuchâtel. Lors de cette rentrée, chose exceptionnelle, nous étions une quinzaine d’étudiants alors que les moyennes précédentes tournaient autour de quatre à cinq étudiants. Chose encore plus exceptionnelle, dans cette volée, nous étions sept femmes. Quasiment la parité. Notre volée a ainsi marqué le changement de certaines habitudes dans ce monde plutôt stéréotypé masculin. Nous avons mis fin à cette idée que la géologie était un monde essentiellement dominé par les hommes. Durant nos études, nous avons eu l’occasion d’assister à l’engagement de plusieurs femmes comme professeure au sein de la Faculté des Sciences et à la fin de nos études, une femme a même été nommée doyenne de cette faculté et ensuite rectrice de l’Université. Finalement, c’était la suite logique de ce qui se passait dans notre société. C’était la suite logique de la politique menée pour l’accès des femmes à toutes les formations, de toutes les femmes. C’était également le début des considérations sur le développement durable au sein de l’Université.

 

Dans la même logique, en 2016, en tant que députée j’acceptais la nouvelle loi sur l’Université, la LUNE. Dans cette loi, figure que l’Université garantit l’égalité entre femmes et hommes. De plus ce printemps, l’assemblée de cette même institution se dotait de statuts écrits non pas avec un langage épicène, mais au féminin. Une féminisation pour sensibiliser, pour promouvoir les femmes au sein du milieu académique. Je suis attachée à ces notions d’égalité, qu’elles soient inscrites dans les bases règlementaires, mais encore faut-il les suivre. Et aujourd’hui, le sentiment qui m’envahit est surtout un malaise. Un malaise car, comme chaque année, en tant que députée, je reçois la traditionnelle invitation à suivre le Dies academicus de l’Université de Neuchâtel. Y assister m’intéresse, en tant qu’ancienne étudiante, mais aussi comme politicienne, pour suivre les défis auxquels l’institution doit faire face dans un monde académique en constante évolution.

 

Mais malgré cet enthousiasme à m’y rendre, c’est une certaine tristesse mélangée à une grande colère que m’a laissé cet évènement neuchâtelois automnal. Non pas à cause de la qualité des intervenantes et intervenants, mais à cause de l’image qui s’en dégageait : celle d’un monde universitaire masculin et encore masculin. En effet, j’y ai compté un recteur, quatre vice-recteurs, quatre doyens, un président de son conseil, un secrétaire général – soit les onze plus hauts postes décisionnels tous occupés par des hommes. Cerise sur le gâteau : il en allait de même pour la nomination des quatre honoris causa. Je dois l’avouer, j’ai de la peine à reconnaître l’université dans laquelle j’ai suivi ma formation. Tout comme j’ai de la peine à voir les principes contenus dans la loi ou les statuts de l’université traduits dans la réalité de l’institution.

 

Je ne peux que faire le constat que l’UniNe a perdu aujourd’hui en crédibilité sur le volet de l’égalité. Je ne peux que faire le constat qu’il ne suffit pas de changer le nom d’une place, adresse d’une des facultés, par le nom d’une femme pionnière, pour que les choses soient acquises. Je ne peux que faire le constat, qu’au sein du milieu académique, l’égalité entre hommes et femmes est encore bien loin d’être atteinte. Certains me diront que la représentation masculine du moment est le résultat de toute une accumulation de circonstances. Peut-être ! Mais je serai convaincue par ce genre de théories lorsqu’en raison de toutes autres circonstances, la situation sera inversée.

 

Durant son intervention, Anne Geneviève Büttikofer, directrice de H+, intervenante externe du Dies academicus, a évoqué la problématique de tuyau percé dans le domaine de la santé. Plus on avance dans la hiérarchie, moins les femmes y sont présentes, elles sont perdues le long du parcours. L’image véhiculée ce samedi 3 novembre par le corps universitaire n’a rien de différent. Elle n’avait rien de motivant pour les femmes, pour ne pas dire qu’elle était dégradante. Les femmes représentent la moitié de notre société, elles forment environ 60% du corps étudiant au sein de l’UniNE et les exclure des fonctions dirigeantes n’est plus acceptable. Comment peut-on s’identifier au monde académique en tant que femmes lorsqu’il n’est conduit que par des hommes ? Comment peut-on motiver des femmes à continuer le cursus académique lors que les seuls modèles qu’on leur présente sont tous masculins ? A quand une réelle volonté à réparer ce fameux tuyau ?

 

Des discussions agitent le monde politique pour savoir si l’on doit introduire des quotas pour une meilleure représentation des femmes, est-ce que les discussions doivent avoir lieu dans le milieu académique ? Je pense que oui, et ceci, simplement en cohérence avec ses missions par rapport à la société.