Le “consentement à l’impôt”: baromètre de la démocratie

Un quart des Français sont tentés de frauder le fisc, nous apprend l'Agence France Presse, soit 25 Français sur 100… On peut se demander s'ils sont conscients de leurs réponses car ils sont aussi 44 sur 100 à déclarer avoir déjà réglé en liquide des services divers afin d'éviter la TVA et/ou les charges sociales. On s'avoue donc plus volontiers fraudeur que fraudeur potentiel! Cela ne prête néanmoins pas à rire car le "consentement à l'impôt" que souhaite mesurer cette enquête n'apparaît pas très solide. 

Cela est-il inquiétant? Oui, certainement, si l'on se réfère à ce que le gouvernement français lui-même donne comme définition du consentement: "Le consentement à l’impôt permet donc à chaque Français, par l’intermédiaire de ses représentants au Parlement de contrôler les finances de l’État, et donc l’action du gouvernement ; il est l’élément central du budget de l’État, dont le vote est un pilier essentiel de la démocratie représentative."  Un sondage tout aussi récent montre que pour 43% des Français, payer ses impôts n'est pas un acte citoyen…. 

Si l'on traduit cela en termes d'actes citoyens justement, on constate que le contrat de confiance qui devrait exister entre l'Etat et ses citoyens contribuables se réduit comme peau de chagrin. C'est une chose que d'aimer ou non ses dirigeants et ses représentants, cela en est une autre que se sentir si peu citoyen que l'on n'exerce plus que ses droits sans considération pour ses devoirs. Ce mal, car c'en est un, guette tous les pays dès lors que la confiance est rompue. Au-delà de la confiance, c'est la démocratie qui en souffre, au risque de ses tourner vers des mouvements politiques qui n'ont souvent pour tout programme solide que le mépris des institutions.

L'an prochain, le Français éliront les autorités municipales. Les élus municipaux sont sans doute les plus sensibles au lien entre citoyens et pouvoirs publics. Ils le vivent sur le terrain, ils ressentent profondément le mécontentement ambiant. Et comme si cela ne suffisait pas, ce sont eux qui vont se retrouver en première ligne, s'agissant de devoir financer de nouvelles tâches imposées par l'Etat central sans concertation. La décentralisation sans le transfert des moyens financiers correspondants était déjà difficile, mais vient s'ajouter à cela une réforme scolaire coûteuse et des milliards de réductions de recettes. L'Etat central ne le dit pas ouvertement mais les communes devront peut-être choisir entre hausse des impôts et mise sous tutelle.

Le "consentement à l'impôt" en France n'est donc pas prêt de se renforcer, bien au contraire. Au-delà des résultats électoraux de l'an prochain, il faut se demander quelle ampleur pourrait prendre la révolte. Les bonnets rouges bretons ne sont qu'un avant-goût de ce qui pourrait se produire. 

 

Martine Brunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf est une femme politique suisse membre du Parti libéral-radical (PLR). En octobre 2003, elle est élue au Conseil national et intègre la commission de la science, de l'éducation et de la culture. En 2012, elle préside la Commission fédérale contre le racisme.